Sonnez bombardes !
AVEC DÉDÉ
AVEC DÉDÉ
de Christian Rouaud (2011 - 79’)
Les mots se bousculent dans sa bouche, les objets lui résistent, il est encombré de son grand corps, mais il avance, avec une énergie communicative. C’est Dédé Le Meut, sonneur de bombarde virtuose, amoureux de la langue bretonne, de la musique, de l’humanité. Généreux, fantasque et burlesque tout autant que musicien talentueux, inlassable glaneur du patrimoine culturel, cet irrésistible Monsieur Hulot nous emporte dans le tourbillon de ses rencontres.
>>> Un film produit par Florent Verdet, Entre2prises et Label Vidéo
De l'âme universelle
De l'âme universelle
par Christian Rouaud
J’ai rencontré Dédé un peu par hasard, quand en 1993 je préparais un film pour lequel je cherchais un bagad susceptible de gagner le championnat du Festival interceltique de Lorient. Dédé dirigeait celui de Locoal-Mendon. Je suis tombé immédiatement sous son charme : son allure, sa gestuelle, son phrasé, son charisme, son humour... Mais, dans ce film, Dédé était un personnage parmi d’autres, sa personnalité étonnante méritait mieux. J’ai retrouvé Dédé en 2003, à l’occasion d’un film intitulé Bretana, qui racontait le parcours et les rencontres de Carlos Nuñez, joueur de cornemuse espagnol, venu préparer en Bretagne un disque issu de la tradition musicale du cru. Dédé avait pris de la bouteille et de l’entregent, il était devenu incontournable et Carlos Nuñez fit naturellement appel à lui pour l’aider à choisir les airs et pour jouer sur scène à ses côtés. Dédé est encore très présent dans ce film, mais il n’était encore qu’un personnage secondaire. En 2008, je me suis dit qu'il était temps de faire le portrait de Dédé. Ce film est donc une histoire d’entêtement... et d’amitié.
Pour ce film, j’ai demandé, et obtenu l’impossible : de la durée ! Je ne m’étais pas fixé d’échéance, je filmais selon mon humeur ou quand Dédé m’appelait parce qu’il pensait que quelque chose pouvait m’intéresser. Je prélevais les images par couches successives, au gré de sa vie. Il fallait laisser venir les choses, même si suivre Dédé n’est pas toujours une sinécure ! Le tournage s’est donc étalé sur un an et demi. Dédé est d’abord un musicien et un interprète hors pair, il fallait qu’on l’entende. Il est un des meilleurs sonneurs de bombarde de Bretagne, que Carlos Nuñez comparait à John Coltrane. Dès qu’il arrive quelque part, on vient lui serrer la main, les anciens lui parlent en breton. Mais ce n’est pas de notoriété dont il est friand, c’est d’une approche différente de la musique traditionnelle, qui atteste à fois de son sens aigu de l’enracinement et de son désir de recherche de sonorités inouïes. C’est pourquoi je voulais que le spectateur entende cette musique, qui parle vite et fort et nous bouleverse parce qu’on sent bien qu’elle vient de loin, qu’elle fait partie de notre culture commune. Comme toutes les musiques traditionnelles, elle a des racines paysannes, elle est issue de la transmission orale, de la danse, des complaintes et, à travers ses particularismes régionaux, a irrigué toute la France et nous est étrangement familière, quelle que soit notre région d’origine. On retrouve dans cette musique pourtant si attachée à son origine celte, quelque chose de l’âme populaire universelle, qui touche les gens, quelle que soit la région où le film a été projeté en festivals. Je voulais que ce soit un film gai. D’abord parce que Dédé est drôle naturellement. À son corps défendant, sans doute, mais pas à son insu. Il a un humour lunaire, une distance, même dans les pires stress ou les situations impossibles, un mélange étrange de gravité et de légèreté, une sorte de résignation face à lui-même qui force la sympathie parce qu’il n’est jamais dans le registre de la plainte. Il est parfaitement conscient qu’il est drôle, et il en joue.
On a souvent parlé de Jacques Tati à propos du film. C’est un peu écrasant, mais c’est une référence qui me plaît bien parce qu’elle induit une façon de regarder le monde, proche de ce que Jean-Michel Ribes appelle le rire de résistance. Un regard tendre, qui n’exclut pas la lucidité, au contraire, et qui peut être féroce, mais qui se méfie par-dessus tout de l’esprit de sérieux et de ses certitudes. Pour moi, filmer, c’est toujours faire partager quelque chose du lien que j’ai noué avec le personnage, mon admiration, mon empathie avec sa fragilité et sa modestie, mais aussi une confiance en ce qu’il pourrait devenir et qu’il ne soupçonne pas.
Christian Rouaud
Christian Rouaud
Avant de passer derrière la caméra, Christian Rouaud a été professeur de lettres. Puis sa passion pour le Septième Art le pousse à devenir responsable de formation audiovisuelle pour l'Éducation nationale. Durant cette période, il réalise des films pour le système éducatif, participe à différents projets sociaux et culturels - notamment un circuit interne de télévision à la prison de Fresnes - ou encore à la création de l'association Audiovisuelle pour tous dans l'Éducation (APTE), qu'il préside pendant cinq ans. Dès 1985, il réalise plusieurs films destinés à l'enseignement, avant de tourner divers documentaires. Il remporte le prix du meilleur documentaire aux Césars en 2012 avec Tous au Larzac.
André Le Meut
André Le Meut
André Le Meut est né en 1964 à Ploërmel. Fils d’un père agriculteur et chanteur, neveu d’un oncle accordéoniste, il baigne dès son enfance dans les sonorités traditionnelles bretonnes qui lui révèlent tôt sa vocation de musicien. Autodidacte, la bombarde devient rapidement son instrument de prédilection. Il devient progressivement un talabarder (joueur de bombarde) reconnu dans sa région. En 1991, il devient le chef d'orchestre du bagad Roñsed-Mor et conserve ce poste jusqu’en 2005. Proche de ses racines bretonnes, il se forme à la langue bretonne en immersion avec l’association Stumdi et décroche en 2012 le diplôme de compétences linguistiques de breton. Par ailleurs, il anime des stages et chante en fest-noz et en concerts.
La parole du sonneur
La parole du sonneur
LE TÉLÉGRAMME >>> Il fait nuit, André Le Meut et ses compagnons enchaînent les airs à danser. La fête est belle. Le matin se lève à peine, le musicien est sur les routes. Il lui faut rencontrer ceux qui ont encore en mémoire de vieux chants.
OUEST FRANCE >>> Trois questions à Dédé : Le but, ce n'était pas de me mettre en avant. Je voulais montrer que la musique rapproche les gens, quelle que soit l'influence musicale à laquelle on appartient.
7 juin 2024 22:26 - Le borgne
Quel talent !!