Terriens
16/12/2024
À l'orée du 21e siècle, Xavier Liébard se plonge dans la réalité des Monts d’Arrée, à la rencontre de certains de ceux qui sont ici dans leur élément. Une belle palette de personnages en communion avec une terre rude, adeptes d'une vie simple dans un monde qui ne jure pourtant que par la performance et l’avoir.
En prenant le temps de se mettre au diapason de ces gens, le réalisateur parvient à ralentir le temps, le temps qu'il nous faut pour nous éprendre d’eux. Coup de cœur assuré pour Cécile, dont la présence et le charme donnent envie de ne se nourrir désormais que de ses plantes médicinales, qu’elle cultive en pleine nature. La cueillette de champignons avec Marie-France, les moments passés dans son bistrot... tout cela nous rappelle cruellement que nous avons sacrifié quelque chose d’important en nous modernisant.
On peut trouver des trésors dans les gens dit un personnage du Chemin des brumes ; Xavier Liébard n’est pas rentré bredouille de son périple.
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LE CHEMIN DES BRUMES
LE CHEMIN DES BRUMES
de Xavier Liébard (2003 - 52')
Là-bas lorsque l’on est perdu, dit la légende, c’est que l’on est bien arrivé. Les Monts d’Arrée dessinent un territoire unique, hors du monde, qu’ils soient plongés dans la brume, baignés par la pluie ou léchés par le soleil. Le rapport de l’homme au paysage est le fil conducteur de ce road-movie intimiste. Le cinéaste y suit six personnages, persuadé que chacun s’invente un paysage intérieur.
Paysage intime
Paysage intime
par Xavier Liébard
En novembre 1998, j’ai sillonné les Monts d’Arrée avec mon frère Vincent, cherchant un décor pour un long métrage de fiction lié à la légende de l’Ankou, le valet de la mort pour les Bretons armoricains. Pointes schisteuses dressées comme des mâts de navires fantômes, brume qui transforme les silhouettes en animaux fantastiques, j’avais le sentiment d’être plongé dans un tableau de Turner. Tout était chaos et inquiétude et pourtant une étrange tranquillité s’en dégageait. Cette première rencontre avec les Monts d’Arrée m’a troublé, pour la première fois je ressentais une forme d’intimité avec un paysage qui m’était étranger. Le long métrage ne s’est pas tourné faute de financements, mais j’ai creusé cette piste du paysage intime. Comment et pour quelles raisons des paysages nous touchent ? Existe-t-il une sorte de mémoire secrète qui nous permettrait de reconnaître, d’aimer sans calcul certains paysages plutôt que d’autres ?
J’ai donc décidé de partir à la rencontre d’habitants des Monts d’Arrée qui avaient construit un lien fort avec ce lieu. J’ai commencé à parcourir la cuvette du Yeun Elez, avec son lac de Brennelis, sa centrale nucléaire et cette petite chapelle en haut du Mont Saint-Michel de Braspart. Je me suis plongé dans la lecture d’Anatole Le Braz qui décrivait magnifiquement l’apparition du fantastique dans la vie des paysans du début du siècle. Et j’ai commencé à voir des intersignes partout. J’ai poussé les portes des cafés façon western avec un 75 accroché au cul de ma voiture (à l’époque je vivais à Paris). Forcément, il faudrait du temps pour se faire accepter, alors je suis resté tout l’automne. D’une rencontre à l’autre, guidé par mon instinct.
Lorsque nous sommes partis en tournage avec le chef opérateur Aurélien Devaux, nous nous sommes laissés guider par nos intuitions et cet esprit qui cherche le magique dans l’ordinaire. Nous avons filmé l'automne 1999 avec cette idée de nous laisser surprendre. Par le galop d’un cheval en pleine nuit, par les silhouettes de la brume et les légendes qui semblaient si vivaces. Nous tournions l’esprit ouvert et poétique à la façon d’un Jack Kerouac qui sillonnerait l’Amérique.
J’ai monté Le chemin des brumes pendant un an. J’ai appris à monter et à mixer grâce à ce film qui m’a ouvert les portes du documentaire. Un an plus tard, nous sommes venus le montrer aux habitants des Monts d’Arrée. Les habitants sont venus très nombreux voir le film. À la fin des projections, ils m’ont remis une boite pleine de billets en me disant Xavier continue à faire des films, nous on aime bien ce que tu fais. Je n’oublierai jamais leur geste.
Depuis, lorsque je remonte sur le Mont Saint-Michel de Braspart, j’ai toujours la même sensation, ce paysage fait partie de moi.
Xavier Liébard
Xavier Liébard
Né à Nantes en 1968, le jeune Xavier Liébard s'initie aux arts de la scène alors qu'il est élève au lycée Clémenceau. Quelques années plus tard, alors qu'il est étudiant, il crée une troupe universitaire de théâtre, et commence une activité de photographe. Ses rencontres successives vont lui permettre de travailler des mises en scène ou de la réalisation. Il croise notamment le chemin de l’artiste nantais Pierrick Sorrin. En 1993, il entre à la Fémis, ce qui lui donne l’opportunité de réaliser ses premiers films et de rencontrer des figures majeures du cinéma français telles que Arnaud Desplechin et Claude Miller. Il trouve son genre de prédilection à l'occasion de la réalisation de son premier documentaire Le chemin des brumes en 2003, à l'issue de ses études. Aujourd'hui, il intervient régulièrement à la Fémis et ponctuellement dans d’autres structures d'enseignement du cinéma, par exemple en Tunisie après les printemps arabes. À partir de 2009, il commence à travailler comme premier assistant aux côtés du réalisateur autrichien Hubert Sauper sur le tournage de We come as friends. Il a également cofondé les laboratoires documentaires d’Alger en 2010 avec les acteurs locaux, soutenus par l'Institut Français d'Alger et le festival Premiers plans d'Angers.
Retrouver les personnages
Retrouver les personnages
INA >>> [ci-contre] Youenn Gwernig, un des personnages du Chemin des brumes, raconte sa rencontre et son amitié avec l'écrivain Jack Kerouac. L'écrivain, qui est aussi une référence pour Xavier Liébard, raconte dans Satori à Paris son voyage en France et en Bretagne à la recherche de ses origines.
LE TÉLÉGRAMME >>> Un samedi au marché : Cécile et les buveurs de tisane. Productrice de plantes à Scrignac, Cécile Emprou est l'une des fidèles du marché de Morlaix.
LE TÉLÉGRAMME >>> 40 ans du parc d'Armorique. Visite aux ardoisières, où travaille Francis Penglau, un personnage du film.
OUEST FRANCE >>> Juan Perez Escala, marionnettiste qui apparaît dans le film, a présenté son spectacle Kazu et les hommes volants à l'espace Glenmor, Carhaix.
24 juillet 2024 23:29 - pauline
Merci pour ce beau reportage sur notre pays. Et oui Monsieur Jean Uguen, c'est une belle trace, un bel heritage que tu nous as laissé! Merci pour tes recherches, ton travail, ton humanité et ton humilité, nous disons toujours de toi que tu es un grand monsieur!
2 février 2021 23:05 - TOUARIN
merci pour ces reportages qui sont simples, vrais, humanistes : j'au eu l'impression d'être sur place avec les personnages , et de partager avec eux leur bonheur;