Prière d’afficher
26/01/2026
L’affiche est un mode d’interpellation dans l’espace public. Elle constitue un moyen efficace de toucher les foules. Le Musée de Bretagne attire notre attention sur une période riche en création graphique, les années 70-90, juste avant l’avènement des nouvelles techniques de communication, quand des artistes produisaient des œuvres visuelles à l’occasion d’élections, d’un événement culturel, d’un mouvement social… Un mode d’expression universel, dont la Pologne communiste fut un labo de pointe, une école à laquelle deux affichistes bretons, Alain Le Quernec et Fañch Le Henaff, sont allés se frotter.
une page en coédition avec
Face au mur, le graphisme engagé
Face au mur, le graphisme engagé
exposition au Musée de Bretagne
Dans les années 60, l’affiche est un vecteur privilégié d’expression politique. De nombreux graphistes y puisent leur inspiration tout en y trouvant pour certains la matrice de leurs propres engagements. Au cours des décennies suivantes, 70, 80 et 90, l’affiche continue de s’affirmer comme un médium important dans l’espace public, avec son langage et ses codes : populaire, elle est à la portée de tous, collée sur les murs, parfois transformée ou arrachée. Des dessinateurs s’en saisissent pour affirmer des convictions, à distance de la publicité : luttes anti-coloniales et pacifisme, contestation sociale, droits de l’homme, des femmes, écologie, identité et culture…
Terrains de lutte en Bretagne
Terrains de lutte en Bretagne
Qu'ils travaillent seuls ou en collectif, les graphistes veillent à se reconnaître dans les commandes qu'ils acceptent. Des partis politiques, associations et acteurs culturels sont demandeurs d'une création graphique exigeante, impliquée dans les luttes sociétales qui marquent les années 70-90. En Bretagne, ce sont principalement Alain Le Quernec et Faňch Le Henaff qui s'engagent pour des causes politiques, sociales et environnementales.
Aux urnes
Les années 70 et 80 voient une intense production d'affiches dans un contexte où partis politiques et syndicats s'inscrivent dans une dynamique de conquête du pouvoir et de renouvellement de leur image. Militants ou sympathisants, les graphistes construisent avec leurs commanditaires politiques des relations au long cours. En Bretagne, les causes régionales et l'affirmation d'un renouveau de l'identité bretonne sont portées par les fédérations locales des partis nationaux ou par des partis régionalistes comme l'Union Démocratique Bretonne (UDB).
Faire société
En Bretagne, les graphistes abordent des questions telles que le logement, le chômage ou la place des femmes dans la société. L'onde de choc de la marée noire de l'Amoco Cadiz en 1978 est suivie par l'engagement contre la centrale nucléaire de Plogoff et un fort mouvement antinucléaire, initié avec le comité de défense créé en 1976.
Culture
Alors que dans les années 1980 le monde politique se tourne de plus en plus vers des agences de communication, la commande culturelle continue d'être portée par les associations et les structures indépendantes. En Bretagne, MJC, festivals, musées font régulièrement appel aux affichistes bretons, qui expriment dans leur création leur manière de voir la culture bretonne ou la culture en Bretagne.
Paroles d'affichistes
Paroles d'affichistes
Causes sans frontières
Causes sans frontières
Mouvements pour la paix et contre les conflits armés, lutte contre le racisme, dénonciation des régimes dictatoriaux en Amérique latine… Du milieu des années 60 aux années 90, de grandes causes politiques ou sociétales mobilisent l'opinion internationale. Le monde du graphisme ne reste pas en marge de ces mobilisations et voit fleurir des affiches en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, à Cuba, en France… jusqu'en Bretagne !
Contre la guerre
Les mouvements pour la paix dans le monde, nés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans le sillage de l'ONU, prennent une nouvelle ampleur avec la multiplication de conflits armés dans le monde. La guerre du Vietnam mobilise l’opinion internationale durant près de deux décennies. Nourris d'images de presse, de photographies, les graphistes s'engagent du côté du peuple vietnamien, contre l'enlisement de la guerre, créant des iconographies rebelles.
Stigmatiser le racisme et l'apartheid
Au cours des décennies 70 et 80, les marches contre le racisme et pour l’égalité ne faiblissent pas. Elles se cristallisent dans l’appel au boycott de l’apartheid, régime de ségrégation raciale institué en Afrique du Sud, exemple d’une mobilisation continue jusqu’à la libération de Nelson Mandela en 1990.
La France connaît aussi dans les années 80 des mouvements antiracistes de grande ampleur. Alain Le Quernec et Fañch Le Henaff s'engagent pour ces causes antiracistes et dénoncent les violences policières, dans le contexte de la mort de Malik Oussekine le 6 décembre 1986.
Dénoncer les dictatures
Durant les années 70, les coups d'État militaires se succèdent en Amérique latine, appuyés par les services secrets américains. Au Brésil, en Bolivie, au Chili, en Argentine… des juntes militaires s'installent, bafouant les droits de l'homme.
En 1976, en Argentine, une junte militaire renverse le régime d'Isabel Perón. Amnesty International se mobilise pour le boycott de la coupe du monde de football de 1978 en Argentine, dénonçant les violations des droits de l’homme et disparitions forcées en Amérique latine. Aux Pays-Bas, en Allemagne, en France, les graphistes s'engagent pour dénoncer les connivences entre sport et régime autoritaire.
À l’école polonaise
À l’école polonaise
Des courants artistiques de la première moitié du 20e siècle sont des références communes auprès des graphistes : le constructivisme russe, le photomontage, le Bauhaus ou le pop art sont revisités par une nouvelle génération de graphistes. Certains pays voient également se développer une culture graphique forte, portée par l'affiche.
Après 1945, le nouvel État socialiste polonais donne un rôle majeur à la culture et fait disparaître les enjeux publicitaires. Cela confère une forte liberté à une génération de créateurs exceptionnels.
Ces affiches sont une révélation dans de nombreux pays et de jeunes graphistes partent se former à Varsovie.
Dans les années 60-70, des jeunes graphistes vont parfaire leur formation à l’Académie des beaux-arts de Varsovie. La leçon d’Henryk Tomaszewski, qui apprend à se défaire de son savoir-faire formel pour cerner au plus près le signe et le sens des images, marque toute une génération de graphistes, parmi lesquels Alain Le Quernec. Près de dix années plus tard,
Fañch Le Henaff part lui aussi se former auprès des graphistes polonais.
Après des études pour devenir professeur d'arts plastiques et avoir enseigné pendant six ans, Alain Le Quernec reçoit une bourse d'études d'une année lui permettant d'aller suivre les cours d'Henryk Tomaszewski à l'Académie des beaux-arts de Varsovie.
Formé à l'École régionale des beaux-arts de Nantes, Fañch Le Henaff part étudier en Pologne en 1984, alors que l'état de siège a été instauré dans le pays par le général Jaruzelski . Pendant un an, il étudie à l'Académie des beaux-arts de Wroclaw auprès des artistes et professeurs Jan Jaromir Aleksiun et Eugeniusz Get Stankiewicz.
Alain Le Quernec
Alain Le Quernec
Alain Le Quernec (né en 1944), affichiste de renommée internationale, vit et exerce en Bretagne, à Quimper. Tout au long de sa carrière, il a beaucoup œuvré pour un graphisme d'utilité publique. Sa passion du métier le pousse jusqu'à réfuter l'étiquette d'artiste : il se revendique affichiste, un point c'est tout !
Si l'inscription sur le territoire breton marque l'œuvre d'Alain Le Quernec, il traite également de sujets politiques, nationaux et internationaux. Dans ses best-of figurent des affiches qui ont beaucoup circulé comme la Bécassine du PSU avec le slogan Décidons chez nous ou l'affiche pour Amnesty International. Membre depuis 1990 de l'Alliance graphique internationale (AGI), il participe à de nombreuses manifestations graphiques internationales.
Fañch Le Henaff
Fañch Le Henaff
Fañch Le Henaff (né en 1960) est un créateur aux multiples facettes, tour à tour graphiste, scénographe, typographe. Il est installé en Bretagne, à Locronan. Ses convictions et engagements animent sa recherche d'une identité bretonne loin des clichés et ouverte aux autres influences culturelles.
Festivals et manifestations culturelles bretonnes constituent une part importante du travail de Fañch Le Henaff mais ses convictions personnelles l'amènent aussi à s'engager en soutien à des causes sociales, environnementales, politiques, de l'échelon local à l'international : l'affiche hommage à Chico Mendès, défenseur légendaire de la cause amazonienne, ses affiches de jeunesse contre le nucléaire ou celle contre les répressions policières en sont quelques exemples.
Une figure des arts graphiques
Une figure des arts graphiques
RENNES MÉTROPOLE >>> De la centrale nucléaire de Plogoff en Bretagne à la Coupe du monde de football 1978 organisée en Argentine en pleine dictature, Face au mur invite le public à revisiter ses classiques et à suivre le fil rouge des crises.
FRANCE 3 BRETAGNE >>> C'est l'un des plus grands affichistes français. Et pourtant, le grand public ne connaît guère le quimpérois Alain Le Quernec, même s'il est une figure des arts graphiques. Ses affiches, comme Bécassine levant le poing, sont aujourd'hui dans les manuels d'histoire.
26 janvier 2021 21:06 - Costantini
Merci