Aide à mourir

26/03/2026
Voici un film bouleversant, un récit admirablement mené qui éclaire le débat législatif toujours en cours en France, sur l'accompagnement des malades en fin de vie et l’aide à mourir. Il s’agit ici de Mam, une femme centenaire qui demande à son fils médecin de l’aider à en finir. La réalisatrice, Karine Birgé, est la fille du fils médecin, elle entre dans l’histoire pour la vivre, l’enregistrer et la mettre en forme.
Par le passé, Mam a été fabricante de poupées dans l’usine familiale dans les Vosges, et sa petite fille Karine fait du théâtre d’objets. Ainsi, figurines animées et automates vont peupler le chemin qui nous sépare du départ programmé de Mam.
Bon voyage n'esquive rien des souffrances atroces et de la décrépitude qui motivent le choix de mourir, et pas davantage les griefs qui accablent ceux qui osent valider ce projet, venant tant de la famille que du milieu médical en France.
Chantal Goya et Frankenstein sont convoqués dans ce film grave et pétillant, audacieux et pudique, soulevé de bouffées opératiques et de musique romantique. Mam y est intensément vivante, et déterminée à s’arrêter là. Ce film va vous faire vivre une expérience rare, celle de la mort qui vient et que l’on accueille sereinement, ensemble.
Excentrics, une collection KuB en partenariat avec la Scam

BON VOYAGE
BON VOYAGE
de Karine Birgé (2023 - 54’)
Elle avait 102 ans. C’était la fin de l’été 2018. Ma grand-mère a fait le choix de quitter la France pour venir mourir en Belgique. Le choix d’une mort douce et facile – euthanasia en grec. Je reviens sur ce qui a précédé son exil éphémère et mes souvenirs de cette difficile traversée. À partir des traces sonores que j'en ai gardées, je convoque un petit théâtre de poupées et d’objets, réunis mes proches, mes amis, le docteur Frankenstein et Chantal Goya, et retisse un monde autour de ma grand-mère partie dans une étrange quiétude.
>>> un film produit par Michel Steyaert, Centre Vidéo de Bruxelles
Sélections et distinctions
- 2025 • Festival international du film de santé - ImagéSanté • Liège (Belgique) • Compétition officielle
- 2024 • Festival international Jean Rouch - Voir autrement le monde • Paris (France) • Sélection officielle
- 2024 • Festival Psy de Lorquin • Lorquin (France) • Sélection
- 2024 • FIFA - Festival international du film sur l'art • Montréal (Canada) • Sélection officielle - longs métrages
- 2024 • FIPADOC - Festival international documentaire • Biarritz (France) • Prix des Jeunes Européens
- 2024 • Traces de vies • Clermont-Ferrand (France) • Grand Prix
- 2024 • Scam • Paris (France) • Étoile de la Scam
- 2023 • Escales documentaires • La Rochelle (France) • Compétition internationale
Elle a voulu mourir
Elle a voulu mourir

Dans l’hôpital pour séjours de longue durée où elle a vécu avant d'aller mourir en Belgique, plus personne ne l’écoutait. Du haut de ses 102 ans, Mam, ma grand-mère, était pourtant tenace, et lorsqu’elle a émis ce souhait elle a heurté les soignants qui l’entouraient. Bien que vulnérable et quasiment aveugle, elle a nommé l’échéance de sa mort, refusant une vie faite de couches, de viande en bouillie et de l’angoisse de perdre la raison. Elle ne voulait pas d'une fin de vie dégradante. Ils n’ont pas admis sa demande, ils l’ont rejetée.
Dans sa vie passée, ma grand-mère fabriquait des poupées dans l’usine familiale d’une petite ville des Vosges. J’ai le même nom que ces poupées. L’un des modèles porte même mon prénom. On les retrouve parfois sur les brocantes, usées et décaties : les poupées Birgé.
Ma grand-mère a peut-être refusé qu’on la confonde avec l’un de ses jouets. Ne pas être une poupée dans les mains de quelqu'un d'autre, une poupée que l’on change plusieurs fois par jour, ouvrant ses yeux quand on la redresse, que l’on regarde lorsqu’on a du temps libre, qu'on jette aux oubliettes quand elle est trop abîmée.
Peu de temps avant son projet d’euthanasie, ma grand-mère a subi un délire passager. À la sortie de cet épisode de deux mois, elle avait dit : Plus jamais ça. L’euthanasie était pour elle une issue mûrie de longue date et sa stricte interdiction en France ne l’en empêcherait pas.
Ma grand-mère a donc demandé à mourir entourée des siens en Belgique, précisément là où je vivais, là où la vie m’avait menée à mettre en scène des poupées et des objets au sein de la compagnie de théâtre que j'ai créée avec Marie Delhaye : Les Karyatides. À cette période, je travaillais à l’écriture et à la mise en scène d’une adaptation de Frankenstein. Avec des objets, un automate articulé, des bustes en bronze et des chants lyriques, je racontais l’histoire de celui qui veut faire revivre les morts. Dans cette adaptation, Victor Frankenstein n’accepte pas la mort de sa mère. Il veut la faire revivre.
L'écriture de ce spectacle soulevait des questions qui entraient en résonance avec la fin de vie de ma grand-mère : devons-nous accepter la mort ? Est-elle une loi de la nature ? Mais les lois de la nature existent-elles ? Nous gouvernent-elles ? Ne sont-elles que construction humaine ?
Ces questions en tête, j’ai accepté d'accompagner ma grand-mère, avec mon père, médecin, et mon frère. Je ne savais pas trop dans quoi je m'embarquais.
En France, dans l'établissement où séjournait ma grand-mère, tout était contre nous, la loi, les institutions et même certains membres de ma famille. Le tabou de cette mort choisie était trop grand. Organiser ce dernier voyage en Belgique fut un combat. Il fallait soustraire ma grand-mère à son pays natal, l’exfiltrer en quelque sorte. J’ai eu parfois l’étrange impression d’être hors la loi, d’être une contrebandière, de jouer avec les frontières, toutes les frontières : légales, administratives, éthiques, morales.
La mort de ma grand-mère fut bien différente de ce que je croyais être la mort. Une matinée ensoleillée d’octobre dans une chambre du CHR de Namur. La Sambre, affluent paisible de la Meuse, visible depuis la fenêtre. Le lieu, la date et l’heure fixés un mois auparavant. Il y avait autour d’elle une partie de sa famille et l’équipe du docteur Luc Sauveur, spécialiste des soins palliatifs et précurseur de la pratique de l’euthanasie en Belgique. Nous lui avons souhaité bon voyage. Elle est partie entourée, caressée, cajolée.
Son euthanasie m'a profondément ébranlée. Pour moi, mourir était forcément moche. Quelque chose à fuir, l’obscurité et la tristesse. Le docteur Sauveur nous a permis d'apprivoiser la mort, il m’a appris qu'elle n'est pas toujours la grande faucheuse qui nous prend par surprise, qu’elle peut être volontaire et apaisée.
En faisant ce film, c’est ma grand-mère que je veux de nouveau entendre : le grain de sa voix autant que sa détermination à vouloir choisir sa mort. À travers son expérience, je veux montrer que son acte est avant tout un choix de vie, même s’il est difficile et qu'il s'est imposé à moi, à nous. C'est le soin ultime pour reprendre les mots du docteur Sauveur.
Karine Birgé
Karine Birgé

Karine Birgé naît dans les brumes lorraines, sur cette terre qui porte encore les stigmates de la guerre. Enfant, elle joue le long du chemin de fer et dans les bunkers, collectionnant les casques et les obus enfouis, ou promène Lola, sa chèvre, au bord de la nationale.
Elle grandit un tout petit peu et s'en va errer à l'université. Elle rêve d'être hard-rockeuse. Un soir, elle prend un train pour Paris. Elle écume les bars, les restaurants mais plutôt derrière le comptoir. Un jour, elle migre en Belgique pour étudier au Conservatoire royal de Liège.
Ensuite, elle vend des sushis à Bruxelles, joue dans plusieurs spectacles et réalise des documentaires. Puis elle monte un théâtre d'objet avec Marie Delhaye: la compagnie Karyatides.
La mort en société
La mort en société
FRANCE TV 🎬 (2025) >>> Un reportage d'Anaïs Bard, Juliette Jonas, Marion Gualandi, Baptiste Blanc et Benoît Sauvage. Envoyé spécial a suivi Odette durant les cinq derniers jours de sa vie. Des moments heureux et doux, étonnamment joyeux, partagés en famille. Un reportage au Québec dans l’intimité d’une vie qui se termine sereinement.
FRANCE 3 📝 (2024) >>> Elle est décédée le 1ᵉʳ février 2024, l'esprit apaisé. Hémiplégique de naissance, malvoyante, Lydie Imhoff, Française de 43 ans et habitante de Besançon (Doubs) avait perdu progressivement l'usage de ses membres. Une situation qui l'avait poussée à entamer les démarches pour une euthanasie en Belgique, de peur de vivre dans un corps mort, comme elle l'a confiée à l'AFP, qui l'a suivie tout au long de son parcours jusque dans ses derniers instants.
FRANCE CULTURE 🎧 (2024) >>> Pour LSD, Emilie Chaudet est allée à la rencontre de patients, de proches de patients, de médecins, d’intellectuels et de militants pour interroger ce moment charnière dans l’histoire de la société française, à l’aube d’une évolution législative sur le droit d’être aidé à mourir.
CULTURE ET DÉMOCRATIE 📝 (2023) >>> Bon voyage, Karine Birgé filme le voyage de sa grand-mère, 102 ans, qui a fait le choix d’une mort douce et facile. C’est une narration d’emblée musicale, immergée dans les harmonies cachées, fragiles et puissantes, au plus près des affinités avec l’invisible, toute cette part affective qui échappe aux mots. En-deçà et au-delà.
FRANCE INTER 📝 (2022) >>> Euthanasie en Belgique : comment ça marche ? En Belgique, l’euthanasie est entrée dans les mœurs, elle est légale depuis 20 ans et a même été autorisée en 2014 aux mineurs, même si cela reste extrêmement rare. C’est une pratique légale mais qui reste néanmoins très encadrée, avec des médecins spécialement formés.
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