Pady
La tristesse est un bol de croquettes auquel on ne touche pas.
Alerte tendresse et avis de recherche avec le clip Pady, nouvel opus des grands enfants de The Slow Sliders, qui nous entraîne dans une bouleversante errance brestoise à la recherche d’un être cher... qui sent fort le chien mouillé. Inversion des rôles le temps d’un hommage touchant à tous les cabots qui nous manquent, dans cette vidéo où l’amour se compte en nombre d’affichettes vainement placardées sur des murs sans oreille.
Mac Demarco avait déjà remis au goût du jour il y a quelques mois la grande complicité qui unit l’homme au chien, en se mettant nonchalamment en scène dans le clip de This Old Dog aux côtés d’un curieux animal mi-homme mi-toutou. Même postulat de départ ici, et le héros de ce combat ordinaire est un poignant hybride au visage canin et veste en jean qui va parcourir les rues de la ville à la recherche de Pady, son humaine propriétaire, disparue. Un véritable après-midi de chien en perspective, au son d’une indie-pop mélo et lancinante devant laquelle on remue aisément la queue, et où la tristesse est un bol de croquettes auquel on ne touche pas.
La mise en scène est sobre, sans fioriture. Un masque, et l’on emboîte le pas à cette déambulation caméra au poing, avec plus d’humour que de pathos. Pas de repos pour les braves à quatre pattes, et l’animal-humain erre, l’âme en peine avec son air de chien battu, à la recherche de sa compagne disparue, et son impuissance n’a d’égal que sa détermination. Triste sort que celui finalement réservé à Pady. Et l’on maudit une fois de plus les voitures, en rêvant d’un monde meilleur où tout le monde prendrait son vélo et où cette cruelle et courante fatalité disparaîtrait des pavés. L’ironie est là, légère, mais la tendresse l’emporte néanmoins haut la patte avec la tragique conclusion de cette recherche pleine d’amour. Une émotion d’autant plus forte lorsqu'on sait que la réalisation d’Edgar Imbault est un hommage inventif et pétillant à la bien réelle Pady, chienne du chanteur de The Slow Sliders, partie trop tôt au paradis des doggos.
Au cinéma, le chien se fait généralement le reflet de la condition humaine. Il nous confronte à notre propre solitude, notre besoin d’être aimé, de partager, de tracer un chemin avec un fidèle compagnon à nos côtés pour nous aider à porter les fardeaux d’un monde hostile. Sa présence à l’écran nous montre également que l’on a beaucoup à apprendre de notre canidé : il est le meilleur des gardiens de football aux yeux d’Alain Chabat, ou celui qui permet à Charlot de s’émanciper de sa condition de vagabond dans Une Vie de chien. Si la manière de traiter ses animaux est un bon repère sur l’échelle de la bestialité humaine, on est rassuré de savoir qu’avec The Slow Sliders, c’est la douceur et l’empathie qui finissent en tête.
Le chien est le seul être sur cette terre qui vous aime plus qu’il ne s’aime lui-même. Belle citation à la Darwin sous la forme d’un clip entre rire et petite larme à l’œil (à moins que vous ne soyez juste allergique aux poils de chiens).
PADY de The Slow Sliders
PADY de The Slow Sliders
un clip réalisé par Edgar Imbault (2017 – 5’06)
Le chien Pady (du moins un jeune homme qui porte un masque de chien) se réveille un matin sans sa maîtresse. Avec ses avis de recherche sous le bras, il décide de partir la retrouver...
MÉLANCOLIQUE ET DÉCALÉ
MÉLANCOLIQUE ET DÉCALÉ
Edgar Imbault : La difficulté avec les histoires tristes, c’est de ne pas tomber dans le pathos. Pour Pady, j’ai réalisé une petite fiction à l’image du groupe, les Slow Sliders, mélancolique et décalée.
J’avais notamment en tête le film Wrong de Quentin Dupieux (l’histoire d’un type qui a perdu son chien, et qui se met à la télépathie pour le retrouver). L’enjeu était d’y ajouter un peu d’humour, de coller à l’univers du groupe.
Le tournage s’est déroulé sur deux jours, avec les moyens du bord : une petite caméra, un masque de chien acheté sur internet, le groupe et les copains pour jouer la comédie.
Pour moi qui vient plutôt de la technique, c’était l’occasion d’expérimenter un travail de direction d’acteur. L’objectif était d’arriver à un personnage hybride, qui combine un comportement humain à une dégaine canine. Simon, qui joue ce rôle d’homme-chien, a dû endurer le port d’un masque étouffant rendant la communication difficile. Mais il a parfaitement compris ce que j’attendais de lui.
Gauthier, qui s’est occupé du montage, a passé un certain temps à trier les heures de rushes (souvent tournés à la sauvette) et a su rester fidèle à l’histoire que je souhaitais raconter tout en apportant de nouvelles idées, avec le recul nécessaire.
Arrivé à Brest en 2013 pour des études d’image et son à l’université de Brest, Edgar Imbault travaille aujourd’hui essentiellement en tant que perchman et ingénieur du son pour des courts métrages et des documentaires. Depuis son film de fin d’étude Tant qu’il restera du super, il essaie de se consacrer également à l’écriture et à la réalisation de fictions.
Tant qu’il restera du super est un road-movie dans lequel il aborde aussi avec mélancolie, la perte d’un être cher, sur un ton absurde car en l’occurrence il s’agit d’une voiture.
THE SLOW SLIDERS
THE SLOW SLIDERS
Les inrocks >>> Après avoir épuisé tous les juke-box de Brest, The Slow Sliders émigrent à Nantes pour rejoindre une scène rock plus proche de leurs ambitions et de leurs copains, les Bantam Lyons. Après deux ans passés à jouer des reprises, l’un d’eux se pointe avec une composition originale. Le nom de ce groupe rend hommage à une chanson de Van Morrison : Slim Slow Sliders. Pas de débat de société ou de référence émue à un peintre du 18e, les Slow évoquent dans leurs chansons les copains de liches et leurs nanas.
Captation enregistrée au Stereolux à Nantes lors du festival Indigènes 2016 >>> images : Antoine Biotteau / son : Olivier Bastide
22 février 2021 09:35 - mattew
c'est bien c'est pas du tout pompé sur Da Funk des Daft Punk .... (!) ( pas grave en soi, mais si au moins c'était cité puisqu'il y a une itw du vidéaste)
19 juillet 2017 19:40 - gervais
Chouette, un média que je ne connaissais pas, vous gagneriez d'ailleurs à l'être par plus de monde.
J'aime le côté local et bien évidemment l'axe culturel.