Réveil biologique

champs herbes folles Eva

Eva voudrait est un film gorgé de vie. Son héroïne en est pourtant au stade où ses ovules se raréfient, autant que les occasions de rencontres masculines. Une fatalité qu’elle s’emploie à contrecarrer avec une impatience qui la rend revêche, et si touchante aussi. Car dans ce film, il est question de fertilité, de générosité, et pour finir, d’amour.

La réalisatrice Lisa Diaz s’empare du cinéma pour dire l’intensité de l’existence, entre moments de solitude ou de convivialité entre amis. Les personnages sont d’un naturel confondant, libérés dans des espaces d’improvisation où sourd leur intériorité. Passée par le documentaire, Lisa Diaz laisse le réel faire irruption dans l'histoire, pour le plus grand bien de son film.

Une retrouvaille aussi dans Eva voudrait, Marie Rivière, actrice fétiche d’Éric Rohmer que l’on voit trop rarement au cinéma et qui joue le rôle de la mère d’Eva, une femme qui n'a pas su rester avec le père de son enfant. Partant de là, que voudrait donc Eva ? Une progéniture ou un compagnon ?

EXTRAIT

EVA VOUDRAIT

de Lisa Diaz (2020)

Eva, 39 ans, vit seule. Elle voudrait un enfant. Elle n’a peut-être plus beaucoup de temps devant elle. Un gynécologue vient de lui annoncer qu’elle avait une réserve ovarienne déplorable. Un compte-à-rebours s’enclenche. Mais elle est instinctive, un peu désordonnée et son plan de bataille manque de précision.

>>> un film produit par Colette Quesson, À perte de vue

INTENTION

Un compte à rebours enclenché

Allonger lit Eva voudrait

par Lisa Diaz

À travers ce film, j’ai souhaité faire le portrait d’une femme qui a presque mon âge, en l’inscrivant dans la lignée des femmes dont elle découlerait.
Eva a hérité de mots, d’empêchements, de consignes, d’histoires d’amour ratées à partir desquels elle essaie de composer sa propre vision du monde et sa quête.
Le désir d’enfant est cette quête à la fois concrète et symbolique. Il est ce qui la met en mouvement, la pousse dans ses retranchements. La question du pourquoi un enfant est presque secondaire - il y a un compte à rebours qui s’est enclenché. On veut un enfant, parce qu’on se dit que c’est impossible de ne pas en avoir.



A travers cette quête il m’intéresse d’esquisser aussi cette difficulté à aimer, à se faire aimer, à se lier. J’ai tissé le film autour du genre de la comédie. Une comédie de personnages, bruts de décoffrage, un peu rugueux, qui ont assez d’ironie pour rire de leur sort. Cette comédie est parfois de la pure fiction où l’improvisation se mêle aux dialogues écrits, mais s’aventure parfois du côté du documentaire, par l’entremise de situations réelles ou de comédiens qui ne sont pas comédiens.

ENTRETIEN

Caroline Ferrus incarne Eva

Caroline Ferrus Portrait Eva Film.jpg

- Comment s’est fait la rencontre avec Lisa Diaz ?

Nous nous sommes rencontrées en février 2018 dans le cadre d’une séance de travail organisée par le collectif Brut-e, cinq comédiennes nantaises dont je suis membre et qui va à la rencontre des réalisateur•e•s et auteur•e•s pour mettre en place des collaborations.
Durant deux jours, nous avons lu, joué des scènes et improvisé autour du scénario en cours tandis que Lisa nous filmait. Je peux le dire maintenant, j’avais très envie de jouer ce rôle, il me semblait proche. Mais Lisa pensait à des comédiennes un peu connues pour le rôle d’Eva... Je m’étais faite à l’idée tout en pensant que j’avais quelque chose à défendre pour ce rôle. Quelques mois après, Lisa m’appelait pour faire des essais et par la suite elle proposait un rôle à deux autres Brut-es.

- Comment avez-vous abordé le personnage d’Eva ?

D’abord par tout ce qui rentrait en résonance avec mon caractère, des traits de ma personnalité. Je connaissais Eva, elle m’était familière.


Eva est une femme qui ne se voit pas vieillir, qui a du mal à grandir même. Elle réagit souvent comme une enfant. Les premières lignes du scénario de Lisa décrivent ainsi Eva : Elle a quarante ans mais fait moins, un air de gamine s’est attardé dans ses traits. Cette petite phrase m’a permis d’entrer dans le personnage d’Eva. Cette femme de 40 ans, mal-aimable, au caractère bougon mais attachant, coincée entre sa mère, sa grand-mère, ses vieux potes et son poisson rouge, me parlait. Je voyais son urgence biologique comme une chance pour elle de se mettre en mouvement, de s’extraire de cette vie dans laquelle elle stagnait, et de partir à l’aventure. Il fallait ensuite construire Eva dans sa dimension sociale. Lisa inscrit son personnage principal dans un monde péri urbain, entouré de campagne, dans lequel Eva vit avec pas grand-chose et ne s’en porte pas si mal. Elle vend ses céramiques sur les marchés, sa mère lui apporte les légumes de son jardin. Elle sort dans les guinguettes de bords de Loire. Eva n’est pas coquette, encore moins sophistiquée. Il fallait penser à ses tenues, simples et pratiques, des chaussures plates, pratiques. Il fallait penser Eva dans le corps, socialement, comment elle se tient, se présente au monde. J’ai beaucoup pensé à mes mains durant le tournage, à ce qu’elles pouvaient raconter d’elle, puisque Eva est céramiste.

Lisa et moi nous sommes beaucoup vues pendant six mois pour préparer le rôle. On a fait pas mal de virées dans des décors naturels où Lisa me filmait en voiture, dans les rues de Nantes, à la campagne, avec des moutons. Lisa aime filmer le vivant, des paysages, des visages et des corps, de manière sensible. Nous avons rencontré ensemble les autres comédien•ne•s du film pour faire des essais, pour travailler en impro. Un travail de préparation essentiel.

- Eva croise beaucoup d’autres personnages : amis, enfants, famille, inconnus sur le bord de la route. Ceux-ci sont interprétés par des acteurs mais aussi par des non-professionnels. Comment s’est élaboré votre travail d’interprétation au fil du tournage et de ces différentes rencontres ?
Très simplement. C’était une chance de rencontrer chaque jour de nouveaux visages, de nouveaux paysages. Lisa vient du documentaire, elle a su laisser vivre les personnages incarnés par les non-professionnels, sans les contraindre à jouer. Elle a su les laisser être. Il suffisait de se laisser aller à ces rencontres.

- Comment a évolué votre travail sous la direction de Lisa Diaz ?

Avant tout, c’est la première fois que je défendais un rôle aussi important. Lisa m’a fait un très beau cadeau en me donnant sa confiance et en imaginant que je pouvais défendre ce personnage. On a eu une vraie collaboration avant et pendant. Je comprenais au fur et à mesure que ce qui comptait pour Lisa, c’était d’atteindre l’état juste pour chaque scène, l’émotion juste entre ce qui se jouait pour les personnages et ce qui se jouait en image avec Son, le chef op'. Une fois que Lisa avait ressenti ce qui lui semblait juste, on pouvait passer à la scène d’après. On pouvait se libérer du texte, Lisa nous poussait à improviser pour que nous puissions éviter de tomber dans une mécanique de texte, de petite musique et de ne plus vivre simplement la scène, de manière sensible. Le travail avec Lisa m’a demandé d’être, de me concentrer sur les états que traverse Eva durant son aventure tout en laissant la place à ma fantaisie et ma proposition de personnage. J’ai hâte de (re)découvrir le film, de voir comment Lisa raconte cette histoire en images.

- Est-ce que le tournage en équipe réduite a changé quelque chose dans votre jeu d’actrice ?

J’ai l’habitude de travailler dans la proximité, en étant au four et au moulin dans les projets que je monte, ou dans le travail de collectif... Être en équipe réduite demande de l’énergie car justement il ne faut pas se laisser déborder par cette proximité. Ici, tout le monde était à sa place, mais tout le monde était activement impliqué dans une collaboration artistique forte. Chacun pouvait facilement proposer des choses que ce soit à la réalisation, à l’image, au son et au jeu car nous n’étions pas contraints par la technique. Et nous avions une première assistante réalisatrice garante du temps ! Nous tournions essentiellement en décor et lumière naturelle. Quel pied ! Nous étions tout le temps ensemble, il n’y avait pas de loge. L’équipe réduite permet de ne pas trop attendre pour un•e comédien•ne, de maintenir l’énergie, je trouve cela plus confortable. Je ne quittais jamais mon personnage. Et je n’avais pas le temps de trop réfléchir entre chaque prise et de m’angoisser, seule dans ma loge... J’aime pouvoir voir les choses se fabriquer. Sur ce tournage, j’étais au premier plan pour jouer et observer. J’ai beaucoup appris de la fabrication d’un film. Le mystère demeure désormais dans le montage des images de Son Doan et cette nouvelle écriture qui n’appartient qu’à Lisa et à son monteur Julien Cadhilac....

BIOGRAPHIE

Lisa Diaz

Diaz Réalisatrice Lisa
©IvanLeborgne recadré

Réalisatrice de courts métrages de fiction et de documentaires, ses films ont été sélectionnés et récompensés dans des festivals français et internationaux. Lisa a participé à de nombreuses résidences parmi lesquelles le Groupe Ouest (sélection annuelle en 2008), l’École du doc de Lussas, le Moulin d’Andé, le Boostcamp… Elle mène aussi des ateliers d’éducation artistique (notamment un atelier de cinéma féministe paroles de filles) et écrit avec d’autres gens ou sous d’autres formes.

En 2020, elle achève deux nouveaux films : le moyen métrage Eva voudrait (Prix du public au festival Côté Court de Pantin) et un documentaire : Avignon, en compagnie du Off.
Son premier long métrage de fiction, Zone libre, produit par À perte de vue, a obtenu l’avance sur recettes du CNC et été sélectionné aux ateliers d’Angers (Festival Premiers plans).

REVUE DU WEB

Ce n'est pas la fin

OUEST-FRANCE >>> Le téléfilm de la réalisatrice Lisa Diaz a pour cadre la cité des bords de Loire et de Maine. Elle vient d’en boucler le tournage, dans cet Anjou qu’elle apprécie tant.

FRANCE 3 BRETAGNE >>> Avignon, 2019. La compagnie nantaise La fidèle idée part à l'abordage du Off pour faire connaître ses deux spectacles parmi les 1592 présentés cette année-là. Dans cette démesure se nouent des enjeux artistiques, économiques, et rien de moins que le devenir de la troupe.

COMMENTAIRES

  • 22 août 2024 00:45 - Quesson Colette

    Yannick, si vous scrutez bien le générique de fin, toutes les mentions des crédits musique y apparaissent. Merci pour ces beaux compliments !

  • 11 août 2024 17:25 - Yannick

    Film minimaliste avec maxi émotions…
    Est il possible de savoir de qui sont les musiques illustrant ce film?
    Merci….🙂👍

CRÉDITS

avec

Eva Caroline Ferrus
Sam Franck Bruneau
Emmanuelle Marie Rivière
Evelyne Odette Simonneau
Marinette Sophie Péault
Giorgio Juan Pablo Mino
Christophe Franck Trillot
Salomé Salomé Leborgne
Orso Orso Leborgne
Et Lisa Abbadie, Pierre Bedouet, Sheila Maeda, Lisa Abbadie, Raphaël Dalaine, Sophie Renou, Claude Guillossou, Maarten Greven, Maïlé Luneau, Leonard Salliot, Thelio Chesnez

auteur et réalisatrice Lisa Diaz
première assistante mise en scène Ingrid Chikhaoui
deuxième assistant mise en scène Vincent Pouplard
stagiaire mise en scène Corentin Grassin
directeur de la photographie Son Doan
premier assistante caméra Cécile Plais
électricien Eloi Brignaudy
chef opératrice son Valentine Célin
perchiste Edgar Imbault
directrice de production Inès Lumeau
administratrice de production Emmanuelle Jacq
régisseur général Clément Vinette
régisseur adjoint Céline Lixon
décoratrice Aurore Casalis
stagiaire Décoration Hayal Yanik
costumière Marie-Pierre Groud
montage Julien Cadilhac
truquiste Hoël Sainléger
montage Son Sylvianne Bouget
mixage Frédéric Hamelin
étalonnage Pierre Bouchon

production déléguée Colette Quesson

une coproduction A Perte de Vue / Paris Brest Productions / Tébéo / TVR / Tébésud les chaînes locales de Bretagne,

soutenues par la Région Bretagne / Spray Film / LesDocks du Film / Atelier sonore Chuuttt !! / Arwestud Films /

Avec le soutien de la Région Pays de la Loire en partenariat avec le CNC, et avec la participation du CNC.

Artistes cités sur cette page

portrait réalisatrice Lisa Diaz

Lisa Diaz

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