Cousin comme dauphin

de Mathurin Peschet (2021 - 26')

Depuis quelques années, l'ONG Sea Shepherd alerte sur l'hécatombe de dauphins dans le golfe de Gascogne. Les pêcheurs minimisent leur responsabilité, évoquent les pollutions marines et concèdent quelques captures inévitables. Les écolos warriors dénoncent la surpêche et l'élimination ciblée d'une espèce protégée. Ce film interroge ce face à face en allant rencontrer les pêcheurs et Sea Shepherd, puis des scientifiques. L'espèce est-elle en expansion comme l'affirment les pêcheurs ou est-elle menacée d'extinction ? L'histoire des rapports entre l'homme et le dauphin montre comment cet animal est passé du statut d'espèce nuisible à celui d'icône des amoureux de la mer.

>>> un film produit par Jean-François Aumaitre Aligal production

par Mathurin Peschet

J'explore depuis plusieurs films les liens entre les hommes et les animaux. Quelle place ont-ils dans notre imaginaire ? Comment vit-on avec eux ? Les réponses à ces questions dévoilent notre rapport au vivant et révèlent qui nous sommes. L'idée du film est de partir des positions de Sea Shepherd et de certains pêcheurs pour aboutir à une perception des choses plus éclairée et moins caricaturale.

Les militants de Sea Shepherd apparaissent comme de jeunes citadins, hyper connectés, engagés dans une véritable croisade pour que le monde reconnaisse enfin ce qu'ils considèrent comme une abomination. Pour eux, le dauphin est un symbole d'intelligence animale et de perfection marine. Les atteintes aux cétacés sont vues comme des signaux d'un océan en train de mourir. Si nous ne sauvons pas les dauphins, l'océan meurt et si l'océan meurt, nous mourrons annonce ainsi Lamya Essemlali, leur présidente.

Ce qui m'intéresse avec cette association c'est de questionner leur projet. À première vue, Sea Shepherd se sert de l'image des dauphins morts dans les filets pour tenter de fermer temporairement certaines pêcheries. Mais en fait, ils portent une vision végane du monde où la pêche doit cesser purement et simplement, ou se limiter, à la rigueur, à la pêche vivrière. C'est un projet qu'on peut retrouver dans les écrits de Paul Watson, leur fondateur charismatique. Ce qu'ils veulent c'est toucher le consommateur au cœur : si vous mangez du poisson, vous tuez des dauphins !

Personnellement, je ne suis pas pour arrêter la pêche. Pour autant, combien de dauphins sommes-nous prêts à sacrifier pour avoir du poisson dans notre assiette ? C’est cette question, pas si simple, que je pose dans le film. Car finalement, les actions de cette ONG nous renvoient aussi à nos contradictions.

Dans cette histoire, mes échanges avec les pêcheurs ont montré qu'ils sont très conscients du problème et, en même temps, plutôt démunis pour y faire face. Ils ont bien compris qu'en fait ils sont remis en cause dans leur existence même. Une partie de la société, incarnée par Sea Shepherd, leur dit : on ne veut plus de vous. Et eux, que pensent-ils des militants écologistes ? Il y a là deux visions du monde qui s'affrontent, entre la mère nourricière et la mer sanctuaire, entre gens des villes et derniers héritiers des chasseurs-cueilleurs...

Sur les dauphins, bien qu'ils s'en défendent, je pense que certains pêcheurs entretiennent des restes de la haine de leurs aïeux, pour qui ce cétacé était avant tout un redoutable concurrent. Plusieurs témoignages attestent que le dauphin était encore jusque récemment harponné pour fournir de la viande rouge à l'équipage et la pratique semble perdurer à la marge. Les captures accidentelles de cétacés ont toujours existé dans la pêche, mais comment sont-elles vécues aujourd'hui alors qu'elles deviennent de plus en plus fréquentes ?

Je pointe aussi leurs contradictions : ils disent regretter chaque capture accidentelle mais en même temps en déclarent très peu ! Ce sont pourtant ces données essentielles qui permettent aux scientifiques de mieux comprendre ce qu'il se passe.

En convoquant aussi des scientifiques et un historien le film raconte comment notre regard sur cette espèce a évolué, comment, d'un poisson commun, pêché pour sa chair et parce qu'il était un concurrent, le dauphin est devenu notre alter égo de l'océan, à qui finalement il ne manque que la parole.

Formé à l’École supérieure d’audiovisuel de Toulouse et aux Ateliers Varan, Mathurin Peschet est un réalisateur finistérien. Il a commencé à Paris comme loueur de caméras puis monteur, notamment au CNDP pour des films pédagogiques. Après 13 années passées dans la capitale, il revient en Bretagne avec l'aventure TV Breizh pour une émission musicale puis le programme Bretons autour du monde. Progressivement, il passe derrière la caméra et parfois devant. D'un sujet dont TV Breizh ne voulait pas, il réalise en 2005 son premier 52 minutes sur un médecin breton installé en Thaïlande qui soigne des patients atteints du VIH : Mo Philip, un médecin à Pattaya.

Installé depuis à Douarnenez, il réalise des documentaires en lien avec les questions environnementales, agricoles et marines : Le parc du bout du monde (2014), Les huileux (2009), L’enfer vert des bretons (2012), Cousin comme cochon (2015) et Les convoyeurs du vent (2019), ainsi que de nombreux sujets de magazines, comme pour l'émission Littoral de France 3 Bretagne avec dernièrement Des bretons aux secours des migrants ou Voyage dans les grottes marines (2018). En 2020, il réalise Le dernier des laitiers, un documentaire sur le combat des laitiers contre une activité de plus en plus industrialisée et déshumanisante.

REPORTERRE >>> Depuis le 1er janvier, plus de 400 dauphins se sont échoués sur le littoral français. Du jamais vu. En cause ? Les pêcheurs, qui les capturent accidentellement. Face à l’hécatombe, les mesures mises en place, observateurs embarqués, répulsifs acoustiques, ne satisfont pas biologistes et associations de défense animale.

LIBERATION >>> L’ONG de préservation des océans Sea Shepherd mène des actions la nuit en mer pour filmer les dauphins pris dans les filets des pêcheurs, dans le golfe de Gascogne.

HAL >>> Genèse et métamorphoses du nuisible. Étude du sociologue Daniel Faget.

PSYCHOLOGIES >>> Intelligent, drôle, joyeux, le dauphin continue encore et toujours de nous fasciner. Mais qu’est ce qui nous attire tant chez cet animal ? Comment s’explique sa relation si particulière avec l’Homme ?

DAYLY GEEK SHOW >>> Il y a 25 millions d’années, les dauphins étaient des superprédateurs géants des océans. Cette découverte aide les chercheurs à mieux comprendre comment les cétacés ont évolué.

THE ANIMAL FUND >>> Les humains et les dauphins ont interagi depuis la nuit des temps. L’étude des dauphins nous a permis de mieux comprendre nos origines dans le règne animal. Il y a plusieurs similitudes entre le dauphin et l’humain qu’on ne retrouve même pas entre les humains et singes. Il est établi que le dauphin est apparenté aux mammifères terrestres. Le fait qu’ils aient besoin de remonter à la surface pour respirer est le signe le plus distinct.

GÉO >>> Chasse aux dauphins : les Féroé commencent l'examen d'un possible encadrement. Le gouvernement local féringien a annoncé avoir débuté ses discussions autour de l'avenir d'une chasse traditionnelle et controversée aux dauphins, avec une décision attendue dans les prochaines semaines.