L'ordre du jour
Sans complaisance
J’avais l’idée de vivre sans profession, je me suis assez bien débrouillé de ce point de vue. Déclaration malicieuse d'Éric Vuillard, travailleur acharné, insatiable lecteur non seulement de littérature mais aussi de travaux d’historiens et de philosophes, dont l’œuvre s’épanouit sur une solide culture générale, une sédimentation de connaissances issues d’années de lecture.
Passées ses premières tentatives littéraires, Éric Vuillard a opté pour le récit basé sur des faits réels. Le récit est une forme aggravée de réalisme, dit-il, même l’art romanesque n’est pas d’une gaité folle. La littérature n’a pas du tout comme objet de nous divertir, c’est emmerdant de lire d’une certaine manière, la plupart des gens lisent pour se dégriser des fables, se faire à travers le langage une idée plus juste du monde.
En décembre 2017, il achevait à Vannes une tournée organisée dans la foulée de l’attribution du Goncourt à L’Ordre du jour paru en avril 2017, Vannes où il a écrit une bonne partie de son œuvre, avant de déménager à Rennes. C’est donc face à une assemblée amicale qu’il a donné une allocution sur son art, en compagnie du critique littéraire Alexandre Fillon.
Sur KuB, on le retrouve aussi dans Lecture publique.
Retrouvailles
Retrouvailles
Dédicaces et salutations
La soirée était organisée à l’auditorium des Carmes par la libraire de L’archipel des mots, Joss Edgard-Rosa qui fêtait ce 21 décembre le sixième anniversaire de son installation dans le quartier de Saint Patern, comptant parmi ses fidèles un certain Éric Vuillard… qui considère que les librairies ont avantageusement remplacé les salons littéraires.
L'écriture
L'écriture
Vous désirez entrer dans la tête d’un écrivain ? Comprendre ce qu’est la vocation de l’écriture ? Suivre les méandres de la construction d’une œuvre littéraire ? C’est l’opportunité qu’offre ce témoignage d’Éric Vuillard. Formé à l’histoire et à la philosophie, l’écrivain replace sa propre expérience dans un contexte, au croisement de besoins personnels et de la rumeur du monde.
De l’édition du Chasseur, premier roman publié en 2000, à nos jours
L’écriture permet d’atteindre certaines vérités qu’on ne pourrait pas atteindre autrement. La particularité du récit vuillardien, c’est d’examiner des instants donnés sous l’angle métonymique. Les détails recèlent leur part d’importance dans le tout. Au 19e les romanciers ou les historiens s’imaginaient pouvoir nous servir une vision complète de la société. Mais l’histoire ne peut, pour nous, modernes, ne se présenter que sous forme lacunaire, problématique, fragmentaire…
Vuillard souligne la corrélation entre le type d’écriture produit et les conditions de vie - confort ou précarité - et au-delà, du contexte social, calme ou tumultueux. La poésie serait davantage le fruit d’une vie instable et/ou d’une époque troublée.
Une question qui habite l’écrivain : dans quel monde sommes-nous ? Un système de contrôle de plus en plus prégnant, un monde où huit personnes possèdent autant que 3,7 milliards d’humains. Les inégalités s’accroissent à un rythme inouï et je ne crois pas qu’on puisse écrire sans, d’une manière, en tenir compte. Écrire du roman éloigné de la réalité d’aujourd’hui, c’est faire du folklore.
Vuillard se questionne tour à tour sur l’ironie (une manière d’appuyer un peu méchamment sur certains travers des individus, ou d’aspects ridicules de la réalité), l’opinion (fruit d’un agglomérat d’impressions glanées au fil de lectures, de films, de discussions), l’utilité d’un récit bref, de l’enquête (mais il ne faut pas se laisser étouffer par la documentation)... Il fait tour à tour l’éloge de Zola (considéré comme vulgaire par ses pairs alors qu’il est à l’origine de l’anthropologie) et d’Aragon (pour avoir osé délinéariser le récit, avec des romans foisonnants et imprévisibles).
L'ORDRE DU JOUR
L'ORDRE DU JOUR
Lecture, genèse, questions
Avec L'Ordre du jour, Éric Vuillard restitue des faits qui démontrent la complaisance dont a bénéficié le chancelier Hitler lors de son irrésistible ascension, tant de la part des élites politiques européennes que des puissances de l’argent. Les prémices de la guerre peuvent être plus édifiantes que la guerre elle-même. Il écrit pour échapper aux images de propagande de Goebbels qui ont colonisé notre imaginaire, pour contester la réalité officielle, hégémonique, et en chercher une autre. L’histoire est une manière de regarder le présent.
Regard aigu et précision terrifiante
Regard aigu et précision terrifiante
L'Histoire, Pierre Assouline >>> Portrait d'Éric Vuillard
De prime abord, il n'en a pas l'air. Paisible, fin, lisse, souriant : on lui donnerait le Bon Dieu sans confession, mais l'on sent déjà que cela n'irait pas sans contestation de sa part. Car malgré tout ce qui se manifeste en lui d'immédiatement bienveillant, dès que la conversation s'engage, Éric Vuillard se révèle comme un homme de paradoxes.
Le Monde, Raphaëlle Leyris >>> C’est peu de dire que le Goncourt ne semblait guère à « l’ordre du jour » pour Eric Vuillard, tant le neuvième livre de l’écrivain paraissait cumuler les handicaps. En effet, il est paru en mai, non à la rentrée littéraire (le dernier cas de livre printanier primé en novembre remonte à 1998 : Confidence pour confidence, de Paule Constant) ; il a été publié par la maison d’édition que dirigeait encore il y a six mois Françoise Nyssen, la ministre de la culture, et les observateurs estimaient que cela pourrait paraitre complaisant que de couronner ainsi un livre Actes Sud ; enfin, comme tous les textes d’Eric Vuillard, L’Ordre du jour est un récit, non un roman – bien des ouvrages se sont vu refuser la simple sélection au Goncourt parce qu’ils ne relevaient pas de la fiction.
Télérama, Nathalie Crom >>> Par une série d'instantanés, Éric Vuillard fixe son singulier rendez-vous avec l'Histoire. La montée au pouvoir des nazis comme on ne l'a jamais lue. Il ne cesse de réinventer sa position d'écrivain face à l'Histoire. Persuadé qu'il est de la capacité du récit de s'immiscer dans les faits avérés, à s'infiltrer dans la chronologie certifiée, pour non pas corrompre la vérité historique ou broder sur elle, mais la regarder autrement. L'incarner. La déconstruire lorsque le mythe a fini par y prendre trop de place. Scruter l'intime que néglige toujours l'épopée.
>>> Éric Vuillard se faufile par une porte dérobée pour se glisser dans les coulisses de l’Histoire, faire entrevoir à son lecteur l’envers du décor et démonter la mécanique des grands récits figés à force d’être ressassés.
Le Figaro, Amaury Giraud >>> Le regard aigu et la précision terrifiante d'Éric Vuillard.
Dans L'Ordre du jour, Éric Vuillard décrypte la mécanique politique, les petites lâchetés et les compromissions ayant conduit à la montée en puissance du pouvoir nazi et au succès du projet mortifère de l'Anschluss. 160 pages durant, l'écrivain et réalisateur, né en mai 1968 à Lyon, tente de démontrer combien le « triomphe » de la Wehrmacht aurait été moindre sans le concours de marchandages, de vulgaires combinaisons d'intérêts des milieux d'affaires allemands.
NdR : l’article intègre une revue de la critique littéraire.
22 janvier 2018 19:57 - eno
merci pour cette diffusion depuis l'Archipel des mots. Éric Vuillard est aussi agréable à écouter qu'à lire, c'est foisonnant, intelligent, pertinent et souvent drôle, comme une tragédie...