Poésie sur béton

par Teenage Kicks (2021 - 12')

Dehors ! est une incitation à sortir de chez soi après les longs mois de confinement. Lever les yeux et regarder la ville à travers le prisme de l’art urbain. À pied ou à vélo, tous les moyens sont bons pour sensibiliser le public à cet art encore confidentiel.

par Solène Mille

Depuis les années 60, l’art urbain se développe et avec lui les tentatives de le définir. Ce mouvement artistique aux origines vandales, subversives et éphémères se défait de notre idée de l’art conventionnel et institutionnalisé. D’une manière générale, l’art urbain représente l’ensemble des propositions artistiques protéiformes présentes dans l’espace public et s’organise en plusieurs mouvements et familles comme le graffiti (travail de la lettre), le street art (affichage, pochoir, installation, performance, détournement, sticker, collage etc.) et le néo-muralisme (recouvrement dans sa forme la plus totale).

Avant toute chose, l’art urbain est un processus dans lequel le contexte de création est questionné, marqué, dégradé, sublimé au même titre que la production finale. D’un mur à l’autre, c’est aussi un espace d’échange entre les street artistes, d’affrontement et de diffusion. Il entraine des phénomènes de communautés qu’on appelle crew. En cela résident souvent l’esprit de la rue et les origines illégales du mouvement, comme un fil rouge : le danger, prendre des risques, ne pas se faire voir…

Et pour cela, un seul terrain de jeu possible, la ville. C’est bien là le paradigme de l’art urbain, ce qui le différencie du reste des arts visuels. Véritable musée en plein air, le mouvement rend l’art (éphémère) accessible à tous.

Mais alors, quelle valeur donner à un mouvement qui refuse sa présence dans les musées ? En se défaisant des codes académiques, l’art urbain a su créer les siens. Le refus de l’institution n’empêche pas son développement et sa reconnaissance. Même en dehors du cadre, l’art urbain interroge, dérange et offre un regard sur nos villes, nos espaces et notre humanité. Aujourd’hui, l’art urbain continue de se renouveler. Vandale, protéiforme, collectif, subversif, éphémère, fédérateur sont autant d’adjectifs qui le définissent. En dresser une définition terminologique est une mission presque vaine tant ses formes sont nombreuses, tant son histoire est dense et tant ses acteurs ne cessent de la faire évoluer.

The Blind exécute son travail dans la rue depuis les années 2000 et a développé plus récemment un concept artistique novateur qui est le graffiti pour aveugle. Il imagine alors une vision sociale de l’art, où voyant et non-voyant ont mutuellement besoin l’un de l’autre pour accéder à l’œuvre. À travers sa pratique, il cherche à sortir le braille de son format classique, pour une visibilité à plus grande échelle, du doigt à la main.

Sa technique se caractérise par le collage de demi-sphères de plâtre sur des marques matérialisant l’alphabet braille. Son travail in situ dans la rue prend en compte deux dimensions : le lieu et le message, ainsi le message inscrit sur le mur, ironique et provocateur, est toujours corrélé au lieu sur lequel le braille est apposé.

Fondée dès 1988 par un groupe d’artistes rennais sous le nom de Graffiteam, Teenage Kicks a pour objet de promouvoir, diffuser, produire et soutenir de nouvelles pratiques artistiques en général et l’art urbain en particulier. Ses actions se répartissent en trois axes : la diffusion et le soutien à la création contemporaine par le biais d’évènements et de résidences, la démocratisation de l’art grâce aux médiations et à la création d’un réseau d’artistes et le rôle d’opérateur culturel en produisant des projets artistiques et en appuyant des projets inédits et novateurs.

Depuis 2013, Teenage Kicks a lancé sa biennale d’art urbain afin de permettre au public de découvrir le travail d’artistes internationaux. La programmation de l’événement allie photographie, illustration, muralisme, graffiti, sculpture et installations et propose un regard initié et complet sur l’art urbain. À cette occasion, l’espace public est transformé en lieu d’exposition sensible créant une émulation de rencontres inter artistiques. La biennale Teenage Kicks privilégie également la mise en avant d’artistes féminines, moins représentées dans le milieu de l’art urbain.

FRANCEINFO >>> The Blind : Je me suis engagé dans le graffiti pour aveugles parce que je trouvais ça important de donner une voix au handicap, donner l'accès à la culture pour les personnes déficientes visuelles et c'est aussi ouvrir les yeux du grand public au monde dans lequel on est.

TEENAGE KICKS >>> Découvrez l’étendue des actions culturelles de l’association, des événements tous publics aux médiations spécialisées.

AUDIOBLOG >>> Le Cinéville, ce cinéma mythique rennais en jachère, est la nouvelle aire de jeu de la Biennale d'art urbain Teenage Kicks 2021. Juché sur son échafaudage, l'artiste Ox en peint les murs comme une sculpture minimaliste dans cet entre-deux.

FRANCEINFO >>> Teenage Kicks, demandez le programme ! Redécouvrez les oeuvres et les artistes de la biennale de Rennes et Saint-Malo : à travers des fresques monumentales, chacun montre son savoir-faire. Les établissements les plus prestigieux comme le Musée des Beaux-Arts ou le FRAC jouent le jeu et accueillent expositions et rencontres.

PARIS SECRET >>> Chaque hiver, le bassin extérieur de Molitor accueille une installation XXL des plus grandioses. Cette année, l’artiste Retrograffitism dévoile une méduse rose fluo de 25 m de long, semblant flotter au-dessus de la piscine Molitor. Magistral !

ACTU >>> Le festival Rouen impressionnée se construit petit à petit. Nelio, l'un des artistes retenus pour ce projet de street art, vient de finir la toute première œuvre de l'événement.