I'm terrified of being
Comme l’avenir est incertain, autant se laisser porter au gré du hasard.
Petit retour nostalgique quelques années en arrière avec I'm Terrified of Being, la comptine folk de Ladylike Lily joliment mise en images par Matthieu Tillaut en 2012. À travers un jeu d’enfant en noir et blanc se dessine un univers en demi-teinte, entre innocence, émerveillement et angoisses juvéniles. Prenons donc le temps de profiter de cette poésie en arpège en espérant ne pas envoyer trop vite le caillou sur la case Ciel.
Dans une cour, à l’abri des regards – du moins c’est ce que l’on croit – se dessine à la craie un très sobre jeu de marelle. Mais ce voyage de la terre au ciel à cloche pied prend bien vite une autre tournure, et l’intrigue nous emporte au cœur d’une forêt jusqu’à une introspection dont on ne ressort pas indemne mais plutôt carrément mouillé. L’aventure se déploie comme un livre dont on est le héros, et l'on se laisse envahir par le périple de cette petite fille que l’on regarde avancer en évitant les obstacles et les embûches, nous rappelant que l’on reste finalement cet enfant apeuré par la foule et angoissé par le noir, médusé par le regard des autres... qui vient entraver, voire enterrer l’innocence.
Comme l’avenir est incertain, autant se laisser porter au gré du hasard et des illusions de cette vie en modèle réduit qui se joue en quelques cases et pas mal d’équilibre. La mélopée de Ladylike Lily se déroule au rythme de ce caillou lancé sur le bitume, comme un rêve éveillé ou un souvenir enfoui qui ne demande qu’à se révéler.
I'm Terrified of Being mélange avec classe prise de vue réelle et animation, avec les dessins au crayon tout en justesse de Yoann Buffeteau, qui avait signé la pochette de l’EP et l’affiche des concerts à l’époque. Un style élégant qui vient rappeler la craie de la marelle et les histoires que l’on se dessinait dans nos chambres de gamins. L’univers de l’enfance est renforcé par le recours à l’animation, véritable liberté artistique qui permet de s’émanciper du carcan économique et technique parfois lié au genre du clip. L’imaginaire se déploie avec une plus grande marge de manœuvre, et l’on se libère ici des chaînes de la vidéo à grands coups de gomme pour tracer une route vers un univers foisonnant, pas encore tout à fait asservi par les contraintes du réel. Ce mélange avec le dessin animé avait vu le jour avec des comédies musicales comme Mary Poppins ; c’est donc un juste retour des choses que le clip y fasse parfois la part belle. L’animation fait appel à notre nostalgie, notre innocence, concluant un pacte avec un spectateur heureux d’accepter cette irréelle rencontre, ce délicieux anachronisme visuel. De Qui veut la peau de Roger Rabbit à The Lego Movie, le cinéma n’a cessé de recourir à cette fusion entre deux mondes, étrange collocation dans laquelle l’animation dépasse parfois son statut de médium pour devenir un support bourré de sens, voire le véritable sujet du film comme l’a prouvé il y a peu Le Congrès d’Ari Folman. Le dessin vient avec ce clip ouvrir et parfaire le monde de l’enfance, et le crayon donne un relief indéniable à ce jeu de marelle intimiste. Beau royaume que celui-ci, où se brouillent les frontières entre le réel et le rêvé, qui se partagent avec délicatesse le paysage, et nous invitent à nous demander : les héros animés rêvent-ils de moutons crayonnés ?
I'M TERRIFIED OF BEING de Ladylike Lily
I'M TERRIFIED OF BEING de Ladylike Lily
un clip réalisé par Matthieu Tillaut (2010-3'13)
Une enfant vêtue de blanc joue à la marelle. Elle jette un premier caillou. Au fil des cases, elle bascule dans un univers onirique. Elle y affronte ses peurs, et devine la femme qui vit en elle. Un parcours initiatique où la vidéo rencontre la peinture.
Un travail collaboratif
Un travail collaboratif
par Matthieu Tillaut
Ce clip est d’abord le fruit d’un travail collaboratif. Orianne Marsilli, avec qui j’avais eu l’occasion de travailler un peu avant, m’a contacté pour faire ce clip. Au départ je n’avais pas d’idée ; puis en buvant des cafés, en traduisant les paroles de la chanson avec Orianne, en discutant avec les deux autres acteurs de cette réalisation, c’est venu, petit à petit.
Il y’a eu d’abord Pacôme Gabrillagues, ses talents d’intégrateur vidéo, et son imagination sans limite. Il vient du milieu du skateboard et s’amuse - non sans brio - à dessiner virtuellement sur les murs d’un décor, pour le faire interagir avec les personnages filmés. Je trouvais ça bluffant et super créatif alors je l’ai appelé.
Ensuite il fallait quelqu’un pour dessiner dans ce décor. Orianne et moi avons tout de suite pensé à Yoann Buffeteau, qui nous a proposé la… peinture à l’huile ! Les séquences peintes ont ont donc été pensées en amont, puis dessinés image par image par Monsieur Buffeteau, puis intégrées dans la vidéo, sur le décor, par Pacôme G.
La société de production La Dent du Géant, que j’avais co-fondé avec Brewenn Hellec (aujourd’hui les Films de l’Heure Bleue) nous a ensuite prêté main forte pour organiser le tournage.
Pour l’anecdote, le tournage sous l’eau s’est fait dans deux piscines, j’étais à la caméra en slip de bain (il ne faisait pas chaud) avec un petit Sony étanche, et nous avons bâché de noir le fond de la piscine pour obtenir un contraste intéressant avec la robe blanche d’Orianne. Une belle petite après-midi de boulot-rigolade !
Cette histoire collective, qui a coûté beaucoup de temps et très peu d’argent, nous a donné énormément de satisfaction et beaucoup d’amour.
ORIANNE MARSILY - LADYLIKE LILY
ORIANNE MARSILY - LADYLIKE LILY
Accompagnée de sa guitare, Orianne Marsilli se lance en solo sous le pseudonyme de Ladylike Lily au printemps 2010. Influencée par le folk nord américain, son univers aérien et mélodieux séduit. En décembre, elle est Coup de cœur des Trans Musicales de Rennes et quelques mois plus tard elle représente la Bretagne aux Découvertes du Printemps de Bourges. Au début de l’été 2014, Orianne se lance dans la réalisation de son second EP pour lequel elle ressent le besoin d’écrire en français. C’est un peu dévêtir cette protection que j’avais en chantant en anglais. Elle enregistre principalement seule ses voix, guitares, claviers, omnichord... ou avec l’aide de Benoît Guivarch (avec qui elle composait initialement des musiques à l’image).
Sur certains morceaux (Jill is Lucky, Arman Méliès) elle est accompagnée du batteur Antoine Kerninon. L’enregistrement s’étale d’octobre 2014 à mars 2015, d’abord chez Benoît Guivarch (Autour de Lucie, Carp, Luxe), à l’auditorium Yamaha (pianos et claviers), au Studio des Variétés, puis enfin au studio Mastoïd à Paris. Le mixage est confié à Corentin Ollivier (Faroe, Samba de la Muerte). Six titres sont retenus et le disque prend finalement la forme d’un long EP baptisé Dans la matière. Il bénéficiera du label Charrues 2016.
MATTHIEU TILLAUT
MATTHIEU TILLAUT
Matthieu Tillaut est auteur, réalisateur, cadreur, monteur et musicien. Il travaille actuellement pour Vivement Lundi! ou TVR 35 et chante et compose dans Sable Rouge.
Renouveau
Renouveau
Actu Bretagne >>> Ladylike Lily : j'ai toujours eu le goût du fait maison.
RocknFool >>> Des titres emprunts tantôt d’une joie naïve, tantôt d’une sombre nostalgie.
Bretagne Actuelle >>> Avec ce troisième album, la quimpéroise bouscule ses habitudes en chantant en français et empruntant les chemins de la pop. Irrésistible.
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