Épidemie de bonheur
DÉMERDONS-NOUS POUR ÊTRE HEUREUX
DÉMERDONS-NOUS POUR ÊTRE HEUREUX
par Alice Delanghe (2021 - 8’)
En mars 2021, Fanny Gicquel participe à la résidence Tempête #2 initiée par l’association Finis Terrae en partenariat avec l’association des Amis du Jeudi Dimanche. Elle invite Alice Delanghe à se joindre à elle. Au chantier de l’AJD à l’Aber-Wrac’h, elles réalisent ensemble une présentation de photographies et textiles autour de l’idée de transmission. Sur l’île de Stagadon, elles poursuivent leurs expérimentations dans le paysage maritime par la réalisation d’une vidéo. Le documentaire Démerdons-nous pour être heureux, en hommage au père Jaouen, en est le fruit.
>>> un film produit par Finis terrae
BEL ESPOIR
BEL ESPOIR
par Nedjma Berber et Virginie de Rocquigny
Reconstruit à neuf, le nouveau Bel Espoir, navire mythique de l’association d’insertion AJD fondée par le père Michel Jaouen et basée à l’Aber-Wrac’h, dans le Finistère, a tiré ses premiers bords en mer d’Iroise cet été... Dans la foulée de ce lancement pas comme les autres paraît le livre Bel Espoir, fruit de près de trois ans passés sur le chantier par le photographe Nedjma Berder et la journaliste Virginie de Rocquigny. Ce beau livre, tissé du quotidien de l’association et du chantier, raconte la renaissance et la vie nouvelle du Bel Espoir. Il retrace aussi l’histoire de l’AJD, rapportée par ceux qui l’ont vécue depuis les débuts. Enfin il fait ressortir le travail mené par cette association aux partis pris radicaux auprès de jeunes qui, l’espace de six mois, y trouvent un cadre où reprendre pied, et d’où repartir confiants vers une nouvelle vie.
>>> un livre édité par le Chasse-Marée
L’ultime refuge
L’ultime refuge
par Alain Maucorps
Le Père Jaouen ne désespère jamais de quiconque, quels que soit son passé, ses erreurs, ses défauts. Du moment que quelqu'un s'adresse à lui, il le prend en charge, à sa manière qui est à la fois forte et discrète. L'intérêt qu'il vous porte n'a rien de doucereux ou de sentimental : il vous traite d'une façon directe et sobre, qui ne s'attarde pas dans l'apitoiement et qui ne crée pas de dépendance. Les services qu'il vous rend ne vous enchaînent pas. Vis à vis de lui, personne ne craint d'être traité d'ingrat. Ce qu'il donne n'appelle aucune contrepartie. Vous disparaissez, il attend. Vous revenez, il est là et il vous accueille sans reproche, sans questions, sans amertume aussi, car en vous acceptant, il a accepté les risques de votre propre aventure.
À vous de saisir les occasions qu'il sait créer pour que vous vous repreniez, mais il ne se substituera pas à vous. Il ne se lassera pas de vous offrir de nouvelles chances et, si la première solution ne mène à rien, il en trouvera une seconde, et une autre encore. Il alertera les innombrables amis qu'il possède un peu partout et qui lui sont dévoués. Il téléphonera, il se déplacera, il interviendra, mais il reste toujours l'ultime recours, l'ultime refuge vers lequel convergent ceux qui sont en difficulté. Près de lui, ils cherchent la sécurité et le sentiment d'exister. Il est tellement vivant lui-même qu'à son contact, ils ont le sentiment de revivre, de puiser en lui le dynamisme qui leur manque. À tel point que certains, dans la crainte de ne pouvoir maintenir ce degré de vitalité sans être branché sur cette source d'énergie, ont de la peine à le quitter.
Extrait du livre Le Bel Espoir. Trois voyages avec les drogués.
L’AJD, une école de vie
un podcast de Simon Prieur et Nicolas Vercambre
Démerdez-vous pour être heureux, parce que les autres ont besoin de votre bonheur ! clamait le père Jaouen. Un adage que Chantal Loiselet a repris comme titre de son roman, véritable plongeon dans l’univers du père et de ses stagiaires. Le brassage des êtres, voilà en quoi ce curé des mers a toujours cru comme remède au secours des naufragés de la vie. Il s’est toujours insurgé contre l’idée qu’il fallait mettre entre eux les délinquants, les drogués, les chômeurs, opposer les bien portants et les mal portants, enfermer les gens dans des catégories qui sont autant de ghettos dont ils ne sortent plus. Alors que c’est la rencontre avec l’autre, le semblable si dissemblable, qui peut provoquer une remise en question, un désir de changement. À bord des bateaux, espaces à la fois clos et ouverts sur le monde, se côtoient des toxicomanes, des vacanciers, des jeunes sortant de prison, des apprentis de la marine marchande… un mélange détonnant, mais qui tient le cap depuis plus de 50 ans. Lorsqu’ils ne sont pas en mer, c’est au chantier du Moulin de l’Enfer que l’on retrouve les jeunes stagiaires pour un cycle d’initiation aux métiers maritimes. Des ateliers de sellerie, charpenterie, voilerie, mécanique y sont dispensés par leurs formateurs dans un joyeux capharnaüm où l’entraide est de mise. Les baraques de Pen-Enez à Landéda (Finistère), sur la dune face à l’entrée de l’Aber-Wrac’h, abritent quant à elles les bureaux de l’association des Amis de Jeudi Dimanche. Aurélie et Manon répondent aux courriers et aux coups de téléphones des candidats stagiaires, gèrent les comptes, l’approvisionnement alimentaire, les situations conflictuelles… Leur rôle, loin d’être cantonné à l’administratif, se rapproche de celui d’assistant(e) social(e). Les baraques, c’est aussi un lieu de vie où tous se retrouvent pour manger autour de grandes tables propices au rassemblement et au partage. Ceux qui ne disposent pas de logement à Landeda ou aux alentours restent dormir le soir. En plus des formateurs et des secrétaires, l’AJD compte parmi ses membres les commandants qui prennent plaisir à naviguer sur les bateaux de l’association pendant leurs congés et des bénévoles qui s’attellent à toutes sortes de tâches. Ensemble, ils embrassent la volonté du père Jaouen de faire de l’AJD une véritable école de vie.
Le curé des mers
Le curé des mers
Michel Jaouen est né sur l’île d’Ouessant le 6 octobre 1920. En 1922, la famille s’installe à Kerlouan dans le Finistère où son père installe son cabinet de médecin. Michel grandit auprès de ses 14 frères et sœurs avec lesquels, à l’adolescence, il aime traîner au port de commerce et écouter les marins parler dans toutes les langues. À 19 ans, il commence ses études au séminaire des Jésuites. Au début de la guerre, il refuse de s’enrôler et, suite à une tentative ratée de fuite vers l’Angleterre, il s’engage dans la Résistance sous le nom de Jean Lecœur.
En 1945, Michel poursuit ses études théologiques à Lyon où il rencontre le père Gounon qui est chargé d’enfant difficiles, généralement orphelins de guerre, en maison de rééducation. Afin de les sortir de la ville et de leur faire découvrir de nouveaux horizons, ils achètent un camion et comme plaque d’immatriculation lui apposent les trois lettres AJD signifiant alors Aumônerie de la jeunesse délinquante. En 1951, Michel est ordonné prêtre et l’association AJD (Aide à la jeunesse délinquante) est officialisée. L’objectif est d’élargir l’horizon des jeunes sortant de prison. Plus tard, elle obtient l’appellation d’Association des Amis du Jeudi-Dimanche. En 1954, il devient aumônier à la prison de Fresnes, fonction qu’il occupera pendant dix ans. En parallèle, l’AJD installe une base sur la dune face à l’entrée de l’Aber-Wrac'h dans le Finistère. Déterminé à poursuivre son engagement auprès des jeunes en difficulté, Michel Jaouen organise la construction du Foyer des Épinettes à Paris pour y accueillir ceux qui sortent de prison. Quelques années plus tard, l’AJD achète son premier bateau : Le Bel Espoir qui accomplit sa première croisière vers les Antilles en 1971. La goélette est rejointe en 1974 par le Rara Avis. À partir de cette date les deux bateaux traverseront ensemble l’Atlantique tous les ans avec, à leur bord des scolaires, des retraités, des drogués et des étudiants de la marine marchande… toujours dans la volonté propre au père Jaouen de mélanger les gens. Il décède le 7 mars 2016 à l’âge de 95 ans.
Confrérie de la mer
Confrérie de la mer
LE MONDE >>> C’est par le brassage des générations et des personnalités que Michel Jaouen, surnommé le Phare, ramenait à bon port les âmes à la dérive. Chômeurs, toxicomanes repentis, élèves de la marine marchande, anciens détenus, handicapés… Seule la motivation comptait à ses yeux.
CHASSE MARÉE >>> Les jeunes forment une communauté, presque un clan, une sorte de confrérie de la mer. Souvent dépenaillés, pieds nus, ils font entre eux l’apprentissage d’une certaine liberté, le temps de ce vagabondage océanique. Ils sont fiers de leurs bateaux et d’être les enfants de Jaouen.
REVUE PROJET >>> La drogue est une fuite et, sur le voilier, il n’y a plus de fuite possible : il y a le travail de navigation et les compagnons de navigation. Les toxicos se font de vrais copains en mer, alors qu’auparavant, ils n’avaient que des complices, prêts à les lâcher pour de la came, explique Michel Jaouen au sujet des toxicos embarqués.
COMMENTAIRES