Somme toute
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BANDE-ANNONCE
Quidam (2010- 17')
Après avoir été quitté par sa compagne, un homme prend pour habitude de petit-déjeuner dans un café pour fuir sa solitude. Sa rencontre avec Charles, qui le prend pour un autre, lui donne l’occasion de sortir de lui-même, d’endosser une autre personnalité, puis au fil du temps, d’en assumer de multiples. Où cela va-t-il le conduire ?
FESTIVALS
Clermont-Ferrand (programme films en régions)
Travelling
Sup’ de Courts, mention du jury professionnel,
Lille, Courtivore, Toulouse, Corse, prix du public,
Douarnenez, Golden Diana (Autriche),
Vaux-en-Velin, Prix du public,
CinéMA 35, Allevard-Les-Bains
INTENTIONDe l’incommunicabilité
par Gaël Naizet
Quidam trouve son point de départ dans Le scénario d’une nouvelle, concours organisé par le Festival Travelling en 2009. Exercice d’adaptation donc, périlleux, où se mêlent à la fois un sentiment de déférence vis-à-vis de l’œuvre à adapter, et une profonde désinvolture permettant de mieux la plier, la tordre à sa propre vision. Au final, un exercice de trahison respectueuse.
Le désir de participer à ce concours est devenu définitif lorsque j’ai vu que la nouvelle à adapter, Petit Déjeuner santé, était signée Etgar Keret, écrivain dont j’avais lu, et fort apprécié, le roman La Colo de Kneller (Acte Sud, 2001).
Se confronter à l’univers de cet auteur est une occasion qui ne se rate pas, et au pire, trahir quelqu’un que l’on admire est une situation à fort potentiel dramatique !
De drame point, et si trahison il y a eu, elle m’a été profitable puisque j’ai eu la chance d’être retenu comme lauréat. Tout cela n’est pas très moral…
Au delà de l’intérêt pour le concours et l’auteur à adapter, il y a avant tout, le sujet. Ce qui m’intéresse dans cette histoire, c’est ce quiproquo qui va transformer une personne qui, par nature, ne s’exprime pas, en catalyseur pour ceux qui ont quelque chose à dire mais n’ont pas le courage de s’en ouvrir à la personne concernée. Il s’agit donc là de la « grande foire orale à l’incommunicabilité ».
Le premier quiproquo, la rencontre avec Charles, donne à Samuel l’occasion de sortir de lui-même, de devenir quelqu’un d’autre, puis par la suite, de devenir tous les autres, sauf lui-même. Alors il parle.
Samuel devient ainsi, à l’instar de l’écrivain public, une sorte d’interlocuteur public. Au vu du succès de l’entreprise, il pourrait d’ailleurs l’exercer en profession libérale.
L’histoire s’est donc naturellement construite comme une boucle. Sa situation de départ est la conséquence de son silence. Sa situation à l’arrivée est la conséquence de son ouverture aux autres et lui permet de retourner vivre sa propre vie, chez lui.
À première vue, il semblerait que nous soyons dans une fin heureuse, optimiste. Mais je pense que la fin ramène inéluctablement Samuel au début de l’histoire, le plongeant dans une boucle sans fin. Au moment même où cette femme caresse sa joue meurtrie, il ne dit plus un mot. Se lève et rentre chez lui, accompagné. Il redevient lui-même, ce personnage silencieux, et cette femme partira, comme la précédente, et pour les mêmes raisons. Alors il retournera dans cette brasserie, pour se désincarner et interpréter les personnages que les gens projettent sur lui. Mais nous sommes déjà là dans le hors-champ de l’histoire.
BANDE ANNONCELE + PRODUIT (2009-10')
Le cabinet Shapiro recrute. Trente-huit personnes attendent, toutes convoquées à un entretien. Ces candidats ont un fort potentiel. Comment départager ces postulants ?
CARNET DE NOTESÉlucubrations
Voici quelques pages des carnets de notes de Gaël Naizet, fournis à KuB par ses proches. Il avait pour habitude de prendre des notes manuscrites de ses élucubrations, comme il aimait à les appeler. Ici, ce sont ses tâtonnements d'idées liées à son court métrage Le + produit, où l'on découvre des bribes de dialogues. Cette esquisse est encore bien différente de ce que deviendra le produit fini.
BANDE-ANNONCELE SYNDROME DU CARAMBAR (2005–11’ )
À l’occasion de son emménagement, la famille Grall tente vainement de faire entrer un meuble dans l’emplacement qui lui est destiné. Confronté à ce problème de taille Basil Grall fait appel à son architecte. Des mesures s’imposent.
FESTIVALS 2006
Festival européen du film court de Brest
Festival de Douarnenez
Fenêtre sur court, Dijon
INTENTIONDouter de tout
J’ai écrit cette histoire dans le cadre d’un concours de scénarios organisé par Canal +, et dont le thème était : Dix minutes pour refaire le monde. J’ai pensé que Dieu a mis sept jours pour créer le monde et que Canal + nous demandait de le faire en dix minutes. Tout est réduit aujourd’hui, même le temps de travail ! J’ai 33 ans, je fais partie de cette génération dite sacrifiée (c’est tellement agréable de se sentir dans un groupe ! ). Je fais donc comme toute le monde, j’écoute et regarde les nouvelles, enregistre des vérités toutes faites, suis tenté de jeter mon téléviseur par la fenêtre, me ravise car il n’est pas fini de payer, le rallume et m’assois dans le canapé.
Évidemment, à force de vouloir nous faire croire qu’on ne doit douter de rien, on finit par douter de tout.
Alors dix minutes pour refaire le monde, c’est déjà ça de pris.
Ne disposant pas de suffisamment de temps pour évoquer la bourse qui est l’un des piliers de notre société, j’ai donc choisi le système métrique. Le mètre se convertit en tout, y compris en temps, j’ai donc su très tôt quelle longueur de mètres j’allais pouvoir traiter dans les dix minutes qui étaient imparties. La conversion de la bourse en temps est plus difficile, même si on dit que le temps c’est de l’argent.
Je suis une véritable calamité en mathématiques et en géométrie, je n’ai donc aucun scrupule à m’offrir la désinvolture d’émettre des doutes en la matière. Le système métrique est le catalyseur parfait pour symboliser cette sale impression de se faire rouler un peu plus tous les jours. À l’heure où l’industrie textile révise ses tailles après nous avoir fait payer cher une mode mini, à nous d’être de mauvaise foi ! Après tout, Mitterrand ayant lui même requalifiée la décentralisation de recentralisation, tout le monde s’est engouffré dans le processus. Le processus de la substitution des termes et celui de l’inversement. Vous vous réveillez un matin et on ne dit plus bombardements, mais frappes chirurgicales, c’est soigné. On ne dit plus la population civile victime des évènements, mais dommages collatéraux, ce sont des éclaboussures du dommage qui se sont étalées un peu autour. C’est arrivé subrepticement, mais le phénomène s’est propagé partout : dans les journaux télévisés, radiophoniques, la presse quotidienne, le contrat d’assurance ou l’étiquette de la boîte de boulettes pour chiens.
Le processus de l’inversement est tout aussi amusant. Vous ne voulez pas que les informations que vous remplissez sur un dépliant figurent dans des listes de mailing ? La CNIL vous offre la case à cocher en bas, à gauche du feuillet. Vous ne voulez pas que votre numéro de téléphone s’inscrive sur le combiné de votre correspondant ? Faites en la demande, ce service est payant. L’adultère et l’anonymat ne sont plus envisageables pour les ignorants ou pour les pauvres ! Nous avons tous les jours cette merveilleuse foire à la bonne nouvelle. Bonne nouvelle, désormais vous recevrez votre carnet de chèques directement chez vous par courrier, ce service vous sera facturé 1€. Si vous préférez continuer à retirer votre chéquier au guichet, faites-en la demande auprès de notre service commercial. Sur combien de laxistes comptent-ils pour diminuer leurs frais de gestion de comptes tout en nous facturant les prestations au même prix ? Je suis un bon client.
Depuis quelques mois, ce n’est plus le harceleur qui doit prouver que ses agissements ne relèvent pas du harcèlement, mais le harcelé qui doit en démontrer la preuve.
Vive, vive le processus de l’inversement, tous en selle pour le grand manège ! Non, ce n’est pas les bouches des enfants qui se sont agrandies, ce sont les Carambar qui ont rétrécis.
Non, Monsieur le Trésorier Général, je n’ai pas reçu ma redevance audiovisuelle, il fallait me l’envoyer par Recommandé, ma bonne foi est indéniable.
Le nouveau défi en matière de jeux vidéos, c’est l’immersion totale. Si les scientifiques étaient moins immergés dans leurs recherches, ils se seraient aperçus que le défi est déjà gagné et qu’ils sont coiffés au poteau. Les scientifiques veulent rendre le monde virtuel réel, ceux qui nous dirigent sont parvenus à rendre le monde réel virtuel. Des mots qui se substituent les uns aux autres, des débats superficiels, une information où le maître mot est la synthèse. Des personnages qui doivent effectuer des démarches pour préserver leur intégrité en tant qu’individu… Et dire que mes propos laissent à penser que je hisse la trilogie Matrix au rang du film d’auteur à caractère militant ! Si ce n’est pas malheureux !
Et si, pour une fois, quelque chose de fondamental s’écroulait, après tout, qui vole un œuf vole un bœuf, encore une phrase bien étrange… Néanmoins, puisque nous sommes confrontés à des petits mensonges qui se voient, pourquoi n’y en aurait-il pas de plus grands ? Avec un peu de mauvaise foi tout est possible : et si on nous avait discrètement subtilisé un jour de la semaine sans que personne ne s’en aperçoive ? Et si on nous avait rétréci la longueur du mètre ? Voilà ce que permet la fiction, voilà ce que je veux y raconter, dans un monde comme le nôtre, c’est presque un documentaire.
BANDE-ANNONCECOMPTES POUR ENFANT (2003-15')
Quel est le lien entre Dudule le chat, les boîtes de conserve sans étiquette et le vase de chez Meuh ? Les 18 ans de Pitou.
Chez les Grall, lors des soirées d'anniversaire, on passe les plats, mais jamais l'éponge. Une leçon de choses comme dit son père.
FESTIVALS 2004
Festival Espoirs, Mulhouse
Festival du film court, Lille
Mamers en Mars, Le Mans
Les Toutes Premières Fois, Grasse
CinéM.A. 35 en Fête, Ille-et-Vilaine
Festival du film francophone de Namur
Rencontres européennes du court, Metz
Festival du film court, Brest
Festival de Sarlat
Fenêtre sur Courts, Dijon
INTENTIONDécalage
par Gaël Naizet
Je suis le dernier d’une famille de quatre enfants. Dix ans me séparent de mon frère, troisième de la famille. Comme mes deux sœurs, celui-ci s’est assumé financièrement dès l’âge de 18 ans, tandis que je suis resté à charge de mes parents jusqu’à 26 ans. Tout est affaire d’époque, de contexte, de décalage.
J’ai maintenant 32 ans, et je suis récemment passé du statut de fils à celui de père. Tous ces éléments et évènements, qui ont nourri ma réflexion, m’ont certainement amené à écrire cette histoire dont le maître mot est le décalage. Mes parents appartiennent à une génération qui a été mise au travail dès l’âge de 13 ans. Lorsque je revêtais un chagrin d’occasion pour obtenir un cadeau, ils ne manquaient pas de me le rappeler, tout en cédant.
Lorsqu’une personne nous informe qu’elle a accouché sans péridurale, nos sentiments oscillent entre la crainte du masochisme et l’admiration pour un retour aux vraies valeurs.
Les parents de Pitou et Audette fonctionnent sur un sentiment de valeurs, de formation de l’individu, et ce n’est certainement que parce qu’ils sont antimilitaristes d’occasion, et à cause de la réforme du ministère concerné, qu’ils n’envoient pas leur fils en Volontariat Service Long. Mais Basile et Marylène fonctionnent aussi sur la frustration : Pitou a appris le piano à la demande de Basile qui, lui même, avait dû y renoncer parce qu’il avait de trop gros doigts. Audette, quant à elle, a certainement suivi des cours d’arts plastiques parce que sa mère en fût dispensée très tôt pour cause d’allergie à la gouache. Tout est question d’époque, Basile et Marylène, bien qu’ils se sentent résolument modernes et ancrés dans le présent, ont un faible pour l’entretien de la nostalgie et sont grands fans des films d’Hervé Baslé. Ils ont fait des études, jusqu’à l’âge de 23 ans, à la charge de leurs parents. Ils auraient tellement aimé vivre cette grande aventure de la vraie vie qu’ils sont décidés à éviter cette frustration, pourtant inexistante, à leurs enfants, et qu’ils pourront surtout annihiler les leurs par procuration.
Dans cette histoire, mon désir est de ne pas tomber dans le conflit. Cette histoire est parsemée d’éléments perturbateurs, déclencheurs, qui ne déclenchent rien, et je veux exploiter ce décalage existant entre l’incongruité de la situation et l’absence de réaction.
C’est une belle soirée pour ces personnages : c’est un moment important et émouvant pour les parents, c’est le couronnement de l’éducation qu’ils ont donné à leurs enfants, et le début d’une aventure qu’ils n’ont pas vécu. C’est un grand bol d’adrénaline pour Pitou, et une bonne partie de rigolade pour Audette, qui lui permet, de plus, de savoir de quoi le proche avenir sera fait.
Tout se passe comme prévu ce soir là, les parents ont préparé deux menus : celui du repas et plus généralement celui de la soirée. Les cadeaux arrivent à un moment déterminé d’avance, on boit l’apéritif au salon, puis on passe à la cuisine pour manger. Rien n’est laissé au hasard. Tout se passera comme prévu, le repas sera parfait et les cadeaux appréciés. Il n’y aura ni conflit, ni rancune.
Je souhaite susciter un sentiment de frustration chez le spectateur qui n’aura aucune possibilité de se raccrocher à un personnage illustrant son opinion.
En m’appuyant sur les ficelles du langage cinématographique, je veux créer une montée de tension dans la structure du film, dans sa forme, sans qu’elle existe dans le scénario, sur le fond. Cette tension s’appuiera sur la lumière, le cadrage, la musique et le montage qui fonctionneront de concert sur un dispositif d’accélération de séquences en séquences. Cet autre décalage entre le fond et la forme ayant pour objectif, là encore, de perturber la perception du spectateur.
BIOGRAPHIEGAËL NAIZET
Gaël Naizet travaille sur les dialogues de Comptes pour enfants ©Carine UrbanBriochin d’origine, Gaël Naizet s'est passionné très tôt pour le cinéma, s'est formé à cet art à l'université Paris VIII. Un travail de fin d'études avec l'universitaire Jean-Pierre Berthomé, sur cent ans de création cinématographique en Bretagne (1995), l'a mis en relation avec la Cinémathèque de Bretagne. Il y a été recruté en 1998, à Brest, pour y devenir adjoint de direction auprès de Gilbert Le Traon. Dès lors, il a mis à profit son amour pour le 7e art en se consacrant aux images des autres, tout en créant les siennes dans lesquelles il a développé un ton original lié à une écriture soignée et à un univers très personnel.
Lauréat du concours Estran 2003 avec Tous comptes faits, un court métrage plein d'humour, Gaël Naizet compte à son actif six films tournés pour l'essentiel à Brest et ses environs : Comptes pour enfant (2003), Le syndrome du carambar (2005), Le + produit (2008) , Quidam (2010) adapté d'une nouvelle de l'écrivain israélien Etgar Keret et Duels (2012). Projetés dans des festivals en France et à l'étranger (Montréal, Namur), et diffusés à la télévision, ses travaux lui ont valu des récompenses : prix France 2, lauréat du concours Travelling Jérusalem...
Début juillet 2017, Gaël Naizet est terrassé par un cancer à l’âge de 46 ans.
SUR LE WEBTémoignages
FILMS EN BRETAGNE >>> Mickaël Ragot, Julie Henry, Pierre Vivet, Sonia Larue, Olivier Broudeur, Adeline Le Dantec, Michel Guilloux… Les professionnels qui ont connu et accompagné Gaël Naizet se souviennent.
29 août 2022 10:49 - Anne Boissel
Superbe humour décapant !
11 février 2021 12:06 - Julie
Excellent "Quidam" !! Bernard Mazzinghi est épatant.
30 janvier 2019 18:50 - Frederic
C'est précis, réjouissant, une véritable science de l'illogique. Le format court convient parfaitement, des histoires construites et jouées pour durer longtemps dans nos esprits. Bravo à tous les intervenants sur ces films, Gaël Naizet en tête. Qui pour prendre la relève?
14 octobre 2018 13:28 - Prual
Gaël était bien plus que ça , son Œuvre n est quelque part qu'une synthese de sa vie , courte comme ses cour métrages, mais il avait un cœur énorme et à aidé tellement de gens dans sa vie, moi le premier , qu il faut s en souvenir longtemps et pour longtemps encore