Souviens-toi
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Cet homme et son incarnation sont pétris par l’Histoire, celle de l’humanité.
Si l’humanité était une forme, un germe, une plante, un morceau d’argile ou du sable, comment prendrait-elle forme ? Comment s’est-elle déployée sur Terre ? Comment, de cette architecture chimique qui nous constitue, émerge notre identité profonde ? L’origine. C’est la question que le morceau Souviens-toi déploie dans un clip au graphisme stupéfiant, un moment où les lignes claires laissent progressivement apparaître une créature d’argile, sorte de golem ou d’homme des sables qui peu à peu va éclore la vie. Une métamorphose graphique et prenante sur l’origine de l’humanité bercée par le duo Labelle et Hasawa.
Dans ce film d’animation réalisé par Kid Kreol & Boogie, (également à la création de la sublime pochette de l’album Univers-île de Labelle), la transformation débute par la tête, boule malléable d’où vont émerger les épaules, puis le dos dont le mouvement prend des contours naturels, rappelant parfois celui de montagnes, de volcans endormis ou de vallons. Ce sont autant de muscles qui vont s’unir et se développer en harmonie, pour façonner cet humanoïde à forme humaine constituée de terre, de pierres... et peut-être de poussières d’étoiles ?Car la créature se remplit d’un univers où les planètes, les astéroïdes et les étoiles s’organisent dans une constellation qui l’entourent complètement et le remplissent de sens. À ce moment, il sort de sa fragile existence matérielle. Il devient un esprit porté sur deux solides jambes. Il se nourrit de cette origine céleste et commence à créer cet univers intérieur nécessaire à la vie. Le cheminement, et la fin de cette humanisation, arrive au point où une peau apparaît sur lui, couverte de tatouages, tels qu’il en existe en Océanie et chez les Inuits. S’il n’a pas d’identité liée particulière, cet homme et son incarnation sont pétris par l’Histoire, celle de l’humanité. Il est l’héritier de traditions ancestrales. Depuis la nuit des temps, le tatouage représente sur la peau des hommes et des femmes un lien avec le monde des esprits.
Cette histoire originelle, présente dans bon nombre de civilisations - depuis les confins de la Sibérie jusqu’à la Polynésie, chez les Tiki décrite comme L’Âme du monde -, est la preuve que cette idée obsède l’humanité dans ce qu’elle a de plus universel. Aussi, est-ce un coup de maître de poser cette question du souvenir, des racines, et l’universalité des mots par la création visuelle. Pari réussi, dont la trame reste ouverte, le morceau d’argile ou de sable, résidu visible de la métamorphose s’avérant être un archipel de possibilité, toujours fécond.
SOUVIENS-TOI de LABELLE
SOUVIENS-TOI de LABELLE
un clip réalisé par Kid Kréol & Boogie (2017 - 3’48)
À travers l’île, la montagne, le cosmos, l’univers intérieur, le clip de Kid Kréol & Boogie aborde les thèmes de la création, de la mutation, de l'élévation et de la recherche de soi.
Poésie graphique
Poésie graphique
par Kid Kréol & Boogie
Le clip est un film d'animation inscrit dans l’univers graphique de Kid Kréol & Boogie, qui ont notamment réalisé la pochette de l’album Univers-île paru en septembre 2017.
Souviens-toi, morceau emprunt d’instruments Gnawa et de diverses références au Maghreb, parle des origines paternelles du chanteur, un souvenir inné, une suite d’images mentales à la limite du rêvé et du vécu.
Le clip s’articule sur une poésie graphique principalement en noir et blanc, et non pas une narration linéaire calquée sur les paroles de la chanson. Les scènes dessinées s’enchaînent et prennent sens progressivement, comme dans un rêve où le spectateur se laisse porter par le flux. Graphiquement, il se rapproche dans le grain, la vibration et les imperfections, de vrais dessins. Techniquement, le clip mélange animation traditionnelle, et animation numérique, ce qui augmente les possibilités, notamment au niveau des mouvements de caméra, de la gestion des particules, etc.
LABELLE
LABELLE
Jéremy Labelle, né d’une mère bretonne et d’un père réunionnais, a grandi au son des musiques de l’Océan Indien. C’est plus tard qu’il vient à la musique électronique, en composant.
Électro et Maloya : le vocabulaire est toujours barbare, surtout lorsqu’il s’agit de plaquer des mots sur des créations artistiques. Labelle accepte l’expression électro maloya parce qu’il faut bien définir sa musique, et tant pis si ses rythmes digitaux sont éminemment plus nébuleux que le laisse penser cette étiquette. Sur Soul Introspection, il accueille le fameux guitariste indien Prakash Sontakke, dont la slide guitare semble parfois se transformer en sitar. Sur Grand Maître, il dissèque la kora malienne de Ballaké Sissoko, et l’injecte dans son clavier pour accompagner le virtuose avec sa propre kora numérisée, un jeu de miroir vertigineux.
Les racines de l’électro comme celles du maloya remontent aux temps de l’esclavage, et ont en commun la danse, la transe, et le dépassement des cadres standardisés.
Les premiers réunionnais ont inventé le maloya en utilisant les percussions qu’ils avaient sous la main. J’aime penser que s’ils avaient possédé des boîtes à rythme, ils ne se seraient pas privés pour les utiliser. Se limiter à un instrumentarium pour une musique c'est la figer, ce qui serait dommage. Tout est à réinventer, en permanence.
KID KRÉOL & BOOGIE
KID KRÉOL & BOOGIE
Nés en 1984 et 83 à Saint-Denis de la Réunion, Jean-Sébastien Clain et Yannis Nanguet se rencontrent aux Beaux-arts, et décident de former le duo Kid Kréol & Boogie en 2008.
Actifs dans le milieu du street-art, ils ont travaillé en Afrique du Sud, au Brésil, Madagascar, en Slovaquie etc., aussi bien pour des festivals, des expositions ou des performances en direct. Ils vivent et travaillent à Saint-Denis .
Kid Kreol & Boogie usent des codes et de la symbolique traditionnelle qu'ils distillent au fil de leurs oeuvres : réappropriation d’un territoire, d’une culture, de son écosystème et d’un héritage culturel qui s’estompe. Issus d’un milieu de culture orale, ils en retranscrivent les sensations et l'imaginaire. Le croisement de ces deux regards leur permet de penser au-delà de l’île, du monde. Outre l’imprégnation locale de leur production, ils créent une cosmogonie mêlant mystique et poétique, allant de Homme à l’Univers.
Pas un truc banal
Pas un truc banal
LES INROCKUPTIBLES, Jérôme Provençal >>> Le jeune musicien français approfondit son exploration sonore au confluent de plusieurs courants. Je voulais vraiment développer une écriture narrative et définir la teneur de l’album avant même de commencer à composer.
LES INROCKUPTIBLES, Stéphane Deschamps >>> La techno de Détroit en apnée dans les musiques de l’océan Indien. Cet album n’est pas un truc banal et binaire de collage entre musique traditionnelle et rythmes électro.
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