Total désastre

ERIKA, CHRONIQUE D’UNE MARÉE NOIRE
ERIKA, CHRONIQUE D’UNE MARÉE NOIRE
d'Herlé Jouon (2018 - 52’)
Le 13 décembre 1999, le pétrolier Erika est pris dans une violente tempête au large des côtes bretonnes, et sombre au large de la pointe de Penmarc’h. Dix jours plus tard, le 23 décembre, la cargaison du super tanker s'échoue en Bretagne et dans les Pays de la Loire ; les célébrations de Noël sont ternies par plus de 200 000 tonnes de pétrole qui ravagent 400 kilomètres du littoral. Vingt ans après cette catastrophe, les habitants de Belle-Île-en mer gardent en mémoire ce souvenir effrayant. À l’époque, les bénévoles, les scientifiques et les associations de défense de l’environnement s'étaient mobilisés pour faire disparaître les traces gluantes de mazout. Après le naufrage de l’Amoco Cadiz en 1978, tous pensaient que plus jamais une telle tragédie ne pouvait arriver. Mais l’état déplorable du navire affrété par Total et les atermoiements du capitaine pendant la tempête ont été une nouvelle fois à l’origine d’une marée noire qui n’aurait jamais dû se produire.
>>> un film produit par Ulysse Bonnevie, 13 Prods
L'éternel recommencement
L'éternel recommencement
par Herlé Jouon


Fin décembre 1999, les médias du monde entier relaient des images impressionnantes : l’Érica cassé en deux dans la tempête, les secours qui sauvent l’équipage et tentent désespérément d’empêcher le navire de sombrer. Après les images choc, le littoral se prépare à vivre une nouvelle marée noire. La veille de Noël, les premières nappes gagnent les côtes et les souillent de cette épaisse masse visqueuse qui ne laisse aucune chance aux milliers d’oiseaux qui y nichent.
Face à ce paysage de désolation, les habitants se mobilisent. À Belle-Île, Quiberon, au Croisic... partout, on s’organise, on se démène pour sauver ce qui peut l’être. Au sentiment de révolte se mêle aussi l’incompréhension. Après la marée noire de l’Amoco Cadiz en 1978, et du Torrey Canyon dix ans plus tôt, des dispositions avaient été prises pour éviter que cela ne se reproduise. Mais l’Erika n’est hélas pas uniquement l’histoire d’un naufrage. Alors que le nettoyage des côtes bat son plein, on apprend que cette catastrophe résulte également d’une faille dans la sécurité, d’un message de détresse envoyé trop tard. Une sombre histoire de gros sous, dictée par les intérêts économiques des sociétés pétrolières. Les autorités vont à nouveau redoubler d’efforts pour fiabiliser les pétroliers et limiter les risques, avec des cargaisons mieux contrôlées. Pourtant, en 2002, le Prestige fait naufrage au large de la Galice : 77 000 tonnes de pétrole s’échappent de sa coque, souillant les côtes françaises, espagnoles et portugaises. Plus jamais ça ! entendons-nous une fois de plus. Mais le 7 octobre 2018, deux navires entrent en collision au large de la Corse et des centaines de mètres cubes de pétrole s’échappent en mer, souillant les côtes du Var et des Alpes-Maritimes. À ces exemples français s’ajoutent les multiples marées noires qui ont eu lieu sur les mers du globe et génèrent ces mêmes sentiments de révolte et d’incompréhension. Comme un éternel recommencement.
J’ai assisté en première ligne à la catastrophe de l’Erika, j’étais alors envoyé spécial sur la marée noire pour France Inter. Breton d’origine et descendant de marin-pêcheur, j’ai un attachement tout particulier à mon littoral et sa nature sauvage, son océan et ses tumultes. J’y ai grandi, j’y ai nourri ma passion de la mer. Journaliste, je ne compte plus mes reportages et mes documentaires en lien avec elle. Pour l’Erika, quand je me replonge dans mes archives sonores : le naufrage du navire, le travail des sauveteurs, la marée noire s’avançant vers les côtes, la colère et les larmes des habitants... c’est glaçant. Mes souvenirs remontent, mêlés d’un sentiment d’injustice face à cette société dans laquelle des hommes et des femmes se démènent pour réparer les erreurs que d’autres ont commises au nom de la mondialisation, pour favoriser les profits de certains.
Au fil des années, pour l’Erika comme pour toutes les autres marées noires qu’a connues la planète, les stigmates de la pollution finissent par s’estomper. Cela grâce au travail de toutes les personnes mobilisées pour nettoyer les côtes, mais également grâce à la formidable capacité de la nature à se régénérer.
Mais le pétrole qui souille les côtes d’un pays n’est-il pas aussi là parce que les gens qui tentent de le nettoyer en ont besoin chaque jour ? Il paraît utopique d’imaginer la société se priver de pétrole dès aujourd’hui. Mais tant que ce besoin existera, des centaines de tankers continueront de circuler au large de nos côtes. Alors, sommes-nous vraiment à l’abri d’une nouvelle catastrophe ?
Herlé Jouon
Herlé Jouon

Herlé Jouon un réalisateur d'origine bretonne.
Après quelques années à travailler comme journaliste reporter à Radio France, il commence une carrière d'auteur réalisateur pour France Télévisions, Arte, Planète ou encore RMC Découvertes. Il réalise de nombreux films documentaires et docu-fictions, souvent en lien avec sa passion pour la mer et les affaires maritimes, comme : Les Naufrageurs en 2007, Les Bateaux insolites en 2008, Trésors engloutis de la Seconde Guerre mondiale en 2010, Titanic, l'ultime scénario en 2011, La Promesse des îles en 2013, La Grande Histoire des phares en 2015, Mystères maritimes en 2018.
La mémoire des catastrophes
La mémoire des catastrophes
INA >>> 25 ans après le naufrage de l'Erika, retour en images sur l'une des plus grandes marées noires de la côte Atlantique ainsi que sur la longue procédure judiciaire qui a révélé la responsabilité pénale de l'affréteur Total et a reconnu un préjudice écologique.
FRANCE 3 BRETAGNE >>> Le 12 décembre 1999, le pétrolier Erika fait naufrage au large des côtes bretonnes et provoque une marée noire jusqu'en Vendée et en Loire-Atlantique. Retour sur cette catastrophe qui fait désormais partie de la mémoire collective.
FRANCE 3 IROISE >>> Il y a un mois, à la pointe du Raz, du pétrole a été redécouvert, enfoui dans un bunker de la Seconde Guerre mondiale. Ce sont les déchets de la marée noire du Böhlen, de 1976. Que faire des déchets des anciennes marées noires ?
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