Douce intrusion
Colocataires est une allégorie sur l’intégration. Delphine Priet-Mahéo la dessine à la pointe de son crayon, produisant des surfaces vibrantes comme vibrent la lumière et la sensibilité à fleur de peau de son héroïne.
Il s’agit bien ici d’intégrer l’étranger, ou pas. Un étranger entré sans autorisation sur le territoire, qui enfreint la loi, contribue au climat d’insécurité, etc. Sauf qu’ici le territoire c’est la maison, et le peuple une femme et son chat.
Cette intrusion est effrayante certes, mais la réalisatrice ne se laisse pas tenter par une issue funeste, son fauteur de troubles est un gentil, et passée la frayeur, il sera adopté.
Une magnifique réalisation qui marche sur le fil de nos peurs et nous invite à ne pas céder à la panique devant l’inconnu.
COLOCATAIRES
COLOCATAIRES
de Delphine Priet-Mahéo (2015 - 11’)
Camille mène une vie réglée par la sonnerie du réveil, les repas de son chat et le son de la caisse automatique du magasin où elle travaille comme caissière. Mais un jour, un homme s’introduit dans sa maison et commence à y vivre en son absence. Petit à petit, il va bousculer ses repères jusqu’à la faire sortir d’elle-même.
>>> un film produit par Vivement Lundi ! et Les 3 Ours
Un équilibre précaire mais fécond
Un équilibre précaire mais fécond
par Delphine Priet-Mahéo
Colocataires est un jeu de chaises musicales. La routine maniaque de l'une est dérangée par l'intrusion invisible d'un autre. Chaque repère modifié par la présence de l'autre ouvre une brèche. Doucement, Camille sort de ses rails, pendant qu'Errant se fait une place. Errant est un personnage qui fuit le cadre, toujours en mouvement. Camille est fragmentée - le corps et la tête - elle va d’une tâche à l'autre. Le rapport entretenu par les personnages avec le cadre est psychologique. Le cadre, c'est un peu leur place, elle évoluera au fur et à mesure que leur problématique se transformera.
Dans Le Locataire de Roman Polanski, le personnage est façonné par la place d’une autre et par les autres. Dans Locataires de Kim Ki-Duk, il est davantage question de niche à trouver entre les espaces instaurés par d’autres. Dans Colocataires, la place de l'un transforme celle de l'autre dans un équilibre précaire mais fécond. C'est aussi une histoire d'amour.
DELPHINE PRIET-MAHÉO
DELPHINE PRIET-MAHÉO
Née en 1980 à Rennes, Delphine Priet-Mahéo suit des études à l'Université Rennes 2 où elle obtient un DEA d'Arts Plastiques en 2004.
Depuis 2002, elle s’investit dans diverses activités artistiques telles que l’illustration et la publication et participe à des expositions collectives. En parallèle, elle réalise des films d’animation en stop motion. Le dormeur et Le petite fille et la mort en 2008, puis son premier film professionnel Thé et Gaufrettes produit par JPL Films en 2012, puis Colocataires en 2015.
Ultra moderne solitude
Ultra moderne solitude
L’EXTRACOURT >>> L’intimité du félin et de sa maîtresse se voit bouleversée par l’irruption d’un inconnu, sorte d’homme de gouttière errant, lorsque la femme est au travail : le film glisse alors dans l’étrange et le fantastique, des taches de rouge vif venant émailler certains plans oniriques. La calme routine devient cauchemar, l’affection pour le matou se délite et la folie guette... Une fable de l’aliénation moderne, au bout du compte, dont la noirceur s’avère complètement imprévue.
OUEST France >>> En marge de la compétition officielle à Cannes 2016, le court métrage de Delphine Priet-Mahéo, produit par Vivement lundi! a reçu le Prix Movistar-Unifrance du court.
L’HUMANITÉ >>> Ils vivent seuls, dans des villes le plus souvent, loin de leur famille, sans enfant et subissent de plein fouet la précarisation du travail, surtout les moins diplômés. Tous affirment pourtant être connectés à des réseaux sociaux. Mais si ces derniers peuvent être considérés comme un atout, leur caractère virtuel fait figure de leurre et éloigne encore davantage de relations profondes et durables.
18 janvier 2024 11:24 - Martial Rolland
Bravo, c'est très joli.