Carnage
Réalisé d’après une nouvelle de Charles Bukowski, Le Petit Tailleur est un film audacieux qui explore la frontière entre le convenable et le bestial, entre civilisation et barbarie.
Où on va comme ça ? se demande un protagoniste. C’est au spectateur du film d’apporter des éléments de réponse à cette vertigineuse question après avoir passé ce sale quart d’heure en compagnie d’un gars qui a pété un câble et de son pote qui constate les dégâts, Thibault le Goff et Arnaud Bichon impeccables dans leur manière d’interpréter une étrangeté si proche de la normalité.
Avec ce film, le réalisateur Léo Dazin, adepte revendiqué de l’autoproduction, exprime un peu plus encore son talent, démontrant que son choix d’apprendre en faisant, coûte que coûte, porte ses fruits.
LE PETIT TAILLEUR
LE PETIT TAILLEUR
de Léo Dazin (2021 - 17’)
Par un bel après-midi, Harry rend visite à son ami. Les retrouvailles sont perturbées par une odeur nauséabonde.
>>> un film produit par Faire meute et Equinok films
NB : des scènes peuvent heurter la sensibilité du public.
Un sens de la non-justification
Un sens de la non-justification
par Léo Dazin
Le Petit Tailleur a mis trois années à prendre forme. Avec la complicité de l’ingénieur du son Quentin Lamouroux et celle des comédiens Thibault le Goff et Arnaud Bichon, nous avons d’abord créé une première version sonore destinée à de la diffusion radio. Finalement, en 2021, je lançais le tournage de ce film qui n’était possible que dans un cadre de production alternatif (ici associatif). L’envie de faire ce film est née de mon expérience de lecteur d'une nouvelle de quatre pages incluse dans Le Journal d’un vieux dégueulasse de Charles Bukowski, qui m'a fait passer du dégoût à l’empathie, au rire et même à une sensation de beauté. Il y avait également un sens du gratuit et de la non-justification auxquels je suis sensible depuis certaines belles provocations surréalistes. Mon premier élan fut donc de partager ces impressions, tant aux non initiés qu'aux lecteurs de Bukowski.
À la façon d’un chat qui chierait dans sa caisse de gravier en nous regardant droit dans les yeux, Le Petit Tailleur est le fruit d’une réaction grotesco-déterminée. Comme le racontait Pierre Bourdieu dans La Distinction, l’exposition des goûts serait surtout celle des dégoûts. Mon tailleur, par ses motifs et par son fond, me stimule et m’amuse dans la mesure où il ne ressemble pas à une forme de blanchiment intellectuel que représentent à mes yeux de nombreuses manifestations de culture.
Enfin, si j’ai pu entretenir le désir de ce petit film pendant ces quelques années, c’est aussi que ce récit transporte une matière qui m’est proche, familière. Qu’il s’agisse de tuer ou de se tuer, ces gestes mortifères sont souvent les compagnons d’une aspiration frustrée pour une forme de plénitude. Ainsi et alors qu’en maintes circonstances la croyance, l’idéalisme, l’enthousiasme, sont loués (particulièrement dans les pratiques artistiques), ils font aussi d’excellents conducteurs à la mise à mort. Le Petit Tailleur ne révèle pas un paradoxe mais une complexité pour qui y est disposé : oui, il est possible de rire, de passer un bon moment et d’éprouver de l’empathie pour un meurtrier, oui il est possible de l’aimer.
Léo Dazin
Léo Dazin
Après des études de cinéma à Rennes, Léo Dazin préside depuis 2013 l’association Equinok Films avec laquelle il réalise des courts métrages et des clips. Le Rogue, réalisé en 2013, est son premier court métrage, suivi en 2018 par Gargantua. En 2021, il crée avec Owen Morandeau et Antoine Lareyre le collectif de développement/production/diffusion Faire meute. Pendant trois ans il a participé au comité de sélection du Festival du film de l’Ouest et a été assistant artistique pour le festival Travelling.
Bukowski, poète de la folie ordinaire
Bukowski, poète de la folie ordinaire
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