La réalité brûlante
Le film démarre sur les rochers sculpturaux de la Côte de granit rose. Roland Sénéca évoque ses tentatives d’y peindre sur le motif, quand il avait vingt ans. Je pouvais, ou bien rester là à copier opiniâtrement la nature avec l'espoir d'en faire sourdre un jour la vérité ; ou bien partir immédiatement avec le sentiment — encore confus — que ma propre nature pourrait, à l'instar d'un paysage tiré de la nature, me permettre de réaliser différemment un tableau. Je suis parti.
Il renonce donc, préférant travailler dans son atelier. C’est là qu’il accouchera de ses figurations imaginaires, faisant penser à des corps humains et des têtes. Traiter l’homme comme une énigme. Des formes simples, une simplicité qui nécessite un long travail.
Les propos du peintre sont denses. Ses toiles et ses gravures sont admirablement filmées. L’homme est aussi un lettré ; son travail est nourri par la fréquentation des textes. Il cite Bergson, vibrer à l’unisson de la nature, et se cite lui-même : Le réel est une conquête, c’est la réalité qui brûle et qui donne de l’intensité à notre existence.
Sénéca est assurément l'un de ces artistes qui consacrent l’intégralité de leur énergie à la poursuite de leur création, en quête de leur vérité, en dehors de toute volonté de séduire.
CORPUS
CORPUS
de Michel Bonizec (2018 - 34')
Roland Sénéca développe avec précision et appétence son processus de création. Il nous parle de la nature de son sujet et de son art, dans un entre-deux organique hors des frontières de l'abstraction ou de la figuration. Organisé par chapitres, Corpus raconte les pratiques et techniques de cet artiste singulier : dessin, gravure, monotype, peinture. Artiste qui nous présente également ses collaborations littéraires aux éditions Calligramme, Palantines, Folle Avoine et Fata Morgana.
Une immersion dans une œuvre féconde.
>>> un film produit par Atelier du Flimiou
Création spontanée
Création spontanée
par Michel Bonizec
Ma rencontre avec Roland Sénéca remonte au milieu des années 70. Alors directeur de l'école d'art de Douarnenez, il m'invite à rejoindre son équipe pédagogique. Quarante ans plus tard, c'est avec la même confiance qu'il accepte ma proposition de réaliser un documentaire sur son œuvre.
Dès le commencement, nous avons convenu que nos entretiens ne seraient ni écrits ni préparés, laissant place à une certaine spontanéité, comme faisant écho au processus de création de l’artiste, s’accordant une seule contrainte : présenter l'œuvre au travers des différents champs et techniques de travail.
Ce qui frappe chez lui, c'est l'homme traversé par ce besoin impérieux qui le guide dans son travail, par cette nécessité de faire. Dès lors, rendre compte de ce tropisme s'impose à moi, affiliant son œuvre à la Paraboles des aveugles de Breughel l’Ancien, pour la leçon de peinture bien sûr et surtout pour cette allégorie qui évoque les risques et les dangers des chemins tout tracés.
Roland Sénéca
Roland Sénéca
La peinture est la seule chose qui m’ait jamais intéressé ; celle des autres dans l’espace européen et la mienne, à venir. Ma mère étant bretonne, je me suis trouvé à Douarnenez en 1967-68. Mon intention n’était pas d’y rester, mais j’y ai rencontré dans un premier temps Georges Perros, dans un deuxième temps Gaëlle, ma future femme. J’y suis resté. Puis nous avons, avec l’aide de Bernard Séverac et du maire de Douarnenez Michel Mazéas, créé une école municipale d’art, ouverte à tous. Je l’ai dirigée jusqu’en 2002. En 1978 j’ai eu le prix de gravure de la Casa de Velázquez. Ce qui m’a permis d’y être pensionnaire pendant deux ans.
Michel Bonizec
Michel Bonizec
Michel Bonizec vit et travaille entre Douarnenez et Paris. Après ses études à l’école des Beaux-Arts de Quimper, il travaille comme graphiste indépendant et collabore à la réalisation de catalogues d’artistes. Depuis 2003, il enseigne le graphisme et la peinture dans une école d’art en région parisienne.
L’Indien Sénéca
L’Indien Sénéca
INA >>> Quel est l'objet de l'art ? Le seul enregistrement jamais réalisé, de la voix du philosophe Henri Bergson, le 3 juin 1936, chez lui, alors qu’il est âgé de 77 ans. Il y lit son texte Quel est l'objet de l'art ? extrait de son ouvrage Le Rire.
L’INTERVALLE BLOG >>> On n’attrape pas l’Indien Sénéca, graveur pariétal de son état, comme on attrape des mustangs dans un film de John Huston. Parce que ce diable d’homme fuit de partout, et ne cesse d’échapper à toute tentative de réduction. Vous l’avez compris, la servitude volontaire n’est pas pour lui.
LE TÉLÉGRAMME >>> Il n’existait en effet que quelques bribes vidéos sur la somme de travail, pourtant considérable, de l’artiste, constate Michel. Une œuvre certes reconnue, mais peut-être pas à sa juste valeur…
OUEST FRANCE >>> L’absence de quatrième de couverture nous oblige à ouvrir l’œuvre pour en apprécier le contenu. Un livre aux allures de cabinet de curiosités. Le dernier d’une série d’ouvrages qui met en exergue un long travail sur l’imaginaire et son rôle vis-à-vis du monde et de la réalité. Roland Sénéca pose, ici, une problématique existentielle : Qu’est-ce qu’on est ? , s’interroge le peintre qui aborde, en creux, la question du Moi, de plus en plus difficile à définir .
14 novembre 2021 16:24 - Parvaneh NAVAÏ
Deuxième lecture, Parvaneh.
Mille et un bravos pour ton film qui a su toucher à la réalité brulante qui consume et anime l'indien Seneca.
23 février 2019 10:27 - Kristian Le Braz
Merci Mich' Boni de faire découvrir cet artiste et ses couleurs. Je vais regarder ça ce soir.