L'enfer sur terre

Soldat de dos dans la boue

Dès 1915, la boue est l’élément dominant du champ de bataille. La guerre de tranchées réduit les humains à une existence souterraine. Issues de la glaise, les créatures de Dieu retournent à leur état d’origine (Adam, vient de l’hébreu adama : la terre).
De ce cataclysme, Bruno Collet tire une œuvre picturale saisissante, crépusculaire. Et il lui donne pour titre Le Jour de gloire, prélevé d’un chant de guerre... devenu notre hymne national.

LE JOUR DE GLOIRE

de Bruno Collet (2007 - 6')

La nuit précédant l'offensive, un soldat s'est retranché au fond d'un souterrain. Dehors, la guerre gronde à faire trembler la terre, et l'homme se prépare à l'inéluctable... Dans ce film en volume animé, les corps des soldats redeviennent matière, alliage de terre, de feu et d'acier, figés dans la mort pour l'éternité.

>>> un film produit par Jean-François Le Corre, Vivement Lundi !


PALMARÈS

Grand Prix & Prix spécial pour le son au HD Film Festival 2007
Grand prix du Festival ReAnimcaja de Lodz 2008
Prix du court métrage du Festival Animabasauri de Bilbao 2008
Prix 3D du Festival Effets Stars 2008
Prix Iris du Festival Faites des courts de Brie-Comte-Robert 2008
Grand Prix du Festival de Montecatini 2008
Prix de la Presse du Festival de Grenoble 2008
Prix du meilleur film de la compétition internationale No Words du 40e Festival du Film Court de Bolzano 2008
Prix pour la musique du Festival International de Soria 2008
Prix du public du Festival Les Nuits Magiques de Bègles 2008
Prix Hermès du Festival du court métrage de Fréjus 2009

NOTE D'INTENTION

Le gaz, le feu et la terre

Par Bruno Collet

Dans la campagne de l’Est de la France, la terre n’est plus retournée par le soc des charrues mais par l’acier des obus. Labouré par la mitraille, le sol est devenu stérile. Arrosés par des pluies d’acier, les arbres ont disparu et seuls des massifs de barbelés poussent sur cette terre dévastée. Grâce à son incroyable créativité, l’homme vient d’inventer en ce début de vingtième siècle, la guerre moderne. Une modernité qui lui donne une puissance de feu jusqu’ici inégalée et la possibilité de créer, en moins de quatre mois, l’enfer sur terre. Un monde si hostile que seul le soldat et le rat, compagnons de tous les malheurs, peuvent y survivre. Fini le faste des expositions universelles, la vogue des bains de mer et les bienfaits de la fée Électricité. Oubliés les projets, les envies et l’insouciance de l’été. En ce mois de décembre, les règles ont changé. Les femmes ne sont plus qu’un lointain souvenir. On n’est pas là pour donner la vie mais pour répandre la mort.
Les éléments eux aussi se sont modifiés. L’air s’est transformé en gaz. Le feu a quitté la douce chaleur de l’âtre pour se retrouver craché par la bouche des canons. L’eau si nécessaire à la vie est devenue dangereuse. Souillée par les cadavres, elle est insalubre. Mélangée à l’argile, elle transforme le terrain en un énorme bourbier. Triturée, malaxée, cette terre nourricière est devenue un cloaque gluant et visqueux qui ralentit tout mouvement et absorbe les morts. Pourtant, cette terre, pendant trois ans, les soldats vont essayer de la dompter. À coups de pelles, ils ont tenté d’en faire une alliée. Elle va devenir pour des millions d’hommes leur unique protection. Mais la terre est sournoise et l’explosion d’un shrapnel suffit à transformer une tranchée en tombeau.


Près d’un siècle plus tard, elle n’a rien oublié. Elle se souvient que des millions d’hommes se sont battus et sont morts pour la posséder. Chaque année, elle continue de vomir cette incroyable quantité d’acier qu’elle n’a jamais pu digérer. Le jour de gloire... met en scène de manière métaphorique, cette composition létale que constitue pendant la grande guerre le mélange hommes, terre et acier. La terre, cette glaise du Nord de la France que j’utilise parfois pour créer mes sculptures, est la matière et le personnage principal du film. Elle sert à modeler les décors, mais aussi les hommes. Elle permet de rendre indissociables le soldat et le champ de bataille. Le poilu « naît » du sol de la tranchée, son cadavre y disparaît. Ce cycle infernal, la technique de l’animation en volume permet de la mettre en œuvre, de jouer de manière esthétique avec cette unité de matière à forte symbolique (Dieu s’est servi de terre pour créer l’Homme), de mettre en parallèle la fragilité de la chair et de l’argile face au métal. Le métal au sens large du terme est le deuxième élément présent dans ce court-métrage. Parfois protecteur pour les hommes (casques, chars d’assaut), l’acier en ces temps de guerre est majoritairement destructeur. Utilisé pour la fabrication des barbelés, des baïonnettes, des obus et autres projectiles, ce matériau dominant laisse des traces dans le corps et la mémoire des hommes. Le métal c’est aussi le bronze. Ce mélange de cuivre et d’étain, on le découvre grâce à une pluie ruisselante qui débarrasse de sa gangue d’argile un soldat mortellement touché. Débarrassé de cette boue, le poilu révèle sa vraie nature. Fait de cet alliage semi précieux, il est devenu un héros immortel. Statufié, il est prêt à braver l’usure du temps, hormis l’ironie d’une nouvelle guerre qui verrait son bronze transformer en canon...

BIOGRAPHIE

Bruno Collet

Bruno collet dessin

Né en 1965 à Saint-Brieuc, Bruno Collet obtient en 1990 le Diplôme National Supérieur d'Arts Plastiques (Beaux Arts de Rennes). Depuis 1993, il a travaillé comme décorateur sur de nombreux films, séries et vidéomusiques en volume animé. Après la réalisation de son troisième court métrage, Le Jour de gloire..., il développe un nouveau scénario pour la collection de films courts Animator’s Studio développée par Vivement Lundi !, TPS et Nadasdy Films et travaille à l’écriture de son premier long métrage d’animation.

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REVUE DU WEB

Une guerre de boue

ECPAD >>> La section cinématographique de l’armée présente Faire la guerre dans la boue. En décembre 1915, dans la Somme, le général Mangin écrit : Pendant la relève, une section de trente-cinq hommes s’est enlisée jusqu’au cou [dans une tranchée] et y est restée pendant quinze heures dans la boue glacée.

L'OUEST EN MÉMOIRE >>> Pour commémorer les 70 ans de la fin de la Première Guerre mondiale, l’équipe de l’émission en breton An Taol-lagad est allée interviewer Roger Laouenan, l’historien trégorrois vient juste de publier son deuxième livre sur la guerre, La Moisson rouge. Il évoque les combats, le travail des femmes à l'arrière, l’armistice et le nombre de morts...

La Marseillaise >>> Un chant de guerre devenu hymne national

Le Blog de Fabrice Richard >>> L’album du tournage de Le jour de gloire..., sur le blog du chef-op’ Fabrice Richard.

Vivement Lundi ! >>> Un dossier sur le film Le jour de gloire..., le parcours du réalisateur, ses sources d'inspiration...

Collet à l'affiche, Rennes, ville et métropole >>> Richard Volante filme Bruno Collet qui parle de son Jour de gloire..., œuvre monumentale à la durée minimale. Consacrée à la guerre des tranchées, la boue en est le seul et unique acteur. Comment relève-t-on le défi technique d’une matière première pas si malléable que cela ? Réponse dans cet entretien !

COMMENTAIRES

  • 3 janvier 2023 18:24 - Delphine Bonifas

    Le film le plus viscéralement étreignant, le plus silencieusement hurlant, le plus émotionnellement poignant que j'aie pu voir sur cet effroyable conflit. Quel témoignage ! Quelle inexorable injonction faite à notre mémoire.

    Infini respect devant votre travail, immense admiration devant sa portée artistique, profonde gratitude pour les émotions déclenchées.

    Ce film, objet d'art est une pépite; oeuvre, c'est un joyau !

    Tant à dire... alors, simplement: merci, infiniment.

  • 7 novembre 2017 16:52 - DIDIER M

    Le jour de gloire
    J'ai beaucoup apprécié
    beau, symbolique, realiste

Artistes cités sur cette page

bruno collet réalisateur le jour de gloire

Bruno Collet

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