Nature morte
Que deviennent les choses quand nous ne sommes plus là ?
Pauline Goasmat s’intéresse à la transition, entre décès et inhumation, préambule à la disparition. À cet instant tout est encore là mais on n’y est plus puisqu’on est allongé sur la civière en inox de la morgue. Notre intérieur aurait une âme qui peu à peu retire à nos objets leur raison d’être.
Autopsie illustre bien l’Ecclésiaste - Vanité des vanités, tout est vanité – et amorce des parallèles où la chambre funéraire est une variante du garde-meuble, le cercueil du carton de déménagement, voire le crématorium de l’incinérateur de déchet. Le tout avec calme et sérénité.
AUTOPSIE
AUTOPSIE
de Pauline Goasmat (2011 - 9’)
d’après un scénario de Nicolas Verpilleux
Un père et son fils partent au petit matin. Leur voyage les mène à un village isolé, devant une maison aux volets clos et au gazon à l’abandon. La maison d’une morte avec, dans chaque pièce endormie, les traces, les restes d’une vie entière. Ses livres, vêtements, factures, vaisselle, télévision, meubles... Les preuves d’un vécu, les cendres encore chaudes d’une présence absente, que le couple père et fils vont déménager, ranger, laver. Vider.
>>> un film produit par Utopie Films
Sans action, sans personnages
Sans action, sans personnages
par Nicolas Verpilleux
Comment une histoire est-elle possible sans action ni personnages incarnés ? Le film est une suite de plans fixes sur des lieux, des décors, des objets. Le récit se forme ainsi par les traces laissées par les personnages, toujours absents à l’image. Il les questionne, à la manière d’une autopsie où le décès est raconté par les os, le sang et les organes. Ici, ce sont les objets et les lieux qui font office de corps à autopsier. Que racontent-ils sur les personnages et leur histoire ? Le film se présente ainsi comme une phrase incomplète, dont on aurait volontairement ôté sujet et verbe. Au spectateur de retrouver les pièces manquantes, de deviner et retracer l’ensemble du récit. L’histoire apparaît pour ainsi dire amputée, une histoire dont on aurait supprimé l’action et les personnages pour ne laisser que la partie morte, l’avant ou l’après de l’action. Jamais le pendant.
L’enjeu consiste donc à raconter, ou tenter de raconter, une histoire en ne conservant que l’avant et l’après, et en laissant soin au lecteur spectateur de deviner le récit, de déduire l’action uniquement par les traces laissées. Ce procédé narratif accompagne l’histoire de ce déménagement de la maison d’une morte : que reste-t-il concrètement, matériellement, après le décès d’une personne ? Qu’est-ce que ces restes – meubles, livres, bibelots – disent sur elle ? Comment tous ces objets- traces témoignent-ils de l’histoire d’une vie – et plus encore, celle d’une mort ?
Source : Le Groupe Ouest
La présence dans l'absence
La présence dans l'absence
par Pauline Goasmat
Suite à notre collaboration sur Reflux, mon précédent court-métrage, il me semblait évident de repartir sur un nouveau projet avec Nicolas Verpilleux. Venant du milieu expérimental et artistique, j’ai instantanément visualisé la mise en image de son nouveau scénario.
Cinéaste de l’image plus que de la parole, Kubrick disait : Ce qu’il y a de mieux dans un film, c’est lorsque les images et la musique créent l’effet. (...) On pourrait imaginer un film où les images et la musique seraient utilisées d’une façon poétique ou musicale, où une série d’énoncés visuels implicites seraient faits, plutôt que des déclarations verbales explicites. J’ai été marquée par cette phrase et j’ai trouvé dans le scénario de Nicolas une histoire qui me permettrait de m’exprimer uniquement à travers l’image et le son. Quand on perd quelqu’un, les mots nous manquent, mais les sentiments et les souvenirs sont, eux, bien présents.
Le film porte sur la perte d’un être cher à travers le souvenir qu'il laisse. Quand on rentre dans la maison d’un défunt, on ressent tout le vécu et la vie de cette personne à travers sa décoration et ses meubles. On ressent même ses habitudes à la façon dont certains objets sont disposés. L’idée de tourner un film sans comédien, avec cependant une forte présence des trois personnages principaux, stimule et aiguise à la fois ma curiosité de cinéaste et mon goût pour l’image. L’idée, l’enjeu, et presque le défi de ce projet, étant vraiment de faire sentir au spectateur qu’à travers l’absence de quelqu’un, il ou elle est toujours présent.
La mise en scène est douce et flottante, presque fantomatique. La mise en scène laisse le spectateur se faire sa propre opinion de l’histoire, sa propre enquête dans l’image entre plans larges sur les lieux et plans serrés à la recherche d’indices. Des plans doux et contemplatifs, comme un regard posé avec mélancolie sur la vie de celui qui vient de partir.
Le film reposant principalement sur l’image, il m'a semblé important de travailler chaque plan comme une photographie ou un tableau que la caméra viendrait explorer, sans s’appesantir.
Absents à l’image, les personnages existent à travers les sons qu’ils produisent : des bruits de pas sur le gravier, une porte qui se ferme dans la pièce d’à côté, une radio que l’on éteint dans la cuisine. Le son devenant alors la seule trace de vie et d’action en train de se faire.
Pauline Goasmat
Pauline Goasmat
Tout en poursuivant ses projets de fictions, elle commence à réaliser des formats courts pour Discovery Channel, des films institutionnels pour le luxe ainsi que des making-of pour la publicité. Entre 2005 et 2008, elle réalise le making-of de 8, film choral réalisé par Jane Campion, Jan Kounen, Gus Van Sant, Gael García Bernal, Wim Wenders, Gaspar Noé, Mira Nair et Adberrahmane Sissako.
À partir de 2009, elle s’oriente vers le clip, d’abord avec le groupe As the stars fall, puis avec de nombreux artistes tels que Heather Greene pour Argon 40, Mathilde Forget, TINY FEET, Star FK Radium et Merzhin.
Aujourd’hui, elle trouve son équilibre en réalisant des films artistiques et expérimentaux ainsi que des clips et de la pub, tout en prenant le temps de se consacrer à la fiction.
La suite sur sa fiche artiste.
Cet effroyable nombre de souvenirs
Cet effroyable nombre de souvenirs
LE TÉLÉGRAMME >>> Cette semaine, le quotidien de la Folgoëtienne Jacqueline Kerneves-Abgrall, a quelque peu été bouleversé. Pendant deux jours, sa maison de la rue Théodore-Botrel a en effet servi de plateau de tournage à un court-métrage, Autopsie. La propriétaire des lieux joue le seul personnage.
INA >>> Lydia Flem, auteure de Comment j'ai vidé la maison de mes parents, présente son livre à Olivier Barrot. C'est une grande surprise car on a à peine vécu le moment déchirant de la séparation, de la mort, et on se retrouve dans cet endroit et la vie est là. Autant on a du chagrin et on se sent vide, autant on se retrouve devant un monde gigantesque de souvenirs.
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