Musicienne accomplie, à la fois curieuse et généreuse, Hélène Labarrière est d'abord apparue sur KuB en tant que formatrice à la Kreiz Breizh Akademi et membre de la formation réunie par le projet de Patrick Molard, Ceòl Mòr. Voici son autobiographie, rédigée avec l’aide de Stéphane Ollivier.
Je suis née le 23 octobre 1963. Je suis la petite dernière de la famille. Avant moi, quatre grands garçons. Ce sont eux qui, dans les années 70, ont introduit la musique dans la maison. D’abord des disques et puis bientôt des instruments et notamment un piano. C’est comme ça que, tout naturellement, j’ai commencé la musique, dès l’âge de 7 ans.
En fait, tout ce qui m’intéressait, c’était de faire de la danse !
Finalement à l’adolescence, je me décide pour la musique. Mais là, problème ! Le piano est pris en permanence, pas par mes deux frères Jacques et Christian, mais par ma mère.
Bref, sur un coup de tête je décide d’apprendre la contrebasse.
Ce n’est pas un contrebassiste en particulier qui m’intéresse alors mais bien la fonction de l’instrument, toujours présent, indispensable, sans être nécessairement au premier plan.
Après cela, tout va finalement s’enchaîner assez vite : quelques années d’études au conservatoire, beaucoup de soirées à écouter de la musique ici et là, dans les clubs mais aussi en concert… L’apprentissage se fait plus au fil de rencontres, au gré de discussions avec des musiciens. La découverte des fondateurs s’est faite bien plus tard, par les disques.
Je fais rapidement partie des contrebassistes qu’on appelle pour jouer les standards ici et là. J’apprends à jouer, à faire mon métier de contrebassiste.
Un détonateur : la découverte de Charlie Haden et cette façon radicalement différente pour moi de jouer de l’instrument, de se placer dans un orchestre.
1986 : nouveaux projets, nouvelles rencontres, nouvelles expérimentations, avec deux groupes très importants : Eric Barret 4tet (avec Marc Ducret et Peter Gritz) et Malo Vallois 5tet (avec Charles Schneider, Richard Foix, Peter Gritz). Premiers contacts avec des conceptions plus vastes et libres de l’improvisation ; premières compositions personnelles ; premières prises de consciences de ce que peut-être un choix musical. Et puis c’est la rencontre déterminante avec le batteur Daniel Humair, avec toutes les questions que peut se poser un(e) très jeune contrebassiste face à un musicien de cet envergure… C’est une expérience essentielle, enrichissante autant qu’inquiétante.
Et puis en 1991, c’est la création d’Incidences, un collectif qui regroupe des musiciens montreuillois. Un moment important puisqu’on trouve (entre autres) dans ce groupe : Jean-Marc Padovani (avec qui je vais parcourir le globe), Sylvain Kassap, François Corneloup et Franck Tortiller qui au détour d’une discussion me propose une carte blanche au Festival de Couches. C’est à cette occasion que je me lance et forme mon premier groupe, Machination.
On est en 1993. Machination, c’est Noël Akchoté, Ingrid Jensen, Corin Curschellas et Peter Gritz. Des choix musicaux s’affirment (le nom du groupe, Machination, est un hommage direct à Robert Wyatt). Le tournant est décisif dans ma carrière : j’expérimente les responsabilités du leadership, ce qui a pour effet de faire évoluer mon image dans le milieu (je sens changer à la fois le regard que je porte sur moi-même et celui que je lis dans les yeux des autres)… J’écris de la musique pour la première fois. J’ai l’impression de faire de vrais choix artistiques et esthétiques. Cette aventure va me permettre de me produire dans beaucoup de festivals.
Novembre 1996 : c’est le 60e anniversaire de la mort de l’anarchiste espagnol Buenaventura Durruti et Jean Rochard, le créateur du label Nato, décide de lui consacrer un disque hommage en un projet collectif fédérant un grand nombre d’artistes et de musiciens venus de tous horizons. Je suis conviée à la fête. Je rencontre de nombreux musiciens anglais comme Tony Hymas et Evan Parker à cette occasion. C’est une époque de créativité intense entremêlant la politique, la poésie et tout un tas d’autres formes d’expressions (je me souviens par exemple d’un beau concert avec le dessinateur Moebius).
De plus en plus à l’aise à la frontière des choses, j’aime passer d’un ensemble de musique contemporaines comme Ars Nova, à des performances en compagnie de slamers comme D’ ou Dgiz.
Je fais également une rencontre inattendue via les frères Molard, avec l’univers de la musique bretonne (je participe à leur projet Bal Tribal). À cette occasion je renoue avec un élément musical que je n’ai jamais perdu de vue dans la pratique de l’improvisation, mais que j’ai expérimenté d’une autre manière : le groove, la transe, toutes ces notions rythmiques centrales dans le jazz de mes débuts. (À partir des années 2000, Hélène se rend de plus en plus en Bretagne, et finit par s’installer dans le Morbihan, ndr).
En 2005, je sens la nécessité de faire le point sur toutes ces expériences. Monte alors le désir de jouer en solo. Entre rencontres éphémères ici et là et complicités au long cours (ma participation au nouveau Trio de François Corneloup avec le Batteur Simon Goubert), ma vie de musicienne continue de se tramer de tous ces fils inextricablement emmêlés. Avec passion.
Nous continuons avec de nouveaux projets, si nécessaires pour l’élan vital et l’inédit qu’ils introduisent soudain dans nos vies. Ce seront Ceòl Mor avec Patrick Molard, Jacky Molard, Eric Daniel, Yannick Jory et Simon Goubert; Busking le duo avec Hasse Poulsen; le For Trink 4tet avec Bernard Lepallec, Pierre Stephan et Nicolas Pointard ; Blind avec Erwan Keravec, Raphaël Quenehen et Philippe Foch.
Nous continuons de jouer, de penser, de (nous) manifester, de rêver, de danser, de pleurer, de rire… Nous continuons et nous continuerons.
Hélène Labarrière est à retrouver sur notre site KuB sur les pages Ceòl Mòr, Hélène Labarrière & guests et Brumaire.