Avec ou sans papiers

Alias - Homme au téléphone

L’histoire se passe à Marseille, au plus près d’un petit groupe de Guinéens qui se serrent les coudes. Entre Lassana qui a obtenu ses papiers et Bambo qui voudrait y parvenir, le quotidien est semé de doutes que Lassana tente de dissiper : Il te faut vivre, avec ou sans papiers, t’accrocher à ton travail et sortir de l’obsession des papiers.

Partagés entre pays natal et terre d’exil, la France des désillusions et la question de savoir si l’herbe est plus verte ailleurs, ils cherchent la voie de leur prospérité, étrangers partout, avec l’aide d’un dieu qui leur donne force et protection.

La réalisatrice Tatiana Botovelo est parvenue à une telle proximité avec ses personnages que nous pouvons assister en direct à leur cheminement, écartelés qu’ils sont entre des réalités disparates, ici et là-bas où vivent des parents et des enfants dont les voix résonnent dans le téléphone. Finissant par adopter l’identité d’un autre dont on a récupéré les papiers, et pour qui il s’agit désormais de se faire passer, d’où le titre de ce film remarquable : Alias.

Excentrics, une collection KuB en partenariat avec la Scam

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FILM

ALIAS

de Tatiana Botovelo (2022 - 46’)

Lassana et Bambo sont tous deux Guinéens et vivent à Marseille. Lassana a obtenu une carte de séjour après avoir passé neuf années dans la clandestinité. Bambo se prépare à devenir Français. Dans quelques semaines, il va avoir 18 ans. Chacun vit un tournant décisif de sa vie. Pour l’un, fonder sa famille en France. Pour l’autre, trouver du sens à son exil et se préparer à l’épreuve qui l’attend. Une amitié se crée et évolue aux frontières de la légalité.

>>> un film produit par Adrien Louis, la Société du sensible et Maritima TV


Sélections et distinctions

  • 2025 • La Première Fois • Festival du premier film documentaire • Marseille (France) • Sélection
  • 2024 • Filmer le travail • Poitiers (France) • Compétition internationale
  • 2024 • Festival du cinéma social • Nice (France) • Prix
  • 2023 • DocuMed • Festival Premier Film documentaire méditerranéen • Tunis (Tunisie) • Sélection
INTENTION

L’apprentissage de l'invisibilité

Alias - Botovelo - gabarit

Quelque part en périphérie de Marseille, au bout d’une artère au bitume crevassé, s’opère à l’aurore un rendez-vous informel sur le parking d’un magasin de bricolage : des chefs d’entreprise viennent glaner une main d’œuvre pas chère et corvéable, des travailleurs sans papiers. Cette scène, à quelques pas d’un commissariat de police, à la vue de tous et toutes, m’indigne comme elle me fascine. Je ressens le besoin et la nécessité de faire un film lorsque je rencontre l’un d’entre eux : Lassana. Il y a quatre ans, je l’ai vu pour la première fois lors d’une réunion dans les locaux du collectif El Mamba. Il est arrivé en retard, vêtu d’un bleu de travail. Son pantalon et ses chaussures étaient recouverts de ciment. Il s’est assis au fond de la salle et est resté silencieux durant la réunion.

Il a pris la parole en dernier : il venait dénoncer le non-paiement de son dernier chantier. Sa voix était franche, ses mots confus et disparates. Il a énuméré la succession et la répétition des mauvais traitements, d’une traite, sans reprendre une seule fois son souffle, sans oublier aucun détail, et, si les mots manquaient, il utilisait ses mains pour s’exprimer. Tout en narrant l’injustice, il abordait un discours conscient de sa condition. À partir de là, nous nous sommes rencontrés régulièrement. Il m’a raconté ses neuf dernières années, pesantes années rythmées par la peur des contrôles de police et la crainte du frigo vide. Neuf années de clandestinité.

Aujourd’hui, carte de séjour en main, il digère le passé et se projette vers un avenir auprès des siens, une mère laissée au pays et une fille qu’il n’a pas vue grandir. C’est son individualité et sa singularité qu’il retrouve avec cette nouvelle situation. Il se surprend à flâner dans la rue, en toute insouciance.

Dans ce glissement vers la légalité rôde encore une ombre, celle de Bambo. Oublié des foyers et des éducateurs spécialisés, Bambo ne savait pas où aller, ni où dormir. Lassana lui a ouvert la porte de son appartement de 18 m2. Quand t’as connu la merde tu peux pas fermer les yeux sur les autres. L’urgence s’est transformée en routine, et voilà maintenant plus d’une année qu’ils partagent leur quotidien.

Dans quelques mois, Bambo va rentrer dans la clandestinité pour au moins cinq ans. Lorsqu’un étranger atteint l’âge de la majorité, en France, il sort des radars du système et passe inévitablement par la case de l’illégalité. Le propre de sa survie va consister à se dissimuler. Lassana assiste à cette trajectoire et tente d’accompagner et préparer Bambo à l’expérience de la clandestinité, à l’apprentissage de l’invisibilité. La passivité et le silence de Bambo va mettre son indulgence et sa patience à rude épreuve.

BIOGRAPHIE

Tatiana Botovelo

Botovelo - portrait - Gabarit

Tatiana Botovelo, née à Troyes en 1993 de parents malgaches, est une cinéaste basée à Marseille. Longtemps, elle s’est questionnée sur la manière dont le cinéma français représentait les minorités. Elle a ressenti la nécessité d’écrire et de faire des films, de montrer d’autres choses, de raconter des histoires différentes. Mettre en lumière la complexité, rendre compte de sentiments, de trajectoires individuelles.

Son travail est traversé de questions sociales et interroge les rapports de domination dans la société française contemporaine, post-coloniale.

REVUE DU WEB

Travailleurs de l'ombre

FRANCE INFO 📝 (2023) >>> En France, si tu n'as pas de papiers, tu n'existes pas : des travailleurs en situation irrégulière réagissent au projet de loi Immigration.

FRANCE CULTURE 🎧 (2023) >>> Travailleur et sans-papiers : qui peut prétendre à la régularisation ?

LA CIMADE 🎧 (2022) >>> Ce premier épisode de Nous, les banni·e·s, podcast de 22 min, donne la parole à Mamadou. En France depuis 2017, il travaille et cotise. Pourtant, il mène une vie dans l’ombre, sans pouvoir travailler légalement, avec la crainte permanente d’être expulsé.

STREET PRESS 📝 (2022) >>> 17 travailleurs sans-papiers réduits en esclavage. Trois personnes et une entreprise sont condamnées pour avoir exploité et hébergé dans des logements indignes des travailleurs sans-papiers dans le Finistère.

FRANCE CULTURE 📝 (2018) >>> De l'immigré clandestin à l'immigration choisie : la fabrique de l'expression sans-papiers.

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    réalisation Tatiana Botovelo
    image Nicolas Gallardo
    son Alexandre Frigoult

    montage Camille Rongier
    mixage Gilles Cabau
    étalonnage Julien De Sousa

    coproduction La Société du Sensible, Maritima TV
    avec la participation du CNC, du fonds Images de la diversité et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires
    avec le soutien de la Région Sud, de la Procirep, de la bourse Brouillon d'un rêve de la Scam et de la Sacem

    Artistes cités sur cette page

    Botovelo - portrait - Gabarit

    Tatiana Botovelo

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