ET QUI HANTE
Et qui hante est une suite de textes âpres et tendus, parfois dérangeants, dont le fil rouge serait, selon la belle formule de l’auteure, une attention éperdue aux enfants. De fait, également, une attention éperdue aux femmes.
Des enfants partout, dans la vie, et leurs enfances malmenées, des mômes sans nom (sauf un)… Des enfants partout, dans la mort, des enfants tués à peine nés, des enfants non nés. Des enfants au pluriel, mais qui portent, chacun, son histoire singulière : l’enfant seule au milieu de la clairière qui boit l’automne à pleines goulées ; l’enfant qui aime prendre le journal et tracer, entourer chaque mot, chaque ; l’enfant dépeuplé de sa mère ; l’enfant imaginé, l’enfant qu’on transporte, petit garçon doux, fin, aux yeux verts – aspiré ; et puis cette petite fille que j’ai à l’intérieur de moi, avec ses grosses godasses, avec ses jambes nues, noiraude… ; un enfant précieux, trimballé dans la cohorte des réfugiés, serré contre soi, ballot ; une enfant au t‐shirt bleu avec des paillettes cousues – elle a voulu emporter son t‐shirt de princesse – il est trop court. Cette enfant, tu la connais , nous la connaissons tous,
nous la voyons tous les jours, prise, elle aussi, dans le désordre du monde. Une enfant, une sœur, abîmée, à qui il est arrivé quelque chose, on ne sait pas, elle avait le même regard que sa sœur était belle, ensuite, c’est arrivé … et nul oiseau sans penser à une sœur blessée.
Des enfants venus ou malvenus du ventre des femmes. Des femmes devenues mères – mère parce que, peu importe –, qui parfois ne savent pas quoi en faire, femmes sans visage et sans nom, apeurées, en butte à la violence des hommes. Des femmes qui ont pourtant été, un jour, ces filles en ivresse à fumer, boire des bières et des histoires de mecs, qui chantent, se cognent, s’étreignent.
Et tout au long des pages, des traces d’errance, qui persistent et qui hantent. De même que certains mots, phrases, reviennent de texte en texte. Une errance intérieure qui se superpose à une errance dans des paysages indéfinis, où l’on croise parfois quelqu’un, un cheval, quelques oiseaux, et surtout les rumeurs d’une actualité (d’un monde) tragique… Une attention aiguë à ce monde.
ET QUI HANTE
ET QUI HANTE
réalisé par Pierre-François Lebrun (2019 – 3’)
Un recueil aux Éditions Isabelle Sauvage
BRIGITTE MOUCHEL
BRIGITTE MOUCHEL
Brigitte Mouchel, née en 1959, est tout autant écrivaine que plasticienne.
Depuis 1999, elle réalise des livres d’artistes en auto-édition qui disent ce partage entre images et mots qui l’habite. La plupart des textes rassemblés dans Et qui hante et dans Événements du paysage, son premier livre publié en 2010, en sont d’ailleurs issus.
Elle participe régulièrement à des expositions collectives et individuelles, à des salons du livre et, depuis 2001, anime des ateliers d’écriture.
En mars 2018 elle a ouvert, avec Julie Aybes, la galerie méandres à Huelgoat, lieu indépendant d’exposition, d’édition et de réflexion, dédié aux arts visuels contemporains et à la littérature.
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