Réhabilitation

Certains la considèrent comme une verrue. Pour Bettina Clasen, photographe et réalisatrice, elle est un phare. Dans cette mini-série documentaire, la tour qui fut le siège de la Sécurité Sociale, point culminant de Vannes, est un catalyseur de rencontres. Six épisodes, échos d’une pluralité de voix et originalité du regard de l'artiste, sont autant de fenêtres ouvertes sur un même objet.
En parallèle, Bettina Clasen a réalisé une série photographique qui sera exposée au Kiosque de Vannes à partir du 30 septembre 2021.

(2020 - 4’)

L’appartement d’Yves, comédien, donne sur la tour. Depuis son balcon, il confie ses sentiments mitigés concernant cette verrue architecturale. J’aime bien la tour maintenant qu’elle est vide. Elle pèse son poids de silence.

(2020 - 7’)

Mosaïque de voix faisant entendre l’imaginaire et les fantasmes des riverains. Pour Mauricio, musicien, la tour vide évoque un passé ténébreux. Bettina, réalisatrice de la série, nous présente le contraste entre ses deux balcons, l’un donnant sur la verdure, l’autre sur la tour. Danièle, retraitée, la trouve minable et attend qu’elle soit relookée. Catherine, employée de banque, aime regarder les reflets de lumières que lui renvoie la tour. Raoul, collégien, imagine des zombies en habitants de ce bâtiment postapocalyptique.

(2021 - 7’)

Sur fond d’images de la démolition de l’ancienne cantine de la CPAM, trois hommes parlent de leur lien avec elle. Pour Benoit, ancien cuisinier, elle représente le souvenir de son premier emploi. Yoann, dans le BTP depuis l’âge de 16 ans, explique les enjeux des travaux de démolition. Hervé, réalisateur, est fasciné par les gestes de la pelleteuse, mais aussi par l’image des ruines qui lui font penser à des tableaux.

(2020 - 3’)

Sarah est employée de la CPAM. Elle raconte son souvenir le plus marquant dans la tour : la naissance de bébés goélands qui nichaient devant ses fenêtres au huitième étage.

(2021 - 6’)

Kevin, opérateur et Yannick, chef d’équipe, profitent de la hauteur de la tour pour s’exercer à descendre les 34 mètres à la corde, en vue de pratiquer leur métier de cordistes.

(2021 - 2’)

Cela faisait bien dix ans qu’il n'avait pas neigé à Vannes. Pendant quelques heures, un voile blanc s'est déposé sur les containers bleus du chantier.

Arrivée à Vannes en 2017, je me suis trouvée nez à nez avec la tour CPAM, juste face à mes fenêtres. J’ai alors commencé à photographier l’unique immeuble de grande hauteur (IGH) de la ville, comme pour tenter de l’apprivoiser à travers mon objectif. À l’automne 2018, la Sécurité Sociale quitte les lieux et le bâtiment est racheté par le groupe Giboire. J'ai alors proposé au constructeur de réaliser une série de reportages photographiques à partir du début des travaux de réaménagement, au printemps 2019.

J’ai ainsi pu capter les traces de vie laissées dans la tour et son annexe (une cantine hexagonale) par les précédents usagers. Dans le même temps, j'ai enregistré les témoignages de voisins, riverains, anciens employés de la Sécu et ouvriers du chantier en cours.

Pour les habitants, le chantier représente des désagréments, du bruit, de la poussière. Mais aussi des incertitudes quant à l’avenir du site, du mystère. Qu’est-ce qui se passe derrière les grilles et les palissades ? Dans les coulisses du chantier il y a des hommes, des machines, des protocoles, des techniques, des gestes, ce que d’habitude l’on ne voit pas, que l'on n'entend pas. En montant leurs voix sur mes images photographiques et vidéos, une série de films courts est née, où la tour est un personnage, à la croisée des regards, dans une démarche à la fois documentaire et plasticienne.

À vingt ans, Bettina Clasen quitte Hambourg, son port natal, pour s’installer à Paris et devenir photographe. Sa double culture s’est enrichie de nombreux voyages et reportages, notamment en Afrique. En 2000, elle devient cinéaste et réalise sept documentaires, dont trois pour Arte : Oasis urbaines Paris (2016), Embarcadères (2003) et Carnets de maternité (2001), ainsi que : Dans mon département (Téléssonne/2010), Bisimila Bienvenue (La Locale TV/2007) et La marche des lionnes (TV5/2005).

En 2017, Bettina Clasen s’installe à Vannes où elle réalise des portraits vidéos pour l’exposition La ville en partage à l’Hôtel de Limur en 2018. L’arrivée en Bretagne lui inspire par ailleurs la série en cours, Lightmotiv, un journal breton en lumières. Son projet actuel, Fenêtre(s) sur tour est exposé au Kiosque de Vannes à partir du 30 septembre 2021.