Après l'incendie
L’été 2022, un peu partout en France, 66 000 hectares de forêt ont brûlé. Un chiffre record qui a marqué les imaginaires en quête de représentation de ce qu’est le réchauffement climatique. Les images de montagnes en feu ont circulé sur les écrans, il est même arrivé à certains de voir dans la vraie vie une colonne de fumée s’élever dans l’azur ou des rougeoiements au loin, la nuit. Mais pour les habitants des lieux sinistrés, l’incendie a pénétré dans leur espace vital, dévastant en quelques heures les fondements de leur existence.
Faire corps c'est le récit qu’Anne-Cécile Estève est allé construire avec les habitants des Monts d’Arrée qui, contre toute attente, ont vu leur environnement s’embraser cet été-là, et leur vie basculer dans l’inconnu. Voici des photographies à scruter et des témoignages à lire, pour plonger dans la réalité de ce drame.
FAIRE CORPS
FAIRE CORPS
Face à l'incendie
Face à l'incendie
par Anne-Cécile Estève
Prendre le temps de rencontrer, d’écouter. Arpenter pendant des heures ce territoire jusque-là inconnu, fouler sa terre charbonneuse et me familiariser avec ce paysage désolé. M’imprégner, comprendre, pour raconter au plus juste.
Comment traverse-t-on un incendie ? Comment vit-on l’angoisse de tout perdre ? La peur du danger ? Quel impact et quelles traces tout cela laisse-t-il ?
En écoutant les récits sensibles des habitants.e.s, je découvre d’abord l’expérience physique et sensorielle. L’odeur, la chaleur, le bruit. Les flammes qui hypnotisent. Certains se tétanisent quand d’autres se mettent en action. Certains protègent quand d’autres se protègent. On ne choisit pas. Le feu nous ramène à notre animalité avec notre instinct pour seul guide.
Et puis il y a le vécu collectif. La nécessité d’être ensemble, de n’oublier personne dans le départ précipité, d’aider et prendre soin de l’autre. La mobilisation des paysans et des agriculteurs aux côtés des pompiers, ou l’inverse. La solidarité des habitantes et habitants, restés sur place pour s’assurer que ceux partis lutter contre les flammes ne manquent de rien.
Afin de retranscrire ce traumatisme collectif, il me fallait raconter le feu à travers la relation si particulière que les habitant.e.s entretiennent avec le lieu. Cette appartenance aux monts d’Arrée, je l’ai sentie chez tout le monde. Ce lien, c’est se sentir protégé.e par la montagne autant qu’on veut la protéger. Ce lien, c’est prendre soin de la terre qui nous nourrit, c’est faire partie du vivant. C’est se dire aussi que sans les autres on n’est rien.
C’est la profonde nécessité de Faire Corps.
S'approprier l'histoire collective
S'approprier l'histoire collective
par Catherine Sparta
directrice de l'écomusée des Monts-d’Arrée
Le 18 juillet 2022, un incendie s’est déclaré dans les landes, au pied de la montagne Saint-Michel. Un feu courant, rapide, dévorant, qu’il a été difficile d’éteindre, et d’éteindre à nouveau au mois d’août alors qu’il avait repris. L’incendie a laissé des traces dans le paysage mais aussi, sans doute plus durablement, dans la mémoire des habitant.e.s dont les témoignages procurent un sentiment poignant de perte, de gravité, de compassion pour la nature meurtrie.
Le paysage est le principal témoin des interactions qu’entretiennent l’Homme et son environnement. L’été 2022 a marqué une transformation rapide et historique du paysage des monts d’Arrée. Cela amène nécessairement l’écomusée à proposer des moyens de conserver la mémoire des événements, mais aussi à accompagner les habitant.e.s dans l’appropriation de cette histoire collective.
C’est pour recueillir leurs témoignages et pour offrir un espace d’expression au besoin de raconter qui s’est déclaré chez certains que l’écomusée a invité la photographe Anne-Cécile Estève en résidence. Sa démarche s’inscrit dans une recherche de proximité avec le sujet, son identité artistique rencontre la philosophie de l’écomusée dont l’objet est d’observer le territoire en ce qu’il est habité et vécu. Patiemment, elle a écouté et photographié les habitants volontaires.
Anne-Cécile Estève
Anne-Cécile Estève
Née en 1976, Anne-Cécile Estève découvre la photographie à l’adolescence, en prenant ses amis en photo et en s’initiant à la chambre noire, des heures durant, dans la cave de ses parents. Cette passion ne la quittera plus et, quelques années plus tard, elle décide de se former auprès d’un portraitiste de studio. La vie l’emmène ensuite en Indonésie et son travail s’oriente vers une photo humaniste au service d’organisations de développement et de défense des droits humains. La vidéo vient compléter son savoir-faire, afin de pouvoir raconter autrement. Aujourd’hui, de retour en France, son travail tourne essentiellement autour de femmes et d’hommes au chemin de vie singulier. Elle prend à cœur de montrer leur beauté, et de mettre en valeur leurs fragilités pour en extraire leur force. Finalement, photographier les gens est, pour elle, un travail d’écoute mais avant tout un prétexte à la rencontre humaine.
Avant, pendant, après les incendies
Avant, pendant, après les incendies
OUEST FRANCE >>> Des portraits de plein air, dans des monts d’Arrée (Finistère) meurtris par les incendies de l’été 2022, qui disent le lien puissant qui unit les habitants à leur territoire. Des images qui traduisent les émotions de ceux qui vivent ici et qui ont vu partir en fumée 2200 ha naturels de leur cadre de vie.
OUEST FRANCE >>> Les incendies des monts d’Arrée, dans le Finistère, qui ont ravagé plus de 2 000 hectares de végétation à l’été 2022 se racontent en images. Les clichés montrent tantôt l’impuissance des personnes face à l’immensité des feux, tantôt la force de ces mêmes personnes pour lutter contre.
FRANCE TV >>> Un an après les terribles feux aux monts d'Arrée, les stigmates se font plus discrets et la nature reprend peu à peu ses droits.
LIBÉRATION >>> Les monts d’Arrée, sous des tempêtes de fables. Ici, les montagnes sont nues et les arbres morts. Un paysage mystérieux qui favorise la pérennité des contes et légendes, prétextes à des activités et à des randonnées aux portes de l’enfer.
6 octobre 2023 19:53 - Didier Saint-Marc
Résilience. Merci pour ces témoignages et ces très belles images