Amertume

Bateau - Chaluts en péril - Peschet - Banner - hd

Le documentaire Chaluts en péril nous embarque une semaine durant à bord d’un chalutier breton, au rythme d’un équipage qui travaille sans répit à pêcher, trier, étriper les raies, lottes, merlus... qui se trouveront sous peu sur nos étals.
Le réalisateur enquêteur Mathurin Peschet saisit cette vie qui roule et qui tangue, et où les marins alternent entre les moments sur le pont, sous les assauts du vent, et les moments à l’intérieur, l’intérieur où les écrans se sont multipliés : ceux qui assistent le capitaine dans sa navigation, ceux qui le connectent à des réunions de concertation, et ceux qui divertissent lors des rares moments de repos.

Les conversations tournent ici autour des errements de la politique communautaire, qui favorise les gros bateaux au détriment de la pêche artisanale telle qu’elle est pratiquée sous nos yeux, une orientation qui pourrait bien sonner le glas de cette activité qui, toutes unités confondues, cumule les handicaps sur le plan environnemental.

FILM

CHALUTS EN PÉRIL

de Mathurin Peschet (2024 - 26’)

Plongée sans filtre à bord d’un chalutier du Guilvinec, le Magellan. Dix jours rythmés par les remontées de chalut toutes les quatre heures, de jour comme de nuit, suivies du triage, de l'étripage et de la mise en cale du poisson. Dix jours au plus près de ces forçats de la mer et de leurs préoccupations.

Entre plans de casse successifs, crises du gasoil et critiques des ONG environnementales, la pêche au chalut, pierre angulaire des criées bretonnes, vit-elle ses dernières années ?

>>> un film produit par Aligal production

INTENTION

Pour une vision réfléchie

Par Mathurin Peschet

S'ouvrant sur un départ du port du Guilvinec, ce film sera un huis clos à bord du Magellan le temps d'une rotation, jusqu'à son retour pour le débarquement, huit à dix jours plus tard. Cette unité de temps et de lieu sera la colonne vertébrale du récit, vécu au rythme des traits de chaluts, 24 heures sur 24, tout en faisant le portrait des quatre hommes embarqués. Il s'agira d'un face à face avec les marins, avec leurs gestes, leurs attitudes, leurs préoccupations.

Au côté de Sébastien, l'imposant patron, il y a toujours trois hommes à bord et deux hommes en repos à terre. En roulement, il y a Baptiste le jeune second qui remplace parfois le patron, Maurice, dit Momo, un marin du Sénégal, Mickaël, souvent râleur, Guillaume et Christophe, surnommé le vieux. Chaque trait de chalut dure entre quatre et cinq heures et enchaine avec le tri des poissons, le lavage, l'étripage et la mise en cale réfrigérée, de jour comme de nuit. À la cuisine c'est chacun son tour et, nouveauté bien appréciée depuis quelques temps, il y a la 4G en mer grâce au satellite.

La durée du tournage me permettra d’obtenir un lien et une empathie avec l’équipage. Nous ferons connaissance, nous apprendrons à nous faire confiance. J'embarquerai avec mon chef opérateur Nedjma Berder, qui est aussi marin et connait très bien les pêcheurs. Comme nous l'avons déjà pratiqué lors du film Les convoyeurs du Vent, je ferai la prise de son et lui l'image. Concentrés sur ce huis clos, tournant et regardant nos rushes à bord, nous ajusterons progressivement le tournage en insistant plus sur telle ou telle action, tel ou tel personnage ou thème. Si l'occasion se présente nous mettrons la main à la tâche, comme nous l'avions fait également lors de l'embarquement sur le transport à la voile, ceci créant une proximité et facilitant le rapport filmeur-filmé. Au quotidien sur les actions de pêche et la vie à bord, il s'agira de recueillir la beauté crue et la dureté de ce métier très photogénique, très répétitif et laborieux aussi mais où chaque trait de chalut est unique. Pour donner plus de force à l'immersion, il n'y aura pas de commentaire.


Sur le fond, je ne monterai pas à bord comme un candide qui laisserait les choses se faire mais avec une idée précise des thèmes que je veux aborder. Mon intention est de faire le bilan aujourd'hui de la pêche au chalut et particulièrement du chalut de fond. Est-ce une pratique indéfendable écologiquement et condamnée à plus ou moins brève échéance ou au contraire une pêcherie noble qu'il est important de préserver ? Mon opinion oscille entre ces deux extrêmes et, comme souvent, chacun a sa vérité. Je veux faire émerger celle des marins en les confrontant à l'image que leur renvoie la société. Je veux susciter chez eux l'introspection en leur tendant un miroir.

Cette image de la pêche au large est aujourd'hui fortement dégradée. Au sein même de la profession, il se dit que ce modèle très gourmand en gazole n'est plus économiquement viable. Trop énergivore, dépassé face à la crise climatique et aux enjeux de décarbonation. Sur la ressource, les chalutiers sont la bête noire des associations environnementales qui dénoncent la surpêche, la non-sélectivité et les nombreux rejets en mer que ces bateaux occasionnent. Autre critique récurrente, les dégâts que les chaluts occasionneraient en raclant les fonds marins. Certains parlant de bulldozers des mers. Poison pour la biodiversité, Chalut, le grand massacre, les mots des ONG sont durs, sans appels. Plusieurs de ces organisations réclament purement et simplement sa fin. Dans les ports bretons, les plans de sortie de flotte se succèdent et un par un les chalutiers sont envoyés à la casse. Rien qu'en 2022, 26 navires dont beaucoup de grosses unités sont partis définitivement du port du Guilvinec, sans être remplacés. Dans un contexte où la consommation de poisson en France a tendance à baisser, peu à peu, c'est toute une filière qui recule.

Et pourtant, j'ai pu constater auprès des marins que j'ai rencontré que le chalut a encore des arguments à défendre. Cette pêche en haute mer représente, d'après les organisations de producteurs, pas loin de 80 % des apports de poissons dans les criées bretonnes. Sans chaluts, plus de criées préviennent-ils. Tout en rappelant qu'un emploi en mer représente au moins 5 emplois à terre. Autre paradoxe, le poisson est là de retour en quantité, affirment-ils, résultat positif de plus de deux décennies de quotas. Dans le même temps, la pêche au chalut tente de se moderniser, en améliorant la sélectivité de ses filets et en travaillant à des engins moins impactant pour les fonds. Et surtout, les pêcheurs sont loin d'être résignés. Accros, disent-ils à cette vie hors-normes, proche de la nature, à ce métier de tripes et de cœur, à cette magie du chalut qui à chaque fois peut remonter un trésor ! Je veux les faire réagir sur ces grands thèmes qui traversent leur métier. Je pressens que derrière ces enjeux économiques et environnementaux, c'est aussi et surtout la dureté de ce métier extrême qui sera décrite en toile de fond.

BIOGRAPHIE

Mathurin Peschet

Peschet - portrait - Gabarit

Mathurin Peschet est un réalisateur finistérien formé à l’École supérieure d’audiovisuel (ESAV) de Toulouse et aux Ateliers Varan. Il débute professionnellement à Paris comme loueur de caméras, avant de devenir chef monteur, notamment pour le Centre national de documentation pédagogique à Montrouge. Après treize années passées dans la capitale, il revient en Bretagne avec l'aventure TV Breizh pour une émission musicale puis pour le programme Bretons autour du monde. Il passe progressivement derrière la caméra et apparaît parfois devant. Installé désormais à Douarnenez, il est l'auteur de documentaires en lien avec les questions environnementales, agricoles et marines ainsi que de nombreux sujets pour des magazines.

REVUE DU WEB

Les forçats de la mer

FRANCE CULTURE 🎧 (2024-28') >>> Trois histoires de pêche ou quand la mer surprend : une pêche miraculeuse, le soulèvement d’une lame de fond et un moment où la beauté saisissante oblige à tout suspendre

OUEST-FRANCE 📝 (2024) >>> L’analyse du cycle de vie des navires fait partie de l’écosystème de la construction navale

GÉOCONFLUENCES 📝 (2024) >>> Ports de pêche bretons et mondialisation, une adaptation permanente

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    réalisation Mathurin Peschet

    image Nedjma Berder

    son Mathurin Peschet

    montage Katia Manceau

    mixage Tudi Le Nédic

    musique Arthur B. Gilette

    coproduction Aligal production, France 3 Bretagne

    avec le soutien du CNC

    Artistes cités sur cette page

    Peschet - portrait - Gabarit

    Mathurin Peschet

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