Best-seller mystère
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Le Mystère Henri Pick se passe en Bretagne, le récit est porté par deux acteurs intenses, deux caractères forts du cinéma français : Fabrice Luchini et Camille Cottin ; la mise en scène est signée Rémi Bezançon, un cinéaste qui nous avait ému avec Le Premier Jour du reste de ta vie, voici les raisons pour lesquelles nous parlons de ce film, dans lequel il semblerait qu'on passe de bons moments, que l'on se prend au jeu de l'enquête menée par Luchini qui joue ici un rôle d'animateur télé (!?!), oui mais d'un magazine littéraire.
LE MYSTÈRE HENRI PICK
LE MYSTÈRE HENRI PICK
un film de Rémy Bezançon (2019 - 101')
Dans une étrange bibliothèque au fin fond du Finistère, une jeune éditrice découvre un manuscrit extraordinaire qu’elle décide aussitôt de publier. Le roman devient un best-seller. Mais son auteur, Henri Pick, un pizzaïolo breton décédé deux ans plus tôt, n’aurait selon sa veuve, jamais écrit autre chose que ses listes de courses. Persuadé qu’il s’agit d’une imposture, un célèbre critique littéraire décide de mener l’enquête, avec l’aide inattendue de la fille de l’énigmatique Henri Pick.
un film produit par >>> Isabelle Grellat, Éric Altmayer, Nicolas Altmayer, Mandarin films production
Jouer avec les codes du polar
Jouer avec les codes du polar
avec Rémi Bezançon et Vanessa Portal
C’est la deuxième fois que vous adaptez un roman. Pourquoi celui-ci en particulier ?
Rémi Bezançon : Le principe de l’enquête littéraire m’a intéressé, un genre hybride assez inattendu. Et puis après quatre films plutôt introspectifs, j’avais envie de changer d’univers. Dès que j’ai refermé le livre de David Foenkinos, je l’ai fait lire à Vanessa, avec qui j’écris mes scénarios.
Vanessa Portal : J’ai tout de suite aimé cette idée très visuelle de bibliothèque des livres refusés, ce refuge pour les manuscrits dont les éditeurs n’ont pas voulu, hommage à Richard Brautigan, un auteur que j’adore.
Quel axe avez-vous choisi pour l’adaptation ?
R. B. : Si on avait adapté le roman tel quel, avec ses nombreux protagonistes, cela aurait donné un film choral. On a préféré se concentrer sur l’un des personnages, celui du critique littéraire Jean-Michel Rouche qu’interprète Fabrice Luchini. Dans le livre, il n’apparaît qu’à la moitié du récit. On a voulu en faire le personnage principal et que ce soit lui qui mène l’enquête. C’est une variation de la même histoire, un autre point de vue.
V. P. : Un des ressorts comiques du film tient au fait que ce personnage n’est pas un enquêteur professionnel. Ce qui l’amène à être la plupart du temps à côté de la plaque. Il soupçonne tout le monde et pour étayer ses soupçons, il invente à chacun des motifs qui n’ont rien à voir avec la réalité.
R. B. : Oui, il se raconte des histoires en permanence, cette imposture littéraire fait galoper son imagination. C’est une forme de mise en abîme de la fiction.
Quels défis avez-vous dû relever ?
V. P. : Principalement celui de l’enquête, justement. Les mécanismes du suspense sont complexes à appréhender. Mais jouer avec les codes du polar nous semblait d’autant plus ludique qu’il n’y a dans cette histoire ni cadavre ni flic. C’est un whodunit, où l’on ne cherche pas qui a tué mais qui a écrit ?
R. B. : Au début, l’enquête n’était qu’un MacGuffin pour nous, comme chez Hitchcock – on voit d’ailleurs un extrait des 39 Marches dans le film – ou comme dans Meurtre mystérieux à Manhattan de Woody Allen, ce n’était qu’un prétexte pour faire évoluer notre duo de détectives. D’autant plus jubilatoire qu’ils sont de parfaits amateurs qui passent leur temps à se contredire.
Mais un MacGuffin ne représente rien normalement, il n’a aucune valeur symbolique. Or dans le film, l’enjeu est un livre...
R. B. : Oui c’est vrai, un livre est un objet autrement plus signifiant qu’un microfilm ou une valise de billets. Il nous a permis d’évoquer directement notre thème principal, l’inconstante frontière entre fiction et réalité.
V. P. : Ce qui nous importait aussi, c’était le rapport des personnages au livre, de quelle manière une fiction peut s’insinuer dans le réel et changer le cours des choses. Le roman d’Henri Pick, Les Dernières Heures d’une histoire d’amour, sépare quand même deux couples, en crée un troisième et finit par aider une veuve inconsolable à surmonter son deuil.
R. B. : Mon principal défi, finalement, était de mettre en scène un paradoxe : on court tous après la vérité, mais on survit grâce aux illusions que l’on crée.
Le film pointe avec ironie l’importance de la promotion dans le parcours d’un livre...
R. B. : L’histoire d’un livre ne suffit plus, il faut aussi raconter une histoire autour du livre. Le roman du roman, comme dit Rouche. Le storytelling. En fait, le marketing rend la fiction exponentielle !
V. P. : On peut s’en amuser, comme on le fait dans le film, en imaginant qu’un éditeur comme Albin Michel décide de publier un auteur refusé 32 fois juste pour être dans la tendance. On peut aussi s’en inquiéter. Quand les lois du marketing viennent s’immiscer dès la sélection des textes, le risque d’uniformisation et de dégradation qualitative devient réel.
R. B. : Les éditeurs, comme les producteurs d’ailleurs, doivent rester pour les auteurs des interlocuteurs passionnés artistiquement, ça me paraît essentiel. Le cinéma est un art collectif.
À quel moment avez-vous mis un visage sur le personnage principal ?
R. B. : En lisant le livre, je visualisais déjà Fabrice Luchini dans ce rôle.
V. P. : On lui a envoyé le scénario et il a répondu en moins d’une semaine. On était d’autant plus heureux qu’on a écrit avec sa photo au-dessus du bureau.
R. B. : Ensuite on s’est vu, on a discuté, on a pas mal rigolé aussi.
Et pour le personnage de Joséphine, qu’interprète Camille Cottin ?
R. B. : Fabrice avait eu l’occasion de jouer avec Camille dans la série DIX POUR CENT et avait adoré l’expérience. Il se trouve que de mon côté je l’avais dirigée dans mon précédent film NOS FUTURS. Nous avions tous envie de retravailler ensemble. Ce choix relevait donc de l’évidence.
Comment s’est déroulé le reste du casting ?
R. B. : Pour le rôle de l’éditrice junior Daphné Despero, je cherchais une actrice qui puisse jouer à la fois l’innocence et le mystère. Alice Isaaz a ce côté blonde hitchcockienne, énigmatique, incernable. Quant à Bastien Bouillon, il s’est fondu avec une grande intelligence dans le rôle de son compagnon, jeune écrivain loser. Pour les autres personnages, mon choix s’est plutôt orienté vers des comédiens venant du théâtre : Josiane Stoléru, Vincent Winterhalter, Florence Muller, l’humoriste Marc Fraize. Et j’ai eu l’immense privilège qu’Hanna Schygulla, l’égérie de Fassbinder, accepte une participation. Enfin, pour tous les personnages de Crozon, j’ai rencontré des comédiens bretons qui ont donné beaucoup d’authenticité aux scènes tournées dans le Finistère. La presqu’île de Crozon, c’est un endroit sublime, un personnage en soi dans le film d’ailleurs. Comme dit Jean- Michel Rouche : On y sent la force des éléments.
C’est votre première collaboration avec Fabrice Luchini, comment vous y êtes-vous préparé ?
R. B. : Durant les trois mois qui ont précédé le tournage, il me téléphonait tous les jours : Tu as cinq minutes ? Et hop il se lançait : Séquence 48... Il me jouait la scène en incarnant tous les rôles. De toute façon, le nerf de la guerre c’est la préparation. Avec mon équipe, on met toujours en place un story-board et des moodboards sur lesquels on regroupe nos intentions, nos inspirations, cela nous permet d’harmoniser bien en amont notre vision du film. Une fois l’aspect technique balisé, je suis plus libre de me concentrer sur la direction d’acteurs.
Qu’attendiez-vous de vos comédiens ?
R. B. : Du rythme. C’est fondamental en comédie. La seule indication que Billy Wilder donnait à ses acteurs c’était :
Plus vite ! Camille et Fabrice ont créé un duo très énergique. Sans tomber dans l’excès non plus. Je pense qu’un jeu en retenue offre au spectateur un espace pour ressentir ses propres émotions. Le rôle de Jean-Michel Rouche, cet homme de lettres passionné, étant assez proche de Fabrice Luchini, cette réserve était d’autant plus nécessaire. Il m’a dit : Je ne veux pas être au maximum tout le temps. Pour certaines scènes, je serai en retrait. Laisser la part belle à ses partenaires, c’est plus qu’élégant, c’est intelligent. Camille aussi a privilégié la sobriété en s’appuyant sur l’écoute et les regards. Elle a cette capacité de moduler son jeu d’instinct et peut passer de la comédie au drame avec une aisance exceptionnelle.
Vous les avez souvent laissé improviser ?
R. B. : Oui bien sûr ! Tant que ça n’altère pas la psychologie des personnages ou leur arc narratif. Le scénario est une base que j’ai besoin de retrouver au montage mais, si j’ai en plus quelques impros réussies, tant mieux. Lorsqu’au cours de l’émission littéraire, Fabrice qualifie un invité d’ethnologue de l’érotisme, les mots sont de lui. La variation sur Marguerite Duras aussi. C’est une chance de travailler avec des acteurs qui aiment créer des accidents ou jouer avec l’environnement. Lors de la scène dans le jardin de Joséphine Pick, le bêlement de chèvre que l’on entend n’était pas prévu du tout. Spontanément, Fabrice a ajouté une réplique à ce propos, il a lancé à Camille, avec l’air inquiet du Parisien perdu à la campagne : Vous avez une chèvre ? Bon le problème c’est que tout le monde a tellement ri qu’on n’a pas pu garder la prise. On a dû la refaire. Et quand Juan, mon premier assistant, a imité la chèvre pour relancer Fabrice, Camille a eu l’idée de sa réplique : Non c’est Juan, le bouc du voisin !
Leur avez-vous donné des références pour les aider à créer leur duo ?
R. B. : Juste avant le début du tournage, Fabrice m’a offert Bonne chance de Sacha Guitry. Il avait parfaitement bien saisi le ton des joutes auxquelles ils allaient se livrer Camille et lui. Leur alchimie a été immédiate, ce qui offre un socle précieux à leur jeu.
Comme vos personnages, y a-t-il un livre qui a bouleversé votre vie ?
V. P. : Le Blé en Herbe de Colette. Ma copine d’enfance me l’avait prêté. C’est le premier roman que j’ai lu, autre que des livres jeunesse ou des BD. J’ai plongé dans la littérature comme ça, avec toute l’œuvre de Colette et je n’en suis toujours pas revenue.
R. B. : Les Contemplations de Victor Hugo. Ce recueil de poèmes épiques m’a fait rêver. En allant loin dans l’imaginaire, Victor Hugo a développé le mien. De lui vient mon goût pour les mots. Les siens sont puissants et justes.
Comment aimeriez-vous que le public sorte de la séance ?
R. B. : Avec le sentiment d’avoir pris du plaisir.
V. P. : Et l’envie de lire un bon bouquin, dehors au soleil.
Le point de vue de Fabrice Luchini
Le point de vue de Fabrice Luchini
Vous n’aviez jamais encore tourné avec Rémi Bezançon ? Comment s’est déroulée la rencontre ?
L’ambiance était détendue, comme le sera d’ailleurs celle du tournage. J’ai découvert un homme très sympathique, doté d’une sorte de flegme à l’anglaise. Pour ma part j’étais d’autant plus à l’aise que je n’avais aucune attente particulière, je suis accaparé par le théâtre et pas particulièrement en demande d’aventures cinématographiques.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de dire oui à ce projet ?
Ce concept d’enquête littéraire m’a beaucoup séduit. Ici, le suspense n’est pas policier mais prétexte au divertissement, à un divertissement élégant, raffiné. J’ai eu la sensation que ce film avait quelque chose à voir avec La discrète de Christian Vincent. Avec Alceste à bicyclette peut-être un peu aussi. Un univers familier, un langage commun. Et le scénario était bon, alors je me suis dit On y va !
Quel metteur en scène est Rémi Bezançon ?
Il n’est pas dans la domination. Son autre grand talent réside dans le fait de nous donner le sentiment – ce qui est rare – de fabriquer le film ensemble. Dès le départ j’ai senti qu’on allait dans le même sens lui et moi. Quelquefois, le point de vue du metteur en scène et celui de l’acteur divergent. Dans le cas du Mystère Henri Pick, on a fait le même film.
Comment dirige-t-il les acteurs, laisse-t-il une part à l’improvisation ?
Oui, malgré un scénario très écrit, Rémi était tout à fait acheteur de nos propositions. J’ai pu parfois improviser et il a conservé certaines répliques. La scène où j’évoque Duras par exemple, il m’a laissé me l’approprier. C’est un réalisateur qui aime ses acteurs, il s’en nourrit avec une joie presque enfantine, qui nous pousse à l’amusement. S’amuser à mon âge est une bonne nouvelle. À 20 ans non, ce n’est pas bon signe. Mais quand on a beaucoup travaillé, accéder à cet état est salutaire et presque une nécessité !
Jean-Michel Rouche, votre personnage, anime une émission culturelle. Vous êtes-vous inspiré d’animateurs connus ?
Pas tellement.
Vous avez pourtant souvent été invité à ce type d’émission, à Apostrophes par exemple ?
Oui, Bernard Pivot a été très important dans ma vie. J’étais aussi assez proche de Michel Polac, c’était même un ami. Mais je ne travaille pas à l’anglo-saxonne. Je n’ai pas fondé mon personnage sur des ressemblances.
Vous formez un tandem avec Camille Cottin qui joue le rôle de la fille d’Henri Pick, l’homme dont vous dénoncez l’imposture. Comment qualifieriez-vous son jeu ?
J’ai apprécié sa précision. Elle explore sans cesse, avec l’ambition d’accéder à ce qui est vivant. Avec Camille, nous cherchions à atteindre cet état de jubilation que provoque la note juste.
Comment avez-vous construit ce duo de comédie ?
Un tel tandem se doit d’être à l’opposé du couple désespérant, celui où chacun reste dans son schéma et n’étonne plus l’autre. Oscar Wilde disait : Être un couple c’est ne faire qu’un, oui mais lequel ? Dans la comédie, le couple ne doit pas faire qu’un mais bien deux. Comme dans une partie de tennis, on joue, on se répond. C’est ce que j’appelle le miracle du partenaire. Je suis souvent seul au théâtre. C’est un grand bonheur de partager avec d’autres comédiens. Le cinéma m’offre l’occasion de vivre avec une troupe que je n’ai pas au quotidien.
Vos personnages vivent une relation forte qui évolue sans verser dans la romance...
Du coup de foudre amical et intellectuel leurs rapports progressent : ils s’érotisent. Pas besoin pour ça de passer à la casserole. Les mots sont un matériau érotique. Souvenez-vous de ce que Duras disait : Les femmes jouissent d’abord par l’oreille.
Le film montre qu’un livre peut bouleverser une vie. Vous avez souvent parlé du Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline.
J’avais 17 ans. J’en suis sorti avec une vision fabuleusement pessimiste du monde. Il est impossible d’expliquer le génie de cet auteur, son aptitude unique à restituer dans la langue écrite l’émotion du langage parlé en quelques mots sans verser dans des lieux communs. Raison pour laquelle je lui consacre plusieurs pages dans mon livre (Comédie française : ça a débuté comme ça..., Flammarion, 2016) où je reviens notamment sur son extraordinaire faculté à fabriquer de la poésie car comme tous les grands écrivains Céline donne à voir, c’est un cinéaste.
Quelle émotion aimeriez-vous que le spectateur ressente en sortant de la salle ?
Je n’ai aucune légitimité à exiger quoi que soit du public. C’est lui le patron ! Ma sensation n’a pas valeur de vérité, mais j’ai l’intuition que le film provoquera le sourire. Il y a du suspense, de la drôlerie, de l’espièglerie. Je déteste dire ça, mais il y a longtemps que je n’ai pas été aussi heureux sur un plateau, j’espère que le public le ressentira. Car si notre métier consiste à lui procurer du plaisir, en éprouver permet aussi de lui en communiquer. Bon, on peut aussi s’amuser et faire une daube ! Mais ce n’est pas le cas. Rémi a réalisé une fantaisie heureuse.
Camille Cottin
Camille Cottin
Saviez-vous que Fabrice Luchini avait soufflé votre nom au réalisateur pour le rôle de Joséphine ?
Oui ! Il m’a téléphoné pour me prévenir. Sept minutes plus tard je recevais le coup de fil de Rémi. J’avais travaillé avec lui sur Nos futurs, son film précédent. C’était chouette de se retrouver. Le fait que Fabrice ait suggéré mon nom m’a mise en confiance. La façon dont on aborde un rôle et un tournage a un réel impact sur ce qu’on va délivrer. Il a pris des responsabilités en proposant mon nom, car même si on avait eu une belle complicité sur la série Dix Pour Cent, on n’avait travaillé ensemble que deux jours. Le matin de la première journée de tournage je l’imaginais se dire : J’espère que j’ai pas fait une connerie ! .
Quelles ont été vos impressions à la lecture du scénario ?
J’ai trouvé le sujet du film original et le rôle de Joséphine touchant dans sa quête de vérité. J’ai aimé ce personnage d’institutrice qui protège sa mère et élève seule son fils. C’est une fille droite et simple. Elle a un côté instinctif, frondeuse, aventurière. Elle n’hésite pas à accompagner jusqu’à Paris ce journaliste agitateur sur un coup de tête. Dans ce duo, quand Fabrice incarne le parisianisme, teinté d’une pointe de snobisme, moi j’incarne tout le contraire.
Joséphine est aussi ambivalente...
En effet, elle doit surmonter une contradiction. Il lui semble très incongru que son père ait pu écrire un roman. Mais elle constate que sa mère y croit, que ce dernier coup d’éclat de son défunt mari la rend heureuse et l’aide à faire son deuil. Alors elle se montre solidaire en y croyant aussi. Pourtant, les doutes du journaliste joué par Fabrice Luchini vont finir par trouver un écho en elle et son besoin de vérité va la pousser à enquêter avec lui.
Votre personnage vit dans le Finistère sur la presqu’île de Crozon, beaucoup de scènes y ont été tournées ?
Oui, la lumière y est magnifique. C’est un endroit sauvage. Comme le souligne Jean-Michel Rouche avec une pointe d’ironie, le Finistère c’est littéralement la fin de la Terre ! Pour un comédien, être coupé du quotidien aide à se créer une bulle, à se concentrer sur le jeu. Lorsqu’on s’installe là où son personnage vit, on se nourrit de tout, du panorama, du vent... Le corps absorbe tout ça.
Comment avez-vous abordé le genre du film, qui navigue entre enquête et comédie ?
Avant le tournage, Fabrice m’avait conseillé de regarder Vivement Dimanche de François Truffaut, en précisant : L’enquête est importante, mais on va la mener en conservant cette petite distance qui permet de s’amuser. Il a raison : personne n’est mort ! Enfin, à part Henri Pick... Ça m’a aidée à trouver l’endroit du jeu. On s’implique dans la recherche de la vérité tout en badinant.
Comment définiriez-vous le duo que vous formez avec Fabrice Luchini ?
Nos personnages ont des tempéraments diamétralement opposés, ils sont comme chien et chat, ce qui donne beaucoup de charme au film. On pense au couple d’Audrey Hepburn et Rex Harisson dans My Fair Lady, ou Katharine Hepburn et Spencer Tracy dans Madame porte la culotte. Dans ces duos, la complicité intellectuelle crée une dynamique qui nous a inspirés Fabrice et moi.
Qu’y-a-t-il de particulier à travailler avec Fabrice Luchini ?
Le mouvement perpétuel de sa pensée me fascine. J’aime son amour du verbe, la qualité de son écoute, sa grande exigence de sincérité. Je suis très sensible à sa quête effrénée de ce qui fait l’essence d’une scène. L’adrénaline du jeu tient à cette envie de se trouver au plus près de la vérité. Si on joue un peu à côté, il décroche immédiatement, la vérité n’étant plus là il dit que l’information ne lui parvient plus. Fabrice a énormément de culture et les films auxquels il a fait référence pour définir l’esprit du film ont été une source d’inspiration.
Comment Rémi Bezançon dirige-t-il ses comédiens ?
Il est très attentif au rythme. Il nous pousse à jouer d’une façon toujours plus tonique. Lorsqu’on va vite, on lâche le cerveau. On est pris par le tempo. On n’a pas le temps de se regarder et de vérifier si c’était bien ou pas. Il y a moins de surmoi. Du coup les choses vous échappent et l’accident peut se produire. Il y a quelque chose d’enfantin dans l’abandon. Rémi nous a aussi permis de nous approprier nos personnages en nous laissant nous exprimer dès les lectures sur le ressenti que nous en avions. C’est une manière très intéressante de construire ensemble. Sur le plateau, il lui arrivait de nous recadrer, mais la plupart du temps il nous laissait une grande liberté.
Le film montre qu’un livre peut bouleverser une vie. Quel est celui qui vous a marqué ?
Le premier livre qui m’a marqué c’était Harold et Maude de Colin Higgins. J’avais 12 ans quand je l’ai lu et cette histoire m’a complètement retournée, j’ai tellement pleuré à la fin. Je me souviendrai toujours de cette première phrase : Harold Chasen se passa la corde au cou. J’ai aussi envie de citer King Kong Théorie de Virginie Despentes. Ce livre a profondément changé mon regard sur la femme occidentale, ou plutôt sur son instrumentalisation. Ce manifeste m’a ouvert les yeux.
Qu’aimeriez-vous que le film offre au public ?
Ce que m’a dit mon père en sortant de la projection : une comédie intelligente !
RÉMY BEZANÇON
RÉMY BEZANÇON
Rémi Bezançon a étudié à l’ESRA Paris et à l’École du Louvre.
En 2005 sort son premier long métrage, Ma vie en l’air mais c’est en 2008 avec Le Premier Jour du reste de ta vie qu’il rencontre un succès critique et public. En 2011, il réalise Un heureux événement, adapté du roman d’Éliette Abécassis, avec Louise Bourgoin, Pio Marmaï et Josiane Balasko.
En 2012, sort Zarafa, que Rémi Bezançon coréalisé avec Jean-Christophe Lie, long métrage d’animation.
En 2015 sort Nos futurs, son cinquième long métrage (et sa troisième collaboration avec Pio Marmaï).
Un véritable petit plaisir
Un véritable petit plaisir
POP MOVIES >>> Le mystère Henri Pick est un véritable petit plaisir et aucun autre acteur n’aurait pu se glisser à merveille dans la peau de ce critique littéraire qui décide de mener l’enquête.
SILENCE ACTION >>> Déployant habilement tout un lot d’indices et d’impasses, cette comédie rafraîchissante par le milieu qu’elle explore et le mystère qui l’anime parvient à tenir en haleine sans mal jusqu’à son dénouement.
CINE SÉRIE >>> L’adaptation d’un roman de David Foenkinos, semble taillée sur mesure pour Luchini. Si ce dernier ne présente pas (pas encore ?) d’émission, il fait la joie de tout présentateur qui l’invite sur son plateau, se prêtant au jeu de la promo en jouant avec la langue française, que ce soit pour évoquer sa jeunesse, défendre un auteur ou réagir à l’actualité.
PREMIÈRE, par Sophie Benamon >>> Le cinéaste a oublié ce qui constituait l’un des charmes de son deuxième long, Le Premier Jour du reste de ta vie : la place essentielle laissée aux personnages secondaires. Malgré le talent de leurs interprètes (Alice Isaaz, Bastien Bouillon...) ils n’ont pas d’espace dans le récit pour exister et la narration y perd en puissance.
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