Vocation
Esthéticienne ? Un métier de pouf. C’est en connaissance de cause que Marjorie a choisi sa nouvelle formation, après avoir tâté de différents jobs mais surtout après avoir perdu son frère. Il ne s’agissait donc pas d’entrer dans un moule, mais bien de se mettre en harmonie avec elle-même, d’exprimer un talent qu’elle avait en elle. Exit donc l’idée d’impressionner la galerie par le biais du maquillage, place aux soins de bien-être, se faire belle en étant soi-même.
Sous le regard empathique de Lara Laigneau, Marjorie manipule les mains, les avant-bras, le visage de femmes avec qui elle converse. Ces relations tactiles filmées avec attention sont le cœur du film, avec dans le récit une progression qui va du cycle de formation à l’accomplissement de soi car, en prenant soin des autres, Marjorie se fait aussi du bien à elle, tout en se construisant.
Le Choix de Marjorie parle également de ce qu’est un parcours d’insertion professionnelle en alternance, un parcours sur le fil dont elle se sort grâce à sa maturité et une belle personnalité.
LE CHOIX DE MARJORIE
LE CHOIX DE MARJORIE
de Lara Laigneau (2019 - 52’)
À la suite d’un drame familial, Marjorie, 30 ans, cherche à se reconstruire. Elle entame une reconversion vers le métier d’esthéticienne. Au fil de son apprentissage et des soins qu’elle donne, elle interroge la place et l’impact du travail dans sa vie.
>>> un film produit par Adeline Le Dantec, Les 48° Rugissants, et .Mille et une. Films
Un rêve d’enfance
Un rêve d’enfance
par Lara Laigneau
Au tout début de ce projet, il y a un besoin de comprendre la relation particulière que l’on peut entretenir avec le travail. Ma curiosité m’a d’abord amenée à filmer un vieil homme dont la vie avait été marquée par de multiples reconversions professionnelles. De ce parcours, il gardait une amertume et un désenchantement face à l’avenir. Dans cette phase d’expérimentation, et face à cette personne abîmée par la vie, je décidai deux choses : mon film parlerait de ma génération, et il serait teinté d’espoir. C’est à ce moment-là que je rencontre Marjorie, en pleine reconversion professionnelle. Lors de notre première discussion, trois heures ne suffisent pas à Marjorie pour me résumer les trente premières années de sa vie. Elle me parle avec enthousiasme de ses multiples études, de ses voyages, de ses nombreux petits boulots. Ce rapport au travail m’interpelle, car les gens de ma génération semblent plutôt préoccupés par leur avenir professionnel, et les études qui y préparent.
Marjorie, elle, passe d’une licence info-com à six mois au sein d’une communauté Emmaüs dans le sud de la France, suivis d’un master en relations interculturelles et coopération internationale, et d’un stage de fin d'études au service culturel de l'Alliance française de Kuala Lumpur. Grâce à sa détermination et à une curiosité féroce pour de nouveaux horizons, ses parents l’ont soutenue, malgré le grand écart que cela pouvait représenter avec leur milieu populaire où l’apprentissage d’un métier est primordial. L’insouciance et la légèreté semblent guider sa vie jusqu'au drame de février 2015, lorsque son jeune frère décède brutalement. Six mois plus tard, lors d'un atelier créatif entre amies, les rêves d'enfance remontent à la surface. Dont le sien, celui qu'elle a toujours enfoui et jamais vraiment assumé : être esthéticienne. L'image que je me faisais de ce métier se limitait à l'épilation et à l'application de crèmes pour rajeunir la peau. J’avais du mal à imaginer comment cette jeune femme si créative, spontanée et naturelle pouvait trouver sa place dans ce métier. Marjorie m'a ensuite invitée à une de ses séances de soin du corps à domicile, et j’ai décidé de la filmer. Cette expérience a bousculé mon regard. Par sa bienveillance et son écoute, Marjorie offrait à une très vieille dame un véritable moment de douceur et de confidence. Mue par une fibre sociale, elle m'est apparue comme une militante, à sa manière.
Avec ce film, j'ai souhaité me positionner en complice discrète d'une transformation. Marjorie a une vision de ce métier qui va complètement à l'encontre de l'école d'esthétique où elle se forme. En effet, les protocoles de maquillages y sont aussi pointus que ceux qui concernent l’épilation, l’attention portée aux modèles se résume à déterminer la nature de leur peau, et les machines de soins à vapeur et à gaz ont quasiment remplacé les massages à mains nues que Marjorie affectionne le plus. C'est ce décalage entre sa manière à elle et la rigueur du protocole de soin qu'il m'intéressait de révéler durant sa phase d’apprentissage. Pour moi, son entêtement est un acte de rébellion en douceur contre un monde qui privilégie l'uniformité au détriment de la singularité du travailleur. Ce qui la motive, ce n'est pas de rendre les gens plus beaux mais bien de leur apporter ce qui peut leur manquer : de l’attention, de la bienveillance, et du réconfort. Il me semble qu'en prenant soin des autres de cette façon la jeune femme prend aussi soin d'elle-même.
Lara Laigneau
Lara Laigneau
D’abord projectionniste, Lara Laigneau se forme ensuite aux techniques de l’image dans une école de cinéma en Belgique (IAD). Elle se passionne pour la prise de vue réelle et réalise Saïd en 2014, un court métrage de fin d’études sélectionné dans plusieurs festivals. En parallèle, elle travaille comme chef-opératrice sur des documentaires. Le Choix de Marjorie est son premier documentaire professionnel.
Reconversion professionnelle
Reconversion professionnelle
RADIO FRANCE >>> Avec la crise sanitaire, le nombre de Français et Françaises en reconversion professionnelle a explosé. Retour sur le phénomène, et les motivations qui poussent ces Français à se reconvertir.
LIBÉRATION >>> Fromager, éleveur ou ébéniste : de plus en plus de CSP+ quittent leurs fonctions pour un métier manuel ou artisanal. Un virage qui ne se fait pas sans difficultés.
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15 juin 2023 13:26 - Muriel
Magnifique documentaire, du point de vue du montage et du contenu. j'ai 34 ans et je suis concernée par cette réflexion autour du rapport au travail, je souhaite un bel avenir pro à Marjorie.
14 juin 2023 09:09 - François
Être "touché -e-s",toucher, se laisser toucher,dans tous les sens de ce terme....suppose de s'ebrouer de ces carcans culturels, éducatifs,
... là où les femmes ont cette possibilité sans arrière-pensée, nous les hommes avons recours aux armes pour "toucher" l'Autre...