Vivre ensemble
Philippe Baron a de la suite dans les idées. Sa filmographie comptait déjà plusieurs incursions dans la vie de (son) quartier d’une part et dans l’histoire des religions d’autre part. Alors quand en 2015, il apprend qu’une mosquée va se construire près de chez lui, il saisit l’occasion pour s’inviter dans le processus de construction de ce projet. Un projet lancé dans une période tendue, au lendemain des attentats de 2015-2016, un projet financièrement contraint du fait de sa déconnexion de tout financement étranger.
La mosquée de mon voisin montre qu’un lieu de culte peut aussi être un lieu de culture et par conséquent de lien social. Ce qui se joue ici, dans une coopération entre humains sans distinction de croyances ou d’origines, permet de reconstruire du vivre ensemble à un endroit où il a été mis à mal. En ce sens le travail de Baron est louable, parce qu’aux clichés il oppose une réalité palpable.
LA MOSQUÉE DE MON VOISIN
LA MOSQUÉE DE MON VOISIN
de Philippe Baron (2020 - 67’)
Intrigué par le projet de construction d'une mosquée près de chez lui, à Rennes, Philippe Baron décide d'aller à la rencontre de ses voisins musulmans. Hassan, Idriss et les autres défendent un islam autonome et ouvert. Ils sont confrontés aux difficultés d’un financement indépendant, au conservatisme de leur communauté, aux réticences du voisinage. Des premiers plans à la première prière, pendant les trois ans que dure le chantier, il découvre la middle-class française musulmane.
>>> un film produit par Jean François Le Corre et Sabine Jaffrennou, Vivement Lundi !
Découverte mutuelle
Découverte mutuelle
par Philippe Baron
L’envie de ce film naît quand un ami architecte, Mickael Tanguy, me raconte qu’il travaille sur un projet de mosquée, à Rennes, non loin de là où j’habite. On est fin 2015, dans un climat tendu par les attentats de Charlie et du Bataclan. Je réalise que je ne connais rien à l’islam dans ma ville et je dois avouer que j’ai de l’appréhension à aller parler avec un musulman pratiquant. Mais c’est l’occasion de la surmonter.
Je fais donc la connaissance de Hassan, Driss, Kallid et les autres membres d'Avenir, une association socio-culturelle musulmane rennaise. Ils ont entre 40 et 50 ans, sont éducateur, assistant social, conducteur de bus, médecin... Je découvre des musulmans ordinaires, comme on en entend rarement parler dans les médias.
Plusieurs se connaissent depuis l’enfance et partagent l’envie de prolonger leurs activités associatives par l’ouverture d’un lieu de culte qui soit ouvert, à la fois mosquée et lieu associatif. Entre eux et moi, le courant passe et ils sont d’accord pour que je suive leur projet, caméra au poing. Cette aventure va s’étaler sur quatre ans ! Au fil des mois et des années, une relation se tisse. L’un m’emmène dans la mosquée de son enfance, me fait rencontrer ses aînés, ouvriers du bâtiment arrivés en Bretagne dans les années 60-70. Avec un autre, nous nous découvrons une passion commune pour la peinture. J’accompagne les différentes étapes du projet. Ils me font partager leurs difficultés quant à son financement, aux autorisations, au poids des traditions et des conservatismes ; nous échangeons sur les dangers du salafisme, du repli communautaire, le statut de l’imam, la place des femmes. Je découvre leur pratique de l’islam au quotidien.
Finalement, j’ai filmé de l’intérieur l’histoire de leur centre islamique, de sa conception à son ouverture, mais je crois que dans ce film, cette histoire de construction n’aura été qu’un prétexte à une rencontre entre voisins et une découverte mutuelle.
Philippe Baron
Philippe Baron
Historien de formation, Philippe Baron réalise des documentaires depuis le début des années 90 en abordant des sujets historiques ou des faits de société, au gré de sa curiosité. Dans La mosquée de mon voisin on retrouve les préoccupations qui accompagnent le réalisateur depuis son premier film, Babelville (1993), dans lequel il filme ses voisins, dans le quartier multiculturel de Belleville. Dans Chaque jour pour Sarajevo (1994), il aborde la cohabitation inter-religieuse à travers le quotidien dramatique d’une ville en guerre. Rue des mésanges (2002) raconte l’histoire de la rue où il a grandi.
Les questions religieuses reviennent régulièrement dans son travail : Les trois curés de Chauvigny (1998) suit le quotidien de trois prêtres, Un village sans dimanche (2012) l’affrontement entre cléricaux et laïcs dans la Bretagne d’après-guerre, et Première Passion (2010) l’épopée du premier long métrage consacré à la vie du Christ.
Rencontrer l’islam
Rencontrer l’islam
UNIDIVERS >>> Entretien avec Philippe Baron : Je me suis laissé guider par le titre du projet que j’ai trouvé assez tôt. La mosquée de mon voisin signifie aller les voir en tant que voisin et non en tant que journaliste d’investigation.
MAGAZIN >>> La communauté musulmane peine à réunir les fonds nécessaires à la réalisation de lieux de cultes. Il n’y a pas assez de mosquées en France et les salles de prières de fortune, limitées en places, ne satisfont plus les musulmans. La construction de lieux culte est donc devenue un besoin crucial.
L’OUEST EN MÉMOIRE >>> En 1985, inauguration du Centre culturel islamique à Rennes.
FRANCE BLEU >>> Une dizaine d'inscriptions islamophobes ont été découvertes sur les murs et les vitres du centre culturel islamique de Rennes. Ces tags apparaissent à deux jours du début du ramadan.
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