L'amour sans paroles
HARMONIES
HARMONIES
d’Eurydice Calméjane (2015 - 21’)
Laura, chanteuse lyrique, a perdu sa voix. Elle rencontre Lorenzo, un comédien sourd qui s’exprime en langue des signes.
>>> un film produit par Lucie Portehaut et Sandrine Pillon des Fées Productions
S’exprimer autrement
S’exprimer autrement
par Eurydice Calméjane
Harmonies est avant tout une histoire d’amour, celle de deux personnes qui sont en apparence des contraires. L’une est figée quand l’autre est souple et mobile, l’un est sourd quand l’autre a l’oreille musicienne, l’une a été obligée d’abandonner la scène, tandis que l’autre s’y exprime avec aisance. La surdité de Lorenzo n’est donc pas envisagée comme un handicap mais comme une autre façon d’être au monde et de communiquer. Une altérité qui offre à Laura la possibilité de s’exprimer autrement qu’avec la parole et de décaler son regard sur le monde. Parler avec des gestes, c’est une façon de mobiliser autrement son corps, ses souvenirs, ses émotions. Les mots ne peuvent plus servir d’écran fourre-tout. Il faut retrouver leur sens, et l’essence même de ce que l’on veut dire. Il faut investir son corps.
Ce déplacement du langage produit en même temps un déplacement du corps et de la pensée. Bref, un déplacement de l’être qui permet à Laura d’envisager de reprendre le dialogue avec le monde qui l’entoure, de renouer avec elle-même et finalement de retrouver sa voix.
Harmonies est donc une histoire d’amour sans mots. Mais sans mots ne veut pas dire sans dialogue. Même s’ils ne sont pas sous la forme parlée classique, il y a bien dans cette histoire des dialogues, et même des monologues, en langue des signes, en mime, ou bien dans un mélange des deux. Il faut d’ailleurs bien faire la distinction entre la langue des signes française (LSF), qui est une langue à part entière, subtile et complexe, avec une structure grammaticale élaborée, et le mime qui est une forme d’expression instinctive et innée.
Pour rendre compte de ces dialogues gestuels, il m’était cependant impossible de décrire de façon systématique les gestes utilisés. J’ai donc fait le choix de livrer dans le scénario les grandes lignes de ce que les personnages se disent, en donnant parfois quelques aperçus des gestes qu’ils utilisent, afin de donner des pistes visuelles aux comédiens.
Par ailleurs, j’ai décidé qu’aucun de ces échanges gestuels ne serait sous-titré. En effet, il me semblait nécessaire que l’attention du spectateur soit complètement focalisée sur le visage et le corps des personnages sans que des écritures ne détournent son regard. L’absence de sous-titrage permet de placer le spectateur dans la même position que Laura et Lorenzo. Pour que lui aussi décale son mode de compréhension. Qu’il soit attentif à l’énergie des corps, aux métaphores, aux échanges d’émotions. Qu’il s’installe dans cette bulle de concentration toute particulière que produisent les échanges gestuels. Les regards ne peuvent pas fuir, l’esprit ne peut pas divaguer, l’entendement est totalement mobilisé. Pour autant, j’ai eu soin de faire en sorte que les éléments narratifs nécessaires à la compréhension du fil de l’histoire soient le plus clair possible. Pour le monologue de Lorenzo en LSF dans la scène de la rencontre, il est évident qu’un spectateur ignorant de la LSF ne peut pas saisir avec précision le fond de ce qui est dit. Mais parce que la langue des signes utilise de nombreux signes iconiques, issus du mime, et parce qu’elle s’appuie sur une grande expressivité du visage, il peut néanmoins saisir des bribes, des indices, et reconstituer les grandes lignes de ce qui est dit. En tous les cas, il peut percevoir les émotions qui sont exprimées. En effet, lors de mes différentes rencontres avec des personnes sourdes, et avec la langue des signes, j’ai été étonnée de l’aisance avec laquelle certains sourds se font comprendre. Ils utilisent des signes iconiques très lisibles qu’ils agrandissent et accompagnent d’expressions du visage.
Au final, pour chaque individu, les perceptions, les sensibilités et le rapport au monde sont uniques. L’enjeu de la communication est donc de transcender ces différences, pour se comprendre et peut-être s’aimer.
Eurydice Calméjane
Eurydice Calméjane
Eurydice Calméjane est née à Paris en 1977 et vit aujourd’hui à Nantes. Elle partage son temps entre la réalisation, la production, l’accompagnement d’auteur.e.s et l’implication au sein d’associations promouvant le cinéma en région. En 2015, après plusieurs années comme chargée puis administratrice de production, elle réalise Harmonies, son premier court métrage de fiction, qui connaît de nombreuses sélections en festivals. Puis elle coproduit en 2020 Les graines que l’on sème avec le réalisateur Nathan Nicholovitch, et achève l’année suivante son second court métrage de fiction, Anna la bonne.
Développer la LSF
Développer la LSF
LE FIGARO >>> Brigitte Garcia, professeure à l’université Paris 8 et spécialiste de la langue des signes explique pourquoi ce langage visuel et gestuel constitue une grande richesse linguistique.
LIBÉRATION >>> Les classes mixtes, qui mêlent les enfants entendants et sourds, se raréfient.
FRANCE INFO >>> L’accès aux médias et à l’information est parfois le parcours du combattant pour les personnes sourdes, qui dénoncent les traductions de mauvaise qualité et la LSF qui peine à s’imposer à la télévision.
LIBÉRATION >>> Les chansigneurs se battent pour développer leur pratique, et ainsi rendre accessible les lieux de spectacle aux sourds. Le défi pour ces interprètes d'un genre un peu particulier est de faire accepter le chansigne comme une véritable performance auprès de l'industrie de la musique et du public.
11 décembre 2023 21:11 - Blanpain Jean-Pierre
il y a plus de 10 ans j'ai vu en concert RoseMary Standley avec son groupe Moriarty. C'était au Palais Idéal du Facteur Cheval, dans la Drome. Quelle déception! On aurait dit qu'elle faisait la gueule. Tout au long du spectacle. Après, nous avons causé quelques minutes, mais elle était limite sympa. Alors que j'aimais son boulot. Et là, dans ce court métrage, elle est rayonnante. Elle est remonté dans mon hit parade.