Frachon forever
Début 2023, l'affaire du Médiator rebondit devant la cour d'appel de Paris où Irène Frachon doit une fois encore revenir à la barre pour témoigner de ses effets létaux. Au même moment sort une bd qui revient sur cette épuisante lutte contre Servier, le géant de l'industrie pharmaceutique.
Pour mieux comprendre le combat de cette femme, voici Irène Frachon, Droit au cœur, une mise en perspective sur plus de dix ans, signé par la documentariste Anne Richard. Le film s’appuie sur la machinerie médiatique et juridique mise en branle par le procès pour reparcourir les méandres de cette histoire-fleuve.
Devenue proche d’Irène Frachon, la réalisatrice la filme au plus près, apparemment apaisée mais toujours folle de rage à l’intérieur au moment où s’ouvre le procès. Cette femme remarquable par son éthique, sa ténacité à toute épreuve, a su garder intacte sa révolte malgré une longue guerre d'usure.
Irène Frachon, Droit au cœur revient ainsi sur la solitude des lanceurs d’alertes dont se désolidarisent ceux qui ne souhaitent pas compromettre leur carrière que ce soit dans le milieu hospitalier, industriel, médiatique ou politique. Brimades, pressions, intimidations… voilà les signes qui sont adressés aux alliés de celle qui ose s’attaquer aux intérêts d'un géant.
IRÈNE FRACHON, DROIT AU CŒUR
IRÈNE FRACHON, DROIT AU CŒUR
par Anne Richard (2021 - 60')
Cela fait dix ans qu’Irène Frachon attend ce moment où, face à la mer, elle pourrait se satisfaire du délibéré des juges dans le procès hors-norme dit du Mediator. Le Dr Irène Frachon, pneumologue à l’hôpital de Brest, est celle par qui le scandale est arrivé. Celle qui a lancé l’alerte de ce médicament nocif devant les autorités pour le faire interdire, l’a relayée dans les médias pour en faire une affaire, puis portée jusque devant les tribunaux. Cela fait dix ans qu’elle l’attend.
>>> un film produit par Olivier Bourbeillon Paris Brest Productions.
La colère d'une femme
La colère d'une femme
J'ai été la première réalisatrice à m'intéresser à Irène Frachon, alors que le sous-titre de son livre Mediator 150 mg - Combien de morts ? venait d'être censuré par la justice, à la demande des laboratoires Servier.
Été 2010 à Brest. Une femme en colère, mais calme. Des phrases fortes, mais simples. Une empêcheuse de tourner en rond sans en avoir l'air avec sa croix protestante et son chignon. C'était ma première image d'elle, face au public de la librairie Dialogues venue la soutenir.
Au bout d’un an de tournage entre Paris et Brest, Irène avait fait éclater le scandale. En 33 ans, cinq millions de Français avaient consommé du Mediator, presque 2000 en étaient morts et beaucoup d’autres, dont on ignorait le nombre, étaient atteints par de graves lésions cardiaques. On accusait les agences de santé d’avoir été insensibles aux alertes et les laboratoires Servier d’avoir caché la nature du médicament dans le seul but de faire du chiffre. Journaliste, j’en ai tiré un premier documentaire, L’affaire Mediator, qui racontait son combat avec Charles Joseph-Oudin, un jeune avocat de 28 ans et Gérard Bapt, député et vieux connaisseur des affaires de santé publique.
Je n’ai cessé de la filmer ensuite. Irène est devenue une héroïne aux yeux des médias, la lanceuse d’alerte la plus célèbre de notre pays. Mais le volet judiciaire de l’affaire ne faisait que commencer : enquêtes préliminaires, mises en examen, instruction, contestation des procédures… Pour voir advenir sa vérité, il faut patienter. Constater le décès du principal accusé Jacques Servier, fondateur des laboratoires, à l’âge de 90 ans, voir mourir des victimes que j’avais filmées au tout début du scandale, voir l’état de santé des autres se dégrader. Attendre encore.
Septembre 2019, le procès pénal s’ouvre enfin. Prévu pour durer six mois, avec ses 25 prévenus, 110 audiences, plus de 6500 victimes parmi les parties civiles, c'est le plus long de l’histoire judiciaire française après le procès Papon. Pour Irène, c’est aussi celui de la criminalité en col blanc dans l'industrie pharmaceutique. Montée à la capitale depuis Brest, déterminée comme jamais, elle prend congé de son hôpital quatre jours par semaine pour assister aux audiences. Le verbe haut devant les caméras à l’ouverture, elle décide ensuite de ne plus parler à la presse pour ne pas interférer avec la justice des prétoires. Elle se concentre sur son rôle de témoin, je suis la seule à documenter ses pas dans les coulisses de ce procès et ses allers retours entre Paris et ses consultations à Brest. La pause mondiale imposée par le COVID accroit encore l’attente. Mais Irène y croit, elle a confiance.
Au tout début de notre rencontre, je me questionnais sur la réalité de l’affaire. Mais au fil des années, je ne doutais plus qu’il y ait une affaire. Je me mettais dans les pas d’Irène et continuais à m’interroger sur la capacité de nos institutions à prendre le relai. Je continuais de filmer cet acharnement qu’il faut savoir entretenir pour garder la patience et l’espoir. Secrètement, j’attendais qu’une vérité judiciaire advienne pour voir si l’obsession d’Irène pourrait enfin trouver une fin.
Anne Richard
Anne Richard
Après des études littéraires, diplômée de Sciences-Po Paris et titulaire d’un DEA sur la mémoire du communisme à l’Est, Anne Richard fait ses armes à partir de 2002, en parcourant l’Europe. Trilingue français-anglais-allemand, elle réalise une cinquantaine de reportages pour les émissions d’ARTE, Forum des Européens et Zoom Europa, au sein de la Compagnie des phares et balises. Puis, elle s’engage dans des films plus longs, en France comme à l’étranger pour l’agence de presse WA productions (TF1 Reportages, Envoyé Spécial, Arte Reportage). À l’été 2010, elle est la première réalisatrice à suivre les protagonistes de L’affaire Mediator (52’ pour Public Sénat, sélection au FIPA 2012). Indépendante depuis 2011, elle cherche à conjuguer rigueur journalistique et pratique cinématographique dans une écriture documentaire toujours renouvelée : Duel au pôle sud pour France 5, Mères sans toit et Défi de solidarité pour France 2, Enquêtes archéologiques pour ARTE.
Médiator, un crime chimiquement pur
Médiator, un crime chimiquement pur
En 2007, au CHU de Brest, de nombreux cas d'atteintes cardiaques inexpliquées attirent l'attention de la pneumologue Irène Frachon. Ses recherches mettent en cause le Mediator, gélules coupe-faim des laboratoires Servier. Comment un médicament potentiellement mortel a-t-il pu être diffusé pendant trente ans sans alerter les autorités sanitaires ? Irène Frachon, nous décrit son combat contre les laboratoires Servier...
La bande-dessinée Médiator, un crime chimiquement pur est sortie aux éditions Delcourt le 4 janvier 2023. Elle a été écrite par la pneumologue lanceuse d'alerte Irène Frachon, accompagnée d'Éric Giacometti et François Duprat.
Irène Frachon
Irène Frachon
Diplômée de médecine en 1988, Irène Frachon se spécialise en pneumologie à l’hôpital Antoine-Bécière à Clamart. Elle s’installe à Brest en 1996 et commence à exercer au CHU. En 2007, après avoir constaté des cas récurrents d’affection cardiaque chez des patients traités par le Mediator, elle commence à étudier les liens entre la molécule et les pathologies. Les résultats confirment sa crainte, mais tardent à être rendus publics. Le médicament sera retiré des pharmacies en 2009.
L’année suivante, elle publie l’ouvrage Médiator 150 mg : combien de morts ? mais les laboratoires Servier intentent un procès contre le sous-titre qu’ils jugent diffamatoire. Elle publie alors Médiator 150 mg : sous-titre censuré. En 2011, les tribunaux annuleront finalement cette censure. L’association Anticor lui décerne le prix Éthique catégorie Lanceur d’alerte citoyen, lors des prix Éthiques et casseroles 2011. En mars 2021, alors que les laboratoires Servier sont reconnus coupables de tromperie aggravée et condamnés à verser à l'État une amende de 2,7 millions d'euros, Irène Frachon exprime sa déception. La punition n'est, selon elle, pas à la hauteur de la gravité du délit.
La guerre du Mediator
La guerre du Mediator
INA >>> Le Mediator, pour moi, c’est l’empreinte d’un combat. Nous sommes en guerre, affirme Irène Frachon.
FRANCE INTER >>> Irène Frachon s'insurge : Depuis que les victimes ont compris qu’elles ont été empoisonnées, il y a plus de dix ans, elles font face à un mur de déni. Elles ne comprennent plus le monde dans lequel elles vivent et moi non plus.
OUEST-FRANCE >>> Le Mediator lui est tombé dessus. Mais elle a pris ce combat à bras-le-corps et ne l’a pas lâché depuis. La lumineuse Irène a pris des cheveux blancs. Des cernes autour des yeux. Mais a toujours la même colère noire.
LE FIGARO >>> C'est avant tout le portrait d'une femme remarquable. Irène Frachon ne lâche rien. Cette affaire, c'est une partie de sa vie.
19 juin 2023 19:17 - Jézéquel
Merci à Mme Frachon pour son combat pour nous tous. Mais ça laisse un goût amer et beaucoup de questions sur les autres laboratoires. Sont t-ils honnêtes et fiables...
22 janvier 2022 17:37 - Proctor Marie Josee
Bravo à vous madame , pour moi vous êtes une sainte , vous avez le courage et dans courage il y a le mot rage , la rage de vaincre , oui vaincre le mal que Servier nous a fait , Respect madame .
14 mai 2021 21:35 - Guittard
Bonsoir,
Quel poignant documentaire ; quelle combative persévérance et quel humanisme. Merci à Irène Frachon et Anne Richard
Cordialement
13 mai 2021 13:09 - Hauquin Anne Marie
Bravo Madame Frachon qui mérite une immense reconnaissance pour ce combat dans la solitude. Dommage qu'elle ne soit pas suivie dans ces luttes à faire jaillir la vérité opposée aux profits. Quel courage. Merci merci
12 mai 2021 20:39 - ARSAC
Heureusement qu'il y a des gens qui se battent.
Félicitations à vous.
10 mai 2021 19:20 - Michel Parant
Félicitations à Irène Frachon et à Anne Richard pour son soutien. Je crains qu'une situation analogue soit déjà en cours depuis un an avec l'interdiction de soigner le covid avec des médicaments testés depuis des lustres.