Naufragés
25/06/2025
Arrivés au seuil de leur vie d’adulte, trois jeunes se risquent à une aventure improvisée : sortir en pleine nuit sur un Zodiac emprunté sur la côte. Ils sont ivres, et la mer va leur faire payer cash leur inconscience. De cette idée, le réalisateur Julien Trauman va tirer un huis clos entre trois personnages en perdition au milieu de l’océan. Bien que de format court, À l’aube trouve le temps de creuser la cohabitation en promiscuité qui tourne, forcément, à l’affrontement. À la joie et à l’excitation succèdent l’inquiétude et la peur, l’angoisse et la panique… Tout cela est parfaitement joué par les trois jeunes comédiens Juliette Bettencourt, Gaspard Meier, Constantin Vidal, et tout aussi bien saisi à l’image et au son. Un petit bijou de maîtrise et de suspense.
À L’AUBE
À L’AUBE
de Julien Trauman (2018 - 22’)
Lors de leur fête post-Bac sur une plage, trois adolescents découvrent un bateau pneumatique sur lequel ils partent en virée nocturne. Ils se réveillent le lendemain, perdus en mer, sans eau, nourriture, ni abri.
>>> un film produit par Anaïs Bertrand et Anne-Lise Mallard pour Insolence Productions
Rite de passage
Rite de passage
par Julien Trauman
À travers le récit de trois adolescents qui se retrouvent perdus en mer, À l'aube met en scène un rite de passage à l'âge adulte, à travers l'apprentissage de l'acceptation de la mort. Au commencement, il y a un décors idyllique, une crique en Bretagne où des adolescents ont allumé un feu au pied des rochers, comme s'ils étaient seuls sur terre. Aurore et Simon sont amoureux et Adrien, l'éternel meilleur ami, déploie son énergie pour faire de cette dernière soirée de lycée un moment inoubliable.
Je souhaitais que le film commence dans une atmosphère de fin d'époque. Derrière une apparente légèreté, à mesure que les personnages se dévoilent, leurs rapports se révèlent être minés de tensions. Mais, à ce stade, nul n'ose gâcher la fête, chacun feint d'ignorer les problèmes.
Lorsque Aurore, Simon et Adrien découvrent le bateau pneumatique et partent en virée dans l’obscurité, il s'agit d'un acte motivé par l'alcool et la recherche instinctive de liberté et de jouissance. Ces thématiques sont au cœur de ce que les trois personnages devront sacrifier pour devenir adultes. À cet égard, chacun des personnages a une attitude différente face à l'adversité, plus ou moins fataliste, inconsciente ou réfléchie. Afin d'illustrer le difficile passage à l'âge adulte, j’ai construit le film autour de deux parties marquées par une rupture brutale de ton, au milieu de l'histoire. Dans la première partie, la soirée sur la plage, l'atmosphère est presque irréelle, joyeuse et chaotique, à l'image des soirées filmées par Paolo Sorrentino dans La Grande Bellezza, dans l'idée de provoquer chez le spectateur une réminiscence de ces années perdues. J’ai aussi voulu susciter une nostalgie de l'amitié et la complicité propres aux adolescents.
Puis vient le réveil, l'interminable attente, la souffrance, la peur, la résignation, et finalement la mort. C'est une sorte de vieillissement accéléré, au cours duquel la proximité devient petit à petit insupportable et où la perspective de la mort devient inéluctable. J’ai souhaité mettre en scène la perte de l'empathie, de l’incroyable intimité partagée avec nos amis de lycée, à laquelle nous repensons parfois avec nostalgie sans jamais parvenir à vraiment la recréer. Peut-être est cela que de devenir adulte ? Dans le film, le rôle du temps est donc fondamental. Il est l'ennemi. Sans abris, sans nourriture et sans eau, ils attendent, convaincus d'être bientôt secourus. Les tentatives d'agir sont vite abandonnées tant cela est dérisoire.
Je voulais que le passage à l'âge adulte prenne une dimension proche de la réincarnation. Le corps et sa décrépitude sont particulièrement visuels, à l'image de Hunger, de Steve McQueen. Ici les corps sont véritablement mis à l'épreuve, du froid, du soleil, de la déshydratation. Aussi les liquides corporels, la transpiration, le sang, l'urine, sont omniprésents dans les corps qui se dessèchent. Le rite de passage est aussi vécu mentalement, à travers les hallucinations de chacun des personnages. La folie joue un rôle crucial dans le film et définit le rapport au monde de chacun des personnages. Adrien, a priori le plus immature des trois, parvient finalement à gérer ce gouffre avec raison et empathie. En revanche, Simon s'avère non seulement impuissant mais aussi lâche et paniqué face à ses hallucinations. Les hallucinations d'Aurore sont porteuses d'une symbolique beaucoup plus forte – les fourmis, associées aux problèmes familiaux, l'attaquent littéralement et l’entraînent jusqu'à son point de rupture. Car la peur incontrôlable de devenir folle monte en elle. Incapable de surmonter ces angoisses, Aurore finit par se jeter à l'eau, laissant derrière elle Simon et Adrien, subitement devenus adultes et qui devront, désormais seuls, affronter leur culpabilité.
Julien Trauman
Julien Trauman
Après des études au Canada à la Vancouver Film School, Julien Trauman a travaillé comme monteur et assistant-réalisateur. Il réalise en parallèle plusieurs courts métrages autoproduits, avant de rencontrer Anaïs Bertrand qui produit son premier film professionnel, À l'aube, qu'il a écrit avec Sebastian Echegorri. Il développe actuellement un long métrage, Siberia, également avec Insolence Productions.
Mélange des genres
Mélange des genres
OUEST FRANCE >>> Dans les coulisses du tournage en pleine mer de À l'aube, à la Trinité-sur-Mer, en collaboration avec la Société nationale de sauvetage en mer.
VARIETY >>> [ANGLAIS] Le Français Julien Trauman n’a jamais eu peur de jouer avec les genres, et dans son dernier court-métrage, À l’aube, il utilise des aspects du thriller psychologique, du film de survie, du film d’apprentissage et du film fantastique.
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