Pas bête
Après son enquête sur les algues vertes, Mathurin Peschet part investiguer sur la filière porcine bretonne. Allant à la rencontre des humains concernés par cette industrie, il a été ému par l’humanité des bêtes. Une émotion que le caméraman Nedjma Berder nous communique, avec des images qui nous prennent aux tripes, à hauteur de cochon, croisant leur regard. Eux, piégés dans cet univers carcéral, nous devant nos écrans, à scruter des regards qui ne trompent pas. Qu’avons-nous fait pour mériter ça ? disent-ils.
Partant de là, le réalisateur élargit son champ d’exploration à la dimension culturelle de son sujet, rappelant combien le cochon peuple nos contes et légendes, pour incarner diverses facettes de l’humaine condition. Auprès des scientifiques, il constate les similitudes biologiques entre l’homme et le porc, son cerveau, système digestif, son ADN… et un comportement qui confirme que le cochon est loin d’être bête.
COUSIN COMME COCHON
COUSIN COMME COCHON
de Mathurin Peschet (2015 - 52’)
La Bretagne compte 3 millions d'habitants produit 14 millions de porcs par an. Pourtant, les cochons sont devenus quasi invisibles. Tour à tour choyé, sacré, rejeté, rationalisé, ce mammifère omnivore renvoie l'homme à ses propres travers. Des élevages industriels à la zootechnie en passant par les contes de notre enfance ou la crise porcine, Cousin comme cochon est une enquête dans l’univers singulier de cet animal si proche de nous.
>>> un film produit par Gilles Padovani et Jean-Philippe Lecomte pour .Mille et Une. Films
Prix en festival
Grand Prix des Rencontres Cinéma-Nature 2016 de Dompierre-sur- Besbre
Grand Prix du Festival Caméra des champs 2016 de Ville-sur-Yron
Alter ego à quatre pattes
Alter ego à quatre pattes
par Mathurin Peschet
Ma rencontre avec les cochons a eu lieu sur le tard, lors des repérages pour mon précédent film sur les algues vertes, L’enfer vert des Bretons. C’est à cette occasion que j’ai visité pour la première fois un élevage dit conventionnel. Les cages de métal, la chaleur étouffante, l’odeur âcre d’ammoniac, les grognements, les cris stridents, ça a été un sacré choc ! J’étais pris entre des sentiments contradictoires. D’un côté, c’était effroyable de déambuler dans cet univers concentrationnaire avec des animaux hagards, entassés, entravés. De l’autre, j’éprouvais aussi une espèce de fascination car j’avais l’impression d’avoir découvert le cœur battant de ma région. C’était comme si j’avais pénétré dans les entrailles d’une gigantesque machine. Et cette machine infernale, c’était la face cachée de la Bretagne.
Autre chose m’a marqué ce jour-là : le regard des cochons. Il y avait quelque chose de terrible dans leurs yeux, d’assez indéfinissable, j’y ai vu de la détresse, de l’incompréhension, de la résignation aussi. C’était comme s’ils me lançaient un appel muet. Dès cet instant, j’ai su qu’il y avait là un film à faire, une histoire née de ce curieux mélange de répulsion et de fascination.
Je me suis donc documenté, j’ai visité des exploitations avec différentes approches, j’y ai rencontré plusieurs éleveurs qui m’ont parlé de leur métier et du rapport qu’ils ont avec leurs animaux. Je suis aussi allé dans un lycée agricole assister à l’enseignement de la production porcine. J’ai aussi rencontré des personnes s’intéressant au cochon sous différents aspects : une sociologue, des zootechniciens, un historien...
Chemin faisant, je suis devenu un mordu de ce quadrupède rose ! Et surtout, j’ai pris conscience des multiples liens qui nous unissent. Des liens historiques, qui découlent de son élevage depuis le néolithique, mais aussi d’autres, d’ordre symbolique et biologique. Ces liens révèlent une grande proximité et une profonde ambivalence dans nos rapports avec cet animal.
Du cochon infernal au porc compétitif, du vagabondage à l’animal machine, des forêts aux porcheries désincarnées ; la façon dont nous avons cohabité, dont nous le traitons aujourd’hui, tout cela nous met face à nous même, à l’évolution de nos modes de vie et de nos valeurs. J’ai voulu que notre regard change sur le cochon : d’une matière anonyme que nous mangions sans y penser, il deviendra une sorte d’alter ego à quatre pattes, certes muet mais qui a beaucoup à nous dire. Il nous dit que nous avons la mémoire courte et que nous sommes bien ingrats de l’avoir ainsi abandonné à son triste sort, lui qui continue à tant nous donner. Il nous dit combien nous avons changé depuis l’époque où il vivait à nos côtés, que nous avons perdu un rapport au vivant qui nous fait aujourd’hui cruellement défaut. Il nous dit cette barbarie moderne que représentent les élevages industriels. Il nous dit enfin qu’il nous attend derrière les murs pour retrouver peut-être, si nous en avons le courage, une place plus proche de nous.
Mathurin Peschet
Mathurin Peschet
Originaire de Quimper, formé à l’École Supérieure d’Audiovisuel (ESAV) de Toulouse et aux Ateliers Varan, Mathurin Peschet est un réalisateur finistérien.
Il a commencé comme loueur de caméras à Paris avant de devenir monteur, notamment au CNDP à Montrouge pour des films pédagogiques. Après 13 années passées dans la capitale, il revient en Bretagne avec l'aventure TV Breizh pour une émission musicale puis pour le programme Bretons autour du monde.
D'un sujet dont TV Breizh ne voulait pas, il réalise en 2005 son premier 52' sur un médecin breton installé en Thaïlande qui soigne des patients atteints du VIH : Mo Philip, un médecin à Pattaya. Installé désormais à Douarnenez, Il est l'auteur de documentaires en lien avec les questions environnementales, agricoles et marines : Le parc du bout du monde (2014), Les Huileux (2009), L’enfer vert de bretons (2012), ainsi que de nombreux sujets de magazines, pour l'émission Littoral de France 3 Bretagne avec, dernièrement, Des bretons aux secours des migrants, Voyage dans les grottes marines (2018) et Les convoyeurs du vent ( 2019).
Tout est bon dans le cochon
Tout est bon dans le cochon
FRANCE CULTURE >>> Sale, goinfre, impur au regard de toutes les religions monothéistes, le cochon est méprisé. Le proverbe ne nous enseigne-t-il pas pourtant qu'en lui, tout est bon ? La science ne nous apprend-elle pas qu'il est, de tous les animaux de la ferme, le plus intelligent ?
LIBÉRATION >>> Interview de Michel Pastoureau : Le cousinage entre l’homme et le cochon est la source des interdits alimentaires qui visent cet animal trop humain.
BASTAMAG >>> Leur semaine de travail se rapproche des 35 heures, ils produisent de la viande de qualité, et estiment percevoir des revenus suffisants. Les éleveurs de porcs bio ne connaissent pas la crise ni la spirale de l’endettement. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas choisi l’élevage intensif industriel, comme la plupart des producteurs porcins.
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