Temps suspendu
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Dans le ventre de l’établissement thermal, l’eau gargouille dans les conduites avant de gicler dans un bassin. Bienvenue à Évian-les-Bains, à la rencontre des curistes venus se faire du bien dans une torpeur tropicale, pour soigner leurs corps vieillissants et dodus, les revitaliser, rétablir des fonctionnalités défaillantes. Florian Geyer saisit remarquablement l’atmosphère des lieux où vaquent les curistes et recueille au passage leurs cogitations. Car aux thermes l’on sort du temps pour rêvasser, entrer en soi. C’est une bulle dans laquelle on peut lâcher prise dit l’une, se donner l’illusion de la sérénité dit l’autre.
Le temps, ici, s’éternise, alors que chacun est hanté par sa fin et l'ambition de la repousser à plus tard. J’espère que ça va m’aider à ne pas me détériorer trop vite, dit une femme au regard bleu perçant. Avec son esthétique épurée et son temps suspendu, La cure nous plonge dans un bain amniotique dans lequel chacun peut prendre rendez-vous avec soi-même.
Excentrics, une collection KuB en partenariat avec la Scam
LA CURE
LA CURE
de Florian Geyer (2020 - 56')
Encastrée entre montagne et lac Léman, la station thermale d’Évian-les-Bains accueille par milliers des curistes venus des quatre coins de la France. À bord de ce vaisseau de bout du monde, plusieurs personnages se déplacent dans des mondes parallèles. Ils plongent, ils émergent et se déchargent petit à petit de leurs fardeaux. La cure constitue une odyssée aquatique de trois semaines de soins au rythme des sept passagers choisis. Sous l’effet de l’eau, de mains expertes, d’une micro-société éphémère et d’un cadre où le temps semble s’être arrêté, ce film raconte une parenthèse unique dans l’existence pour méditer sur sa condition.
Ce film a bénéficié de l’aide à l’écriture Brouillon d’un rêve de la SCAM
>>> un film produit par Les films du balibari
Entre parenthèses
Entre parenthèses
Je vis au bord du lac Léman depuis quelques années et il a pris une place apaisante dans mon quotidien. Les villes en bains qui le bordent sont elles aussi aimantées par sa masse. Dans ce lieu hors du temps, ce film a été l’occasion pour moi d’aborder la question de la condition humaine, quand la vieillesse se fait sentir. La cure est une parenthèse de vie dans laquelle on vient se maintenir et accepter un peu plus sa condition de mortel. Arrosés, immergés comme dans une cérémonie lumineuse et festive, loin de chez eux, les curistes se retrouvent à s’occuper d’eux comme rarement ou jamais dans leur existence,
des conditions particulièrement propices pour exprimer les fêlures de la vie, par là même où la lumière rentre comme le chante Léonard Cohen. Le défi pour moi était d’exprimer d’abord par les corps, parfois les mots, ce qui s’opère dans ce monde parallèle.
J'ai voulu un film qui transmette une sensation d’enveloppement, quelque chose qui renvoie à l’amniotique. Les curistes ne sont pas là par hasard, c’est un rendez-vous avec eux-mêmes. Le travail du son a permis de renforcer l’expérience sensorielle : là où l’image et le montage ne peuvent aller, le son donne accès à d’autres perceptions.
J’ai imaginé ce film comme une expérience qui apaise mais aussi qui questionne notre condition. Que se passe-t-il lorsque on décide de faire pause et de lâcher prise ? Dans un contexte où le soin public est en crise, le centre thermal m’est apparu comme l’un des derniers lieux de prise en charge ouvert à tous (cures remboursées par la sécurité sociale) : là où l’on s’occupe encore des vivants en respectant le rythme de chaque passager. Le temps coule autrement ici, loin du chaos du monde extérieur.
Florian Geyer
Florian Geyer
Florian Geyer passe par la géographie, l'anthropologie visuelle puis par l’atelier documentaire de la Fémis. Il réalise Soufre en 2006, portrait sensible d’un mineur à l’extrême est de Java, Indonésie (Prix Découverte SCAM et mention spéciale du jury RIDM). Il poursuit par la réalisation de courts métrages documentaires pour la revue Cut Up et Code Barre. Pendant trois ans, il filme le parcours de Miguel qui devient Garçon boucher, (film sorti en 2013, Étoile de la SCAM et Prix du patrimoine culturel et immatériel au festival Jean Rouch). Plaquages, sorti en 2017 s’intéresse à la fabrique des corps et du spectacle sportif dans un club de rugby professionnel.
Faire une pause, faire une cure
Faire une pause, faire une cure
LE DAUPHINÉ >>> Florian Geyer, habitant à Thonon-les-Bains et réalisateur du film, raconte son lien avec le lac Léman et les bienfaits des cures thermales au-delà du simple soin en explorant l’impact psychologique des cures sur les corps. Il s’est immergé trois semaines à la station thermale d’Evian-les-Bains, en compagnie des curistes et des hydrothérapeutes.
OUEST FRANCE >>> Thermalisme et thalassothérapie, les bienfaits de la balnéothérapie. Des bains et des soins plutôt que des antidépresseurs. Une étude publiée en 2006 avait replacé le thermalisme au cœur des thérapeutiques de la santé mentale.
NOTRE TEMPS >>> Une cure thermale est une vraie solution médicale… À ne pas confondre avec la thalasso ! Sans attendre la perte de mobilité, c’est un moyen efficace de soulager les douleurs articulaires chroniques. Passer trois semaines en cure, avec une équipe médicale aux petits soins, permet de se soigner de façon naturelle. Une bonne alternative à la prise de traitements lourds.
FRANCEINFO >>> Pourquoi je n’arrive pas à m'endormir ? Pourquoi je me réveille la nuit ? Pourquoi je fais de l’hypersomnie ? Comprendre les mécanismes du sommeil pour mieux l’appréhender fait partie du programme préventif des cures.
TELERAMA >>> À l'heure où les documentaires jugés anxiogènes sont déprogrammés, France2 a trouvé dans l'émouvante proposition de Florian Geyer une occasion singulière de puiser dans une source de bien être. Nous voici au bord du lac Léman, au cœur de la station thermale d'Évian-les-Bains.
En nous inondant d'impressions sonores, le cinéaste se penche avec douceur sur quelques hommes et femmes pour lesquels trois semaines de cure s'apparentent à un voyage intérieur, un moment unique où ils se posent enfin, pour prendre soin des bleus du corps et des bleus de l'âme. Nous les découvrons, les perdons, les retrouvons par bribes de silence et de paroles qui dévoilent de tout petits pans de vies cabossées, telle celle de ce personnage digne de Tati, décalé et burlesque. Cette œuvre organique et méditative filme la beauté des corps, de tous les corps, couleur chair, qui habitent le décor nuancé de bleu et de blanc, et encadrent par fragment presque chaque plan.
Avec une attention infinie, Florian Geyer observe la chorégraphie de ces corps, abreuvés d'une eau qui glisse, bruine, clapote et ruisselle, et les enveloppe tel un liquide amniotique, tandis que le lac, à son tour, offre enfin une échappée libératoire à ces personnages, qui nous quittent chacun avec leur pan de mystère.
-Juliette Warlop
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