Apnées statiques interdites

Nage en gilet piscine - Apnées statiques interdites

Après le chagrin

Pour son premier film, Célia Penfornis nous met en état d’apnée prolongée, jusqu’à suffocation. La vue sous-marine des baigneurs de la piscine de Bréquigny (Rennes) produit les images de corps en apesanteur, que la réalisatrice trame avec son récit. Avec sobriété, elle retrace – de l’apparition des premières manifestations jusqu’à la fin – le chemin parcouru par son père atteint d’une sclérose amyotrophique, la maladie de Charcot, à la fin des années 90.
L'asphyxie est l’un des principaux symptômes de cette maladie. L’immersion de la caméra trouve là son sens, tout comme ces corps qui négocient avec l’élément aquatique avec plus ou moins de grâce, plus ou moins de vigueur. Ces humains-barboteurs peuvent être vus comme des noyés en puissance, à l’image de ce père qui lutte pour garder un souffle de vie et que la médecine ne pourra pas sauver.
Apnées statiques interdites est cependant un film de résilience, une représentation de l’épreuve en vue de la surmonter, tâche à laquelle Célia Penfornis s’est attelée avec constance, des années durant, jusqu'à cet accomplissement.

APNÉES STATIQUES INTERDITES

de Célia Penfornis (2017-19')

Dans le bassin d'une piscine, des corps en mouvement enchaînant les longueurs, des corps en apesanteur. Une voix raconte la fin de vie d'un homme, condamné par une maladie évolutive et incurable, baladé dans un système de santé inadapté.
Cet homme était mon père. Je nage et je me souviens.

Grand Prix du Festival Interférences de Lyon 2018

INTENTION

La souffrance et l’errance hospitalière

Mannequin de sauvetage en piscine - Apnées statiques interdites

par Célia Penfornis

Mon père est mort d’une maladie au nom et aux effets terribles : la Sclérose Latérale Amyotrophique. Cette S.L.A., qui l’a emporté en 2001, avait été diagnostiquée en 1997. Ces quatre années ont été une longue période de lutte, d’adaptation, de sentiments mêlés de colère, d’impuissance, de résignation, pour lui et pour nous, ses proches. Confrontés à une maladie neurodégénérative peu connue, nous avons aussi découvert un système de santé inadapté et contaminé par une logique de rentabilité.
Pendant ces années, nous avons noté les étapes et évènements qui ont jalonné ce parcours vers une mort annoncée. Ces notes racontent à la fois la maladie en action, mais aussi l’errance hospitalière subie, vécue comme une souffrance supplémentaire.


Des reportages existent sur cette maladie, avec des interviews de médecins, de malades, de proches, essayant de témoigner sans pour autant trop alarmer les nouvelles victimes. Pourtant il s’agit bien de parler de la mort au travail.
Cette histoire est celle d’une fin de vie, posant des questions qui reviennent régulièrement dans le débat public : prise en charge de la dépendance, soins palliatifs, euthanasie... J’ai souhaité y porter un regard subjectif et poétique, l’évolution de chaque malade étant singulière et chaque fin de vie unique.
J’ai voulu faire un film physique, au sens où l’image et le son plongent le spectateur dans un état d’apesanteur, figurant de manière sensible ce passage de la vie à la mort. Il est construit autour de cette chronologie factuelle - notes de l’évolution de la maladie et de sa prise en charge - dite en voix off. L’image est décalée du propos, du moins en apparence : une caméra subjective dans le bassin d’une piscine, croisant des corps en mouvement ou à l’arrêt, musclés ou faibles, des nages fluides ou des mouvements décousus. La piscine est le lieu unique à l’écran.
Cet univers à part, ces lignes d’eau, les corps des nageurs, le son sourd du bassin, la sensation d’être en apnée, me semblaient une toile de fond propice pour faire entendre ce récit, cette chronique de fin de vie.

BIOGRAPHIE

CÉLIA PENFORNIS

Célia Penfornis réalisatrice portrait

Célia Penfornis est née à Rennes en 1975. Elle est diplômée du Master Image et Société de l’Université Evry Val d’Essonne. Entre 2002 et 2019, elle coordonne l’association rennaise de promotion du cinéma documentaire, Comptoir du doc. Célia est aussi co-fondatrice du collectif de production audiovisuelle Les choses du kolkhoze. En 2020 elle a également créé l'association PRINTEMPS BRUYANT - L'écologie comme culture à Rennes.

REVUE DU WEB

SLA : sclérose latérale amyotrophique

LE MONDE, Tony Judt >>> L'historien d'origine britannique Tony Judt, spécialiste notamment de la gauche française, enseignant à la New York University, souffrait de sclérose latérale amyotrophique (SLA), également appelée maladie de Charcot. En janvier 2010, il publiait dans "Le Monde" un texte où il témoignait de sa vie avec la maladie.

Psychologies, Valérie Péronnet >>> Je me bats contre la maladie de Charcot, Jean-Paul, 54 ans, apprend qu’il est atteint de la maladie de Charcot, qui va peu à peu paralyser l’ensemble de ses muscles. Les médecins ne lui donnent alors pas plus de trois ou quatre ans à vivre. Terrassé par la nouvelle, il décide tout de même de tenir et de se battre, à sa façon, contre le mal.

COMMENTAIRES

  • 29 novembre 2018 19:43 - le saux marie françoise

    Sobre et poignant ( poignant parce que sobre ). L'image est très juste pour dire ce chemin vers la fin.

  • 20 novembre 2018 07:38 - Labussiere

    Film magnifique qui retrace bien l' horreur de la SLA, l ' inadaptation du monde médical face aux maladies orphelines, la solitude extrême du malade et de sa famille.
    Mon père est décédé de la SLA.

Artistes cités sur cette page

Célia Penfornis photo bio

Célia Penfornis

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