Émancipation
Avec À l’horizon, Lauriane Lagarde passe subrepticement du documentaire à la fiction, avec un certain bonheur. Creusant son sillon dans la cité HLM et sa population multiculturelle, elle fait vivre sous nos yeux Camille, une ado délaissée, en grand besoin d’émancipation. La réalisatrice, consciente de ce qui se passe dans les interstices non dialogués de son film, laisse vivre ses actrices, ne cherchant pas à les contraindre dans des stéréotypes.
Le résultat vaut le détour, pour cette respiration, cette attention aux êtres, à la lumière, pour cette subtile éclosion de la féminité. Elle choisit en outre une fin heureuse, ouvrant un horizon à son héroïne, une échappée belle, un brin transgressive, qui lui permettra de fissurer son carcan et de passer un cap.
À L'HORIZON
À L'HORIZON
de Lauriane Lagarde (2016)
Camille a dix-sept ans aujourd’hui. Elle s’ennuie dans le petit appartement de cité qu’elle partage avec sa mère. En attendant un signe de son père, Camille rêve de repousser les murs de sa chambre.
>>> un film produit par Thomas Guentch, Les films de l’Heure Bleue et Films en Bretagne
Camille libérée
Camille libérée
par Lauriane Lagarde
Comment mettre son corps en mouvement lorsqu’on ne peut pas l’assumer ? Comment repousser les murs qui nous étouffent lorsqu’on se sent sans arrêt acculé ? Comment briser la solitude infinie que l’on subit mais dans laquelle on se cache aussi ? Ce sont ces contradictions typiques de l'adolescence qu’incarne Camille.
Adulte, j’ai vécu quelques années près de la dalle Kennedy, dans la périphérie de Rennes. Je l’ai parcourue de nombreuses fois et je l’ai filmée sous toutes les coutures durant les tâtonnements qui ont donné lieu à mon premier film documentaire. Depuis que j’en suis partie, je rêve de me nourrir de son architecture pour y tourner une fiction.
L’enceinte de ces barres HLM qui délimitent un espace clos, figure l’horizon de Camille, un avenir bouché. J’ai joué avec les lignes verticales, les perspectives et leur absence, des cadres dans le cadre et des plans serrés, à l’image de l’enfermement de Camille. J’ai imaginé la révolte qui gronde à l’intérieur de cette adolescente qui rêve de s’évader vers un ailleurs chimérique.
Je vois en Camille une jeune femme qui cherche à dompter son corps, à dissimuler ses formes aux regards des autres, malgré son impétueux besoin de vibrer et de se libérer. Sa volonté d’effacer en elle toute trace de féminité est soulignée par la place des hommes dans sa vie. L’absence d’un père et la distance avec la bande de breakeurs vient contrebalancer leur omniprésence dans l’esprit de Camille ainsi que dans celui de sa copine Inès. Ce manque de référent masculin rend ainsi compte de l’ambivalence de Camille. Son souhait le plus profond est de combler ce vide en se rapprochant de ces hommes et, en même temps, elle cherche à se protéger de cette attirance de plus en plus ardente.
Dans ce film de femmes dans un univers d’hommes, la passion dévorante de Camille pour le hip hop sera une échappatoire, pour l’emporter au-delà des murs et de ses propres limites.
Lauriane Lagarde
Lauriane Lagarde
Lauriane Lagarde est née en 1981 à Toulouse et réside à Rennes depuis 2007.
Après une formation universitaire en Économie Sociale et Solidaire, elle s'oriente vers la réalisation et obtient en 2007 un Master de Réalisation de Documentaire de Création à Angoulême. Elle participe au tournage de plusieurs documentaires et téléfilms en tant qu'opératrice son et réalise des captations.
Elle réalise son premier film Sur la dalle en 2010. Trois ans plus tard, elle réalise Madeleine (mon Amérique à moi) produit par Agane Productions et TLT. En 2015 elle obtient la Bourse Brouillon d’un rêve de la SCAM et réalise À part entière, un documentaire produit par Gilles Padovani (.Mille et Une. Films), avant de tourner À l'horizon, sa première fiction.
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