Ultime traversée
Basé à Trédarzec (Côtes-d'Armor) et produit par JPL à Rennes, Jean-François Laguionie est, à 83 ans, un cinéaste d’animation de premier plan. Le documentariste Pierre-François Lebrun le rencontre alors qu’il achève son film ultime, Slocum, un long métrage qui s’inspire directement de son enfance. Le Marin imaginaire restitue la sensibilité de l’artiste au travail, la finesse de son propos et de son trait, il entre aussi dans la fabrique du film en train de se faire, avec l’équipe chargée de passer des esquisses du maître à l’animation 2D. Voici donc résumée l’histoire d’une vie consacrée au dessin (animé), un dessin qui restitue la fascination qu’exerce la haute mer sur son auteur, une haute mer qu’il n’a exploré que par l’imagination, mu par la crainte qu’elle lui a toujours inspirée.
LE MARIN IMAGINAIRE
LE MARIN IMAGINAIRE
de Pierre-François Lebrun (2022 - 26’)
Depuis plusieurs mois, Jean-François Laguionie, le réalisateur du bouleversant Louise en Hiver, prépare un nouveau long métrage d'animation avec comme toile de fond ses souvenirs d'enfance. Le film s'intitule Slocum et raconte l'histoire de François, un enfant rêveur et solitaire dont le père décide un jour de construire, dans le jardin familial, une réplique du voilier de Joshua Slocum, le premier navigateur à avoir réalisé le tour du monde en solitaire. Cette nouvelle aventure cinématographique est l'occasion de partir à la rencontre d'un créateur qui, depuis sa plus tendre enfance a toujours eu la mer comme source d'inspiration.
>>> un film produit par France 3 Bretagne et JPL Films
Chercher la mer
Chercher la mer
Par Adélaïde Castier
Comment est né ce désir de film avec le cinéaste d’animation Jean-François Laguionie ?
Pierre-François Lebrun : Je connaissais le travail de Jean-François Laguionie, surtout après son dernier film Louise en Hiver qui m’avait beaucoup touché. Il existe déjà un film portrait consacré au cinéaste. Mais je trouvais intéressant d’aller fouiller dans ce rapport que le réalisateur semble avoir avec la mer. Jean-François Laguionie est quelqu’un de discret. C’est un monsieur qui travaille en solitaire dans sa maison à Trédarzec, en face de Tréguier dans les Côtes-d’Armor. Il a fallu le convaincre de se confier sur son parcours et sur le travail qu’il était en train de réaliser avec ce film en grande partie autobiographique consacré à son enfance et au navigateur Slocum.
Cet aspect autobiographique dans le prochain film de Jean-François Laguionie était pour vous l’occasion idéale de suivre le cinéaste ?
PFL : Je pense que Jean-François Laguionie avait ce projet en tête depuis longtemps. Il a imaginé ce petit garçon fasciné par les bateaux, qui n’est autre que lui, et le personnage de Slocum pour raconter en grande partie sa propre histoire. Son jeune héros vit sur les bords de la Marne, là où lui-même a grandi. À l’âge de 11 ou 12 ans, Jean-François Laguionie avait une carte d’abonnement de transport qui lui permettait d’aller au musée de la Marine à Paris quasiment tous les dimanches. Là-bas, il dessinait des bateaux. Ça a été ses premiers sujets. Son univers était déjà très centré sur la mer. Avec mon film documentaire Le Marin imaginaire, c’est comme si j’avais pu ouvrir une malle où, ensemble, on allait fouiller des choses de son enfance et remonter le fil pour mieux percevoir tous ce qui le lie à la mer. Et, finalement, il y a beaucoup d’éléments qui le prédestinaient sans doute à chercher la mer toute sa vie.
Comment s’est passé le tournage du documentaire Le marin imaginaire ?
Le tournage s’est étalé sur plusieurs mois. À 83 ans, Jean-François travaille toujours beaucoup, à son rythme. Il me consacrait alors trois jours par mois. On avait des rendez-vous espacés qui me permettait à la fois de suivre la création de son film Slocum mais aussi, en parallèle, de progresser dans le déroulé de sa vie lors de nos entretiens. Je lui disais : Aujourd’hui on va parler de ton premier court métrage. Et il racontait… C’était très intéressant ce parallèle.
Y a-t-il des ressemblances entre le personnage de Slocum et le cinéaste Jean-François Laguionie ?
PFL : Oui, je me suis aperçu de cela. J’ai lu le journal de Slocum et je me suis moi-même passionné pour ce marin atypique. On imagine très bien le personnage, un capitaine de marine à voile poussé à la retraite avec l’arrivée des machines à vapeur dans le commerce maritime international. Il subit ce choc comme plein d’autres marins. Un peu aigri, il décide en solitaire de retaper un bateau pour traverser l’Atlantique et, finalement, il part faire le tour du monde. Le journal raconte les événements, les attaques de pirates, les tempêtes… avec beaucoup de dérision. Il y a une sorte de flegme américain assez marrant. En lisant ce journal, j’ai compris la manière avec laquelle Jean-François Laguionie a pu s’attacher à ce personnage, comme lui-même appréhende la vie, sans pathos. J’ai vu aussi ce processus qu’il a de continuer à s’accrocher à son crayon comme Slocum pouvait s’accrocher à la marine à voile. C’est sûr qu’il y a quelque chose comme ça.
L'entretien est à retrouver sur le site de France 3 Bretagne.
Pierre-François Lebrun
Pierre-François Lebrun
Après des études de cinéma à Paris 3, Pierre-François Lebrun travaille comme scénariste pour la télévision puis comme assistant-réalisateur. En 1993, il passe à la réalisation avec un court métrage de fiction, Les morts ont des oreilles, remarqué dans de nombreux festivals internationaux. Il réalise ensuite une quinzaine de documentaires pour les chaînes du service public autour de l'histoire. Les sujets de société l’intéressent également, comme en témoigne son documentaire Du cœur au ventre sur le restaurant social de Nantes, et Feuilles libres sur la prison des femmes de Rennes.
En mai 2020, après deux mois de confinement, il parcourt seul la Bretagne à la rencontre de responsables de lieux culturels et de festivals et réalise en quelques semaines À guichets fermés. Il vit actuellement près de Rennes et a collaboré avec le Musée de Bretagne pour la réalisation de l’exposition Face au mur.
Jean-François Laguionie
Jean-François Laguionie
Jean-François Laguionie est un auteur et réalisateur de films d’animation né à Besançon en 1939. Il vit maintenant depuis une vingtaine d’années à Trédarzec, dans les Côtes-d’Armor. Jean-François Laguionie se passionne très tôt pour l’animation grâce à sa rencontre avec Paul Grimault, dont il devient l’élève. En 1978, il réalise La traversée de l’Atlantique à la rame, pour lequel il reçoit une Palme d’or et un César. Auteur de nombreux romans, il les adapte souvent à l’écran et réalise ainsi plus d’une dizaine de films d’animation, dont L’Île de Black Mór et Louise en hiver, sorti en 2016. Il s’essaye également à l’animation pour la télévision, en tant que directeur artistique, producteur et chef décorateur. Son prochain film d’animation, Slocum, sortira en 2023.
L’orfèvre du cinéma d’animation
L’orfèvre du cinéma d’animation
LE FIGARO >>> Lors du festival d’Annecy, en 2019, le réalisateur Jean-François Laguionie a reçu un Cristal d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
FRANCE CULTURE >>> Rencontre avec Jean-François Laguionie, pour discuter de son sixième long métrage, Le Voyage du prince.
LE MONDE >>> Avec Le Tableau, Jean-François Laguionie signe un film dont le charme repose sur l'onirisme, pas sur la technique. Sans 3D, il nous fait voyager dans l’univers des habitants d’une peinture, où la fonction de chacun dépend de son degré d'achèvement.
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