Au coeur du système
En 2015, Mathurin Peschet réalise son documentaire Cousin comme cochon sur la troublante proximité entre l'homme et l'animal, d'autant plus poignante quand on constate de visu ce que le premier fait subir au second.
Lors de son enquête, il a eu l'occasion de rencontrer des personnages, de filmer des situations qui n'ont finalement pas trouvé leur place dans le montage. Il n'empêche que ces témoignages ont une valeur pour ceux qui se questionnent sur le sens de la politique agricole et les alternatives qui se dessinent.
Ne sommes nous pas tous concernés ?
LA FERME BIO DU GORRÉ
LA FERME BIO DU GORRÉ
avec Henri Peuziat (2015 - 15’)
Je voulais montrer l’alternative au cochon industriel. Il y avait Jérôme, jeune éleveur installé en bio à Quimper ou Henri Peuziat et sa famille qui font de la vente directe à Plouhinec. Je savais que je n’aurai probablement pas la place de mettre les deux dans le film, ils racontent un peu la même chose. Mais je n’ai pas réussi à choisir !
Alors on a tourné les deux et le choix s’est fait au montage. Le tournage chez les Peuziat était super mais c’est une histoire à part entière, ça ne collait pas dans la durée pour le montage du documentaire. Réalisateur, ça ressemble un peu au métier de pêcheur parfois : tu ne sais pas ce que tu vas ramener, si ça vaut le coup. Pour le savoir, faut y aller !
JOUR DE COLÈRE AU MARCHÉ AU CADRAN
JOUR DE COLÈRE AU MARCHÉ AU CADRAN
avec Jean-Pierre Joly (2015 - 6’)
Le centre névralgique du cochon breton c’est le marché du porc à Plérin. C’est là que chaque jeudi est fixé aux enchères le prix du cochon pour toute la France. Jean-Pierre Joly, son directeur, m’avait prévenu : ça va être sportif !
En Bretagne, il y a onze groupements d’éleveurs qui représentent 98% des porcs produits : Prestor, Aveltis, Porelia, la Cooperl, ect. De l’autre il y a les acheteurs, ils ne sont plus que huit représentants des abattoirs appartenants à des grands groupes de l’agroalimentaire, comme la Cooperl, Kermené (Leclerc), Bigard, SVA (Intermarché). Depuis le début du tournage, nous étions confrontés à la crise porcine qui durait déjà depuis des mois avec un prix très bas. Ce matin là pour une fois, les éleveurs sont venus en nombre au cadran répondant à l’appel de la FNSEA locale. Juste avant que débute le marché, la colère est palpable…
LE PRIX
LE PRIX
avec Patrick Colleu (2015 - 2’)
Patrick Colleu est éleveur de porc en conventionnel en Centre Bretagne. Il possède une maternité de 500 truies, ce qui est déjà un gros atelier. Plutôt proche de ces cochons, il trouve cependant normal le système concentrationnaire. Aimable, communicatif, franc, il sait défendre son travail et est très fier de son élevage qui représente pour lui l’investissement d’une vie.
Dans une interview, il y a ce que j’aimerais entendre et ce que les gens veulent me dire. Ce n'est pas toujours la même chose ! Ce jour là, je voulais interroger Patrick sur son rapport au cochon. Lui voulait me parler de la crise qu’il traverse et qui dure… Il y a aussi les questions qui viennent après l’interview. Nous sommes dans un nouveau bâtiment d’engraissement que Patrick vient de faire construire. J’aurai bien voulu lui demander pourquoi il continue d’investir en pleine crise porcine. Il y a peut-être une réponse à la fin du documentaire, dite par son père André Colleu, comme une profession de foi : Celui qui cesse d’avancer, il tombe.
LA PERFORMANCE
LA PERFORMANCE
avec Éric Passetemps (2015 - 2’)
Éric Passetemps est le chef d’élevage de Patrick. Il est responsable d’une maternité de 500 truies qui font naitre environ 14 000 porcelets par an. Il a accepté notre présence mais était un peu stressé durant le tournage. Il nous disait souvent d’arrêter la caméra, par exemple pour ne pas filmer une truie malade ou qui avait du mal à avancer. Là c’est la dernière interview qu’on fait avant de partir et Éric se confie un peu plus.
UNE VIOLENCE DISSIMULÉE
UNE VIOLENCE DISSIMULÉE
avec Jocelyne Porcher (2015 - 9)
Avant d’être sociologue, Jocelyne Porcher a été salariée en élevage porcin, ce qui l’a amené à vouloir comprendre et creuser les tenants et aboutissants de l’élevage industriel. Elle est aussi directrice de recherches à l’INRA (Institut national de recherche agronomique) sur la relation entre éleveurs et animaux. Elle a écrit entre autres Une vie de cochon et Cochons d’or, l’industrie porcine en question.
Jocelyne a été très importante pour ce film. Elle a su mettre des mots sur ce que j’avais ressenti en visitant des élevages conventionnels. Avec elle, l’analyse va jusqu’au bout, elle décrypte les relations hommes/ animaux, l’absurdité de ces systèmes industriels, la violence. Pour des raisons personnelles, elle n’a pas pu être disponible au moment du tournage. Dans le film c’est Jérôme Jacob qui porte en partie son discours en expliquant la relation au cochon, qu’on a perdu. Après le montage, je suis quand même allé la voir pour tourner ces quelques images.
Mathurin Peschet
Mathurin Peschet
Originaire de Quimper, formé à l’École Supérieure d’Audiovisuel (ESAV) de Toulouse et aux Ateliers Varan, Mathurin Peschet est un réalisateur finistérien. Il a commencé comme loueur de caméras à Paris avant de devenir chef-monteur, notamment au CNDP à Montrouge pour des films pédagogiques.
Après 13 années passées dans la capitale, il revient en Bretagne avec l'aventure TV Breizh pour une émission musicale puis pour le programme Bretons autour du monde, il passe progressivement derrière la caméra et parfois devant.
D'un sujet dont TV Breizh ne voulait pas, il réalise en 2005 son premier 52 minutes sur un médecin breton installé en Thaïlande qui soigne des patients atteints du VIH : Mo Philip, un médecin à Pattaya.
Installé désormais à Douarnenez, il est l'auteur de documentaires en lien avec les questions environnementales, agricoles et marines : Le parc du bout du monde (2014), Les Huileux (2009), L’enfer vert de bretons (2012), Cousin comme cochon (2015), ainsi que de nombreux sujets de magazines, pour l'émission Littoral de France 3 Bretagne avec dernièrement Des bretons aux secours des migrants, Voyage dans les grottes marines (2018) et Les convoyeurs du vent (2019).
COMMENTAIRES