MISTERIUM & Co
La grâce et le burlesque
Isabel Pérez del Pulgar est une artiste andalouse venue s’installer en Bretagne en 2015. Régulièrement programmée dans des festivals internationaux de Vidéo Art (Madrid, Toulouse, Rome…) elle explore des univers poétiques, oniriques, intimistes, plastiques, sensuels, picturaux et musicaux, avec un art consommé du temps, du mouvement, de la répétition.
KuB vous invite à découvrir un monde fascinant, des vidéos sans textes ni paroles, où rien n’est commun. Images picturales et graphiques (ça sent le crayon, l’encre, la pellicule), qui usent de peu de couleur, jouent de cadres dans le cadre, de surimpressions. Le son entrelace des musiques et des ambiances qui contribuent au récit presqu’autant que l’image. Quant au corps visible, il est féminin, chorégraphié, mêlant grâce et burlesque. Une présence d’autant plus guettée qu’elle est évanescente, disparaissant ici pour réapparaître là.
Une fresque continue
Une fresque continue
par Isabel Pérez del Pulgar
Mon évolution créative a été un long parcours, depuis les débuts, avec une formation à la peinture classique, jusqu’à l’adoption de la performance et de la vidéo comme langages d’expression, sans pour autant abandonner les disciplines classiques. Mes vidéos sont conçues comme une fresque continue, avec des séries et des projets autonomes. Sur le plan conceptuel, c’est un parcours intérieur marqué par l’expérience de vie même. Une recherche de savoir de l’un à l’autre avec la volonté d’enquêter sur la nature humaine et plus particulièrement féminine. Selon une vision des réalités fracturées comme un miroir brisé dans lequel se reflète une image subjective. Subjectivité dépendante de la perception individuelle, de la nature fragile et éphémère de la structure organique qui assemble le corps et la communication établie de manière directe avec la conscience. Le corps soumis à des tensions contradictoires tiraillées entre une réalité qui le construit comme élément productif et consumériste, et la conscience même, et la croyance de ce qu’est être un être humain lié à un environnement. L’idée d’identité, l’idée du miroir comme métaphore de cette dualité et éternelle interrogation. La conscience et la connaissance, tant consciente qu’inconsciente, de la finitude, de la décadence.
Quatre vidéos de la plasticienne
Quatre vidéos de la plasticienne
L'objet et sa forme
L'objet et sa forme
par Simone Dompeyre
Simone Dompeyre est directrice des Rencontres Traverse Vidéo
La performeuse en robe-chemise courte, loin d’un costume de travail en usine ou à la maison, y tient un cor, elle le manipule, s’en coiffe ou souffle dans son embouchure sans en tirer un son. Elle expérimente l’objet et sa forme. Elle opère, de même, une investigation des objets de la salle de la maison ; parfois simplement, remplir d’eau un gobelet d’étain comme la carafe, et boire, parfois sans plus d’étonnement marqué, se coiffer ou tâcher d’enfiler un grand abat-jour, parfois chercher à atteindre celui accroché au plafond avec une pince se terminant par une main. Le glissement vers le non-sens gagne l’aménagement ; certains meubles se doublent en symétrie ; la femme peut y être assise et se doubler aussi.
Le temps reste arrêté à 6 heures de la pendule mais la femme fait du temps, puisqu’elle agit et s’agite, tout en refusant la distinction du dedans et du dehors : elle se cache derrière le rideau de part et d‘autre de la fenêtre et cela, parfois simultanément. De même, elle avait rejoint cette pièce en surimpression, spectrale avant de prendre une corporéité machine avant celle sur cet espace de paroles incompréhensibles.
Le cor est instrument pour cette défiguration volontaire de la femme telle qu’on la voudrait ; en revanche, elle lutte pour ôter une cagoule imposée par étape jusqu’à la couvrir de même qu’une longue chasuble qui emprisonne le corps. Elle penche sa tête, la forçant de ses mains, elle la remue encore s’aidant de ses mains ; de dos et de face parfois totalement enfermée. Suffoquant, elle parvient à ôter ce carcan, elle respire sous des accords distincts de guitare se différenciant de la sonorité constante... un chat surgit sans autre justification, sans mouvement d’elle.
Festivals & expos
- Festival de cine Al Este. Sección Experimenta – Museo del Banco Central de Reserva. Lima (Perú)
- Festival internacional de video-arte Centro de Artes de Vanguardia La Neomudéjar, Madrid, Spain
- 21es Rencontres Traverse Vidéo, Toulouse
- Muestra de arte digital audiovisual - international acontemporary audio-visual & new media art festival - Madrid
META_W
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par Simone Dompeyre
Du film, l’effet pellicule, des amorces réitérées parfois sur le plan et le recours au footage, fragments de danse gogo de 1955, de striptease de même époque, de jeune étudiante en uniforme sportif prête à être pom-pom girls, ou de cours de bienséance. Le fonds Prelinger fait, simultanément, preuve des codes de beauté, de socialité et de prises de vue.
Du burlesque, l’effet pianistique avec point à point ou circularité du même accord ; le petit choc sonore précis repris... Du burlesque, le corps qui se détache du lieu, comme le ferait une silhouette sur fond noir afin de rendre lisible les mouvements de corps.
La performeuse accepte une telle gestuelle insolite car exagérée mais fortement codée et démonstrative. Son burlesque n’est pas vain, il attaque l’imposition des rôles.
Elle ne l’adopte pas sans distanciation, pas de costume sexué plutôt celui du mime au visage blanc et collant noir. On se souvient que les films comiques où les femmes avaient un rôle – jamais vraiment le beau- engageaient des hommes pour courir, faire tomber le chariot du vendeur de légumes, se crêper le chignon quand s’attaquait l’image de la femme députée.
La performeuse minaude, s’amuse de ses bras, se penche regardant son entre-jambes, glousse, recommence. Assise sur les degrés d’une rue en escalier, elle mime la petite fille craintive ou faisant la timorée en écho à la succession de plans de fillettes dont la mimique souriante ou la moue plus rétive en creux invitent à imaginer le hors champ régisseur et cause de celles-là.
Son corps est évidemment celui d’une adulte, qui contrefait l’enfant. Boltanski avait adopté cette inversion de l’adulte faisant l’enfant, renversant la fonction sociale d’apprentissage de tels jeux chez l’enfant, son portrait de l’artiste en clown, conjugue en formes courtes, très minimalistes, des actions dérisoires ; mais il y insufflait la hantise de la mort. Il le reconnaît “Les Saynètes comiques étaient plutôt un travail sur le tragique. Je ne faisais pas cela pour faire rire, c’était une œuvre sur la condition humaine.”
Le texte intégral de Simone Dompeyre
Festivals & expos
- 21es Rencontres Traverse Vidéo, Cinémathèque de Toulouse
- Festival internacional de video-arte Art House. Centro de Artes de Vanguardia La Neomudéjar, Madrid
- Retransmision - festival de cine itinerante de cine y video, Mexique
ISABEL PEREZ DEL PULGAR
ISABEL PEREZ DEL PULGAR
Née à Grenade (Espagne), Isabel Pérez del Pulgar vit et travaille en Bretagne depuis 2015. Diplômée d’une licence en Histoire et Géographie avec spécialisation en Art de l’Université de Grenade. Elle y a suivi des cours sur la théorie de la couleur, la peinture, le dessin et les techniques de gravures à l’École d’art de Grenade, ainsi que des cours sur le dessin et l’art numérique. Au milieu de la décennie 2000, elle adopte la vidéo comme mode de création et d’expression. La vidéo comme moyen plastique où se rejoignent le mouvement, le son et la vision picturale. Son œuvre dans les domaines de la peinture, de la photographie et surtout ses courts métrages ont fait l’objet de nombreuses expositions internationales.
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