Ses parents, des révolutionnaires russes qui fuient le régime tsariste en 1908, ont choisi pour exil la France, terre des libertés. Née à Paris en 1917, Hélène Mordkovitch, suit une brillante scolarité à l’école de la République. Après ses études, elle intègre le laboratoire de géographie physique à la Sorbonne. Lorsque les Allemands envahissent la France, elle sent qu’elle doit agir, et cette intuition va faire d’elle une des rares résistantes de la première heure.
Dès septembre 1940, elle commence seule et spontanément à distribuer des tracts dans les boîtes aux lettres des parisiens. Lorsqu’elle rencontre Philippe Viannay, étudiant en philosophie qui s’était inscrit à La Sorbonne, son engagement va prendre une autre dimension.
Tous deux décident d’agir ensemble contre l’occupant, de mener leur combat en France pour faire un journal. Ils vont créer l’un des plus grands mouvements de Résistance de la zone nord : Défense de la France. Hélène s’occupe de l’organisation, Philippe trouve le soutien d’un industriel pour financer leur journal clandestin. Défense de la France sera imprimé puis distribué, en plein Paris, au nez et à la barbe des Allemands. Ce sera le titre le plus diffusé sous l’Occupation malgré les dangers, dont le tirage montera à plus de 450 000 exemplaires. Il deviendra à la Libération le célèbre France‐Soir. Philippe en prendra la direction, mais pour Hélène c’est une autre histoire qui va commencer après des vacances bien méritées.
Eté 1946 : la famille Viannay se repose en Bretagne sud. La mer leur avait été interdite pendant toute l’occupation par les Allemands. Ils décident d’embarquer avec un pêcheur pour découvrir l’archipel des Glénan. Ces îles au large de Concarneau les font rêver. Ils y entrent comme dans un sanctuaire, éblouis par la beauté de ces îles désertes. Philippe dit à Hélène : C’est trop beau, nous n’allons pas garder cela pour nous ! Hélène répond Oui sans hésiter. L’année suivante s’ouvre le premier camp de ce qui deviendra l’école de voile des Glénans. Hélène va en prendre la direction et marquer de son empreinte une page de l’histoire de la plaisance.
Pendant plus de quarante ans, cette femme résolue va offrir à des centaines de milliers de jeunes français et européens la possibilité de découvrir la pratique de la voile. Au‐delà de son apprentissage, c’est une certaine idée de la liberté retrouvée, toute une philosophie de l’action, que les stagiaires acquièrent en embarquant sur de petits voiliers pour partir en croisière. Cette école de voile connue dans le monde entier est bien plus qu’une école de voile. Dans les années 50, Hélène et Philippe construisent eux‐mêmes, dans leur salon, un bateau complètement nouveau qui va révolutionner le monde très fermé du nautisme. Premier dériveur construit en série, le Vaurien permet de populariser la voile réservée jusqu’à alors à une certaine élite. Démocratiser la voile ne sera pas sans danger. Mais Hélène en prend le risque, persuadée qu’elle est que la voile doit devenir accessible à tous.
Hélène est décédée en 2006 mais la Fondation de la Résistance a décidé de commémorer la mémoire de cette femme hors norme. Une plaque a été inaugurée en septembre 2013, dans l’enceinte de la Sorbonne pour immortaliser l’aventure de Défense de la France, qui démarra dans les caves de l’université.