Le grand BaZH.art #31
STÉPHANE GRANGIER
STÉPHANE GRANGIER
par Damien Stein
Une ville se matérialise par sa Mairie, ses fonctionnaires, ses commerces, ses habitants… et probablement ses artistes.
Une ville naît aussi de la volonté de personnes qui se regroupent autour d'un projet commun, celui de vivre en société, celui de vivre ensemble. L'espace public apparaît dès lors comme l'élément symbolique primordial de la fondation de la ville ; ainsi sa constante réappropriation, particulièrement par les artistes, est une des bases de son renouveau.
Les artistes font une topographie de la ville, parfois invisible, toujours essentielle. Comment se rappellerait-on de Paris sans les descriptions d’un Victor Hugo ou le spleen contemporain d’un Michel Houellebecq ? Stéphane Grangier a fait de Rennes (et de la Bretagne) un personnage privilégié de ses romans.
Dans Fioul, son roman sorti en 2018, ses personnages évoluent dans des rues bien connues des Rennais. Il a par exemple jeté un cadavre dans la Vilaine depuis le pont du boulevard d’Armorique, à cinq minutes à pied de chez moi. Depuis cette lecture, et chaque fois que je traverse ce pont, je pense aux passants qui ont vu le corps emballé flotter à la surface.
De même, lors d’une course-poursuite en voiture dans le quartier de la gare, je revois systématiquement passer la R5 du personnage principal, en trombe, tâchant de fuir un danger tentaculaire : une branche de la mafia rennaise.
Évidemment ces histoires ne sont que fictions, mais elles donnent un corps à la ville. Un corps chimérique, factice, mais pas moins réel dans l’imaginaire des lecteurs.
Grangier fabrique de la légende.
Son premier roman, Hollywood – Plomodiern, raconte avec humour et second degré la descente aux enfers d’un clochard et une vedette du Stade Rennais. Il en ressort de nombreux portraits, plus encore de descriptions de lieux, des routes départementales, des PMU, des bords de mer… La rencontre littérature / réalité a une valeur anthropologique et questionne la perception de chacun face à des lieux.
J'ai voulu, avec ce court métrage, replacer les écrits de Stéphane Grangier en images et en sons. Un portrait de l’écrivain avec en filigrane le portrait fantasmé de la ville.
ROLLAND ALIMA
ROLLAND ALIMA
par François Langlais
Rolland Alima est danseur et chorégraphe né au Cameroun. Après avoir dansé à travers le monde avec différents collectifs dont le Sn9per Crew, en 2018 il crée à Rennes la compagnie Palette pour mettre en scène ses propres créations. Il envisage la danse comme un moyen de raconter et de questionner le monde dans lequel nous vivons, de parler de celles et ceux laissés pour compte dans notre société et ainsi, de créer des ponts, d'ouvrir des portes et parfois des yeux par le prisme du corps en mouvement. Si le spectateur sort d'une de ses pièces en se posant des questions, pour lui c'est gagné.
Avec Honte : le point de non-retour, il met en scène le parcours semé d’embûches d’exilés qu'il a rencontrés au cours de ses voyages, sous la forme d'un duo de danseurs avec son compatriote Seth Ngaba.
Alima nous raconte une facette méconnue, parfois tragique, de la vie de ceux que les médias appellent les migrants : ce point de non-retour où certaines personnes ne peuvent plus rentrer dans leur pays d'origine, car cette possibilité est hypothéquée par l'attente d'un retour glorieux, accompagné d'argent et d'une bonne situation qui ne sont jamais venus, mais que leur proche restés au pays continuent à attendre d'eux. Certains allant jusqu'à se donner la mort, quelques semaines avant leur rapatriement forcé par les autorités des pays qui les accueillent.
À travers la chorégraphie, Alima fait ce que je souhaite faire avec le film documentaire : témoigner depuis l'espace du sensible des réalités sociales et politiques complexes, parfois tragiques, qui nous entourent. Je l'ai suivi afin d'appréhender son processus créatif et narratif. Pour comprendre comment depuis les témoignages de ces vies bouleversées, il raconte une histoire au public à travers le travail scénique et l'agencement dans l'espace des corps en mouvement.
LE COOTA
LE COOTA
par Nina Montagné
J’habite à Plouharnel, dans le Morbihan. Durant l’année, pour sortir et écouter de la musique, les offres sont rares, voire inexistantes. Hormis un bar ou deux à Auray, il faut souvent aller à Lorient, voir encore plus loin pour pouvoir assister à un simple concert.
C’est sans compter le café-concert Le Coota ! Depuis 2008, à Erdeven au bord de l’océan, il existe un îlot magique de culture et de musique, dans une petite zone commerciale, sorte de no man's land de vieux motel perdu, devant une aire de jeux pour enfants, deux boutiques fermées et une pizzeria ouverte seulement l’été.
Sur ce parking sans charme ni attrait, près de la plage de Kerhilio, se trouve ce lieu de vie conçu par Sam, un ancien des Vieilles Charrues, arrivé là par hasard, pour assouvir sa passion du kite.
Onze ans plus tard, c’est un véritable succès. Des concerts toute l’année, trois fois par semaine en hiver, cinq fois par semaine en été, mais aussi des cours de salsa, des scènes ouvertes, des jams sessions et un bar toujours plein à craquer. Des artistes du monde entier, des stars internationales, une programmation éclectique d’une incroyable qualité, et... toujours gratuite ! Habitués un peu fêlés, locaux conquis, touristes curieux et mélomanes de toute la Bretagne... on se presse et l’on vient de plus en plus loin pour assister aux concerts de ce lieu qui devient mythique.
J’y suis allée de nombreuses fois car j’ai la chance d’habiter à cinq minutes en vélo, et à chaque fois je me demande comment Sam arrive à tenir la cadence. Comment réussir à faire venir autant de monde, autant d’artistes d’aussi grande qualité dans son petit bar perdu ? Comment arrive-t-il à faire venir autant de clients, toutes les semaines, toute l’année, même au cœur de l’hiver, dans cette zone commerciale glauque au fin fond d’Erdeven ? Et surtout comment arrive-t-il à tenir financièrement en ne faisant que des concerts gratuits parfois avec une dizaine de musiciens sur scène venus de l’autre bout du monde ?
Je n’ai toujours pas compris. Ce qui est certain, c’est que sa passion et son travail intenses, lui ont créé un réseau et un carnet d’adresses très importants. Et que tous ceux qui viennent une fois au Coota, artiste ou public, y reviennent toujours. Comme Sam le définit lui même, Le Coota : c’est une sorte de marmite dans laquelle on mijote en permanence des expériences de vie poussées par l’envie de nouvelles rencontres. C’est un lieu d’échange et de partage, d’écoute et de respect, d’humour et de découverte, bref un de ces lieux dont on a tant besoin pour continuer à vivre les uns avec les autres.
L'INDÉSIRABLE
L'INDÉSIRABLE
L'indésirable de Louis Guilloux, aux Éditions Gallimard
Un extrait lu par Philippe Languille, à retrouver sur la page Littérature de KuB.
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