Le grand BaZH.art #26
L'HÔTEL À PROJETS PASTEUR
L'HÔTEL À PROJETS PASTEUR
par Antoine Tracou
En ne lui donnant aucune vocation, on va permettre une plus grande liberté d’usage. Sophie Ricard, assistante à la maitrise d'ouvrage pour la rénovation de l'Hôtel Pasteur.
C’est l’histoire d’un bâtiment dont la ville de Rennes ne savait que faire : l’Hôtel Pasteur, un paquebot de pierre posé au pied de la Vilaine, devenu lieu atypique où architecture raisonnée et résidences d’artistes se côtoient pour le bonheur des curieux.
Ce bâtiment s'inscrit dans le style néo-classique typique de Rennes dans son rôle de capitale régionale administrative. La préfecture, la justice, l'enseignement, les beaux-arts... toutes les grandes institutions ont leur bâtiment historique. L'Hôtel Pasteur était la fac dentaire, il a vu défiler des générations de futurs dentistes.
Depuis quelques années, Pasteur est devenu un lieu partagé entre artistes, travailleurs sociaux et SDF, associations, collectifs improvisés, événements éphémères, sans exclusives et surtout pas bobo. Son quotidien tient de la ruche et d'un mouvement aléatoire bien organisé. À la frange de l'institutionnel et de l'autogestion, Pasteur ressemble à un squat artistique mais ne l'est pas. C'est un lieu où la culture se décline sous ses formes les plus conviviales, celles des surprises et des rencontres inattendues.
Ce bâtiment dont la ville de Rennes ne savait que faire occupe aujourd'hui une place unique dans la ville, incarne une mutation possible, une utopie en marche.
L’avenir de l’ancienne fac dentaire est longtemps resté flou. En 2012, le projet de l'Université foraine porté par la municipalité désigne Patrick Bouchain, architecte, pour trouver un avenir à cet édifice. Il imagine déjà les potentiels de ce bâtiment sur le mode de ses interventions comme celui de la Condition publique à Roubaix en 2003. Rennes est-elle prête à s'ouvrir à une expérience de ce type ? Avec le changement d'équipe municipale l'Université foraine fait long feu et se dissout en partie dans le projet actuel de l’Hôtel Pasteur.
Confirmé il y a un an par Nathalie Appéré, maire de Rennes, Pasteur abritera aussi une école primaire dès la rentrée 2019. Avec le lancement d’une première vague de travaux dans des espaces inoccupés. La maire confirme également l'intégration de l’Hôtel à projets, souhaitant des passerelles avec l'école primaire, avec la vie du quartier et les multiples activités qui s'y déroulent déjà. Ce projet innovant et cet espace atypique poursuivent le travail engagé par Patrick Bouchain. Il est aujourd'hui porté avec talent et enthousiasme par Sophie Ricard, pour un budget global de rénovation de 10 M€, une somme modique en regard de la taille du bâtiment.
L'approche architecturale de la rénovation de Pasteur recycle plutôt qu'elle ne remplace, mutualise les espaces et les usages plutôt qu'elle ne les sépare. Ainsi j'y ai croisé récemment un architecte stagiaire, archi-heureux de répertorier tout ce qui peut encore servir, poignées de portes, luminaires, sols, éviers, urinoirs et qui me montre un catalogue de dessins de ces objets. L'anti catalogue Ikea.
Au détour d'une visite, j'ai aussi rencontré un cultivateur de champignons qui prône l'agriculture urbaine. Il a installé dans une pièce sombre et chauffée une champignonnière qui produit 100 kilos de Shiitaké par mois. Un champignon plein de vitamines, à intégrer dans les menus de la future école primaire.
FRANÇOIS SEIGNEUR, PARTITIONS POUR NUIT BLANCHE
FRANÇOIS SEIGNEUR, PARTITIONS POUR NUIT BLANCHE
par Martine Gonthié
Installé à Hédé où il termine les travaux de sa maison et cultive son potager, François Seigneur est un hyperactif placide, qui ne peut s’empêcher d’être multitâche. Au gré de ses humeurs, il passe du piano à la binette aussi bien que du pinceau à la scie circulaire avec toujours en tête un projet d’architecture ou une installation à réaliser.
Mon père était pianiste, hors de question pour moi de ne pas jouer, que ce soit bien ou mal, trop vite ou parfois trop lentement, avec affectation les jours de cafard ou avec entrain le reste du temps, le même morceau envoyait toutes sortes de couleurs. Plasticien, j’ai voulu tenter en peinture un processus identique à celui de la musique. Composer, interpréter et faire interpréter par d’autres une peinture écrite comme peut l’être une partition musicale.
Dans mes partitions, les notes et les rythmes sont des graphismes et des couleurs.
Les harmonies sont leurs superpositions. Je donne le modèle du signe à interpréter en indiquant les matériaux, leur intensité et leur rythme alors que le tempo d’exécution reste libre. À l’opposé de la musique pour laquelle il est inimaginable d’écouter simultanément plusieurs versions, les interprétations de peinture se laissent voir toutes ensemble.
Ce film est l’occasion de rendre compte d’un processus créatif pour le moins atypique. Aucune compétence particulière des exécutants n’est requise. Constituée par la juxtaposition des différentes interprétations, des œuvres entonnement identiques et disparates formeront finalement un tout.
François Seigneur, biographie
Né en 1942, après une formation d’ébéniste à l’École Boulle puis aux Arts Décoratifs de Paris, François Seigneur, intègre l’agence d’architecture de Claude Parent et Paul Virilio comme dessinateur des rendus de projet. Là, il rencontre Jean Nouvel et en 1970, ils créent l’agence Nouvel/Seigneur. Suivent quelques maisons farfelues, la reconstruction avec des copains d’un village des Cévennes et la traite d’un troupeau de chèvre. En parallèle, il continue la peinture et poursuit son travail sur la couleur et le monochrome. C’est ainsi qu’il est amené à dessiner le pavillon de la France pour l’Exposition universelle de Séville. Une structure légère et aérienne, un carré bleu sur fond bleu, la couleur du ciel andalou. Ainsi, il tente symboliquement d’organiser la disparition de la France dans cette manifestation emblématique.
JEAN LUC LE MOUNIER, FABRICANT D'ART
JEAN LUC LE MOUNIER, FABRICANT D'ART
par Christophe Rey
Jean-Luc Le Mounier est un créateur de meubles d’art contemporains installé sur les bords de Rance près de Dinard. Les meubles de JLLM ne sont pas à vendre dans les magasins. Ce sont des sculptures de bois précieux et de bronze inspirés des rêveries d’un amoureux de la nature et du détail.
Après huit ans d’apprentissage en ébénisterie d’art chez les Compagnons du Tour de France, JLLM a collaboré pendant plusieurs années avec la célèbre designer Maria Pergay pour laquelle il réalisait le mobilier. Cette rencontre lui donne l’ambition de se consacrer exclusivement à la production de ses propres créations, car pour JLLM le meuble est une sculpture à part entière.
Entre temps Jean-Luc a rencontré Rozenn, une bretonne comme lui, qui travaille dans le textile à Strasbourg. Tous deux décident de revenir vivre en Bretagne pour y fonder une famille et concrétiser le rêve de Jean-Luc : créer son propre atelier. JLLM doit dans un premier temps affiner son style, créer des pièces dont il soit fier, et accéder à ce monde très fermé des décorateurs et collectionneurs d’art. Ses pièces, souvent imposantes, sont à l’univers du meuble ce que la haute couture est au prêt-à-porter, la marque de l’excellence.
Quand on parle de mobilier d’art, les gens ont dans la tête une commode Louis XIII, mais aujourd'hui c'est surtout de la création. Si JLLM préfère ne pas aborder la question du prix de ses œuvres, il évite aussi de répondre aux questions du public sur leur raison d’être : Je n’ai pas envie d’intellectualiser ce que je fais. Je fais du beau pour le beau.
Si ses références artistiques, et notamment son intérêt pour Soulages, l’amènent à traiter les différentes matières et lumières du noir, c’est dans la nature, dans les détails de son environnement, que JLLM trouve son inspiration. Ce peut être les brises lames de St Malo pour ce meuble prévu pour recevoir un service à Cognac. Ou encore un tronc d’arbre dont il a moulé l’écorce, un mur à New York, du bois calciné ou un ponton sur un lac...
Si le chemin pour y arriver fut long et difficile, les meubles de JLLM font aujourd’hui l'objet d'expositions organisées dans des galeries à Paris, Londres, Monaco, Los Angeles et Bruxelles, et présentés sur de grands salons d'art et de design comme le PAD à Paris.
Son atelier a également été récompensé en 2017 par l'obtention du Label Entreprise du Patrimoine Vivant, décerné par le Ministère de l'Économie et des Finances aux meilleures entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux d’excellence.
Au début de l’année 2018, il démarre sa collaboration avec le très reconnu Todd Merrill Studio à New York, et une série de salons de design internationaux dont le prestigieux Design Miami Basel qui se tiendra en Suisse au mois de juin.
Après quinze ans de recherche et d’obstination, Jean-Luc a atteint son idéal : Garder assez d'argent pour financer l'œuvre suivante, et pour vivre, mais surtout rester habiter ici. Je ne partirai pour rien au monde. Le tour des remparts de St Malo, je ne me lasserai jamais.
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