Shiho & Kyoko
Un étrange rêve lucide dans un milieu urbain vidé de toute substance.
Errance nocturne en terrain plus ou moins vague, au son de l’électro planante de Les Gordon. Shiho et Kyoko est un étrange rêve lucide dans un milieu urbain vidé de toute substance, découpé sous la lumière de lampadaires et d’abris-bus, élégamment posé sur la froideur du bitume et sur les mélodies abyssales du producteur rennais.
Shiho et Kyoko plante son décor par quelques plans fixes de routes de campagne désertes. Alors que la nuit tombe, une autre ambiance s’installe, lourde, presque glaçante.
Pour habiter ces espaces vides, deux garçons, les deux acolytes de Colorado (autre groupe électro rennais, passé par les Rencontres trans musicales), qui partagent le cadre sans que jamais leurs regards ou leurs chemins ne se croisent. L’un fume, stoïque, tandis que l’autre danse, comme seul au monde, casque sur les oreilles et rage dans les poings. Deux jeunes garçons qui jamais ne se font face, cohabitant dans une parfaite ignorance, et pourtant…
Réalisé par Les Gordon lui-même, le clip travaille méthodiquement le thème de la variation, à base de plans fixes et de lents mouvements. Des plans qui se répètent, se répondent, se remplissent ou se vident, sous la lumière du jour, de la lune, ou de phares de voiture. Des chemins qui avancent, à des allures différentes. Deux personnes qui s’égarent, sur des rythmes antagonistes. Deux personnes ou peut-être un seul individu, dual, dont la lutte intérieure se formalise dans ce dédoublement en zone industrielle.
Les Gordon nous dévoile avec cette vidéo une bulle d’espaces désincarnés, où l’on déambule à la manière de Gus Van Sant, à coup de vide qui prend vie, hanté par un fantôme qui danse en survêtement. Avec toujours cette empreinte nippone qui le suit, colle à ses titres et à son existence, et donne à son univers une perspective enivrante.
Le nouvel EP de Les Gordon, Abyss, est également à découvrir, à écouter les yeux fermés même, pour que l’on soit tous un peu celui qui danse, à l’abri du monde et des gens.
SHIHO & KYOKO de Les Gordon
SHIHO & KYOKO de Les Gordon
réalisé par Les Gordon (2016 – 3’09)
Les Gordon, de son vrai nom Marc Mifune, se hisse petit à petit au sommet de la musique électronique. En 2013, il précède Stromae sur la scène des Trans Musicales, et joue pour Madéon au Trianon. En 2015, Les Gordon assure la première partie de la tournée de Fauve et sort son EP Atlas chez Kitsuné. Le morceau éponyme, Atlas, atteint rapidement un million de plays sur Internet.
Avec ses mélodies, Les Gordon libère la voie des instruments à cordes : cascade de notes de guitare, saupoudrées de violoncelle et d’autoharpe… qui monte à la tête. L’album Abyss s’inscrit dans la continuité d’Atlas.
Après l’invitation au voyage et à l’élévation, Les Gordon nous incite ici à l’introspection, comme un retour nostalgique de vacances. La présence des voix est aussi plus marquée, des voix féminines aussi différentes qu’originales : ADI, originaire de Tel Aviv, aux accents RNB et Rosalie Dubois, française, penchant davantage vers le chant lyrique.
Gus Van Sant, Palo Alto, William Eggleston...
Gus Van Sant, Palo Alto, William Eggleston...
Marc Mifune : Pour le clip Shiho & Kyoko, j’ai pu avoir plusieurs influences. Je pense aux plans-séquences de Gus Van Sant dans Elephant, ou dans Gerry. L’espace, le vide, l’errance sont des sujets sur lesquels j’ai voulu me pencher. Mais la principale influence cinématographique pour ce clip est Palo Alto, le film de Gia Coppola. J’aime beaucoup l’atmosphère qui se dégage des images, leur douceur, le rendu cotonneux, et aussi le rendu vintage, les scènes filmées de nuit, cela m’a inspiré pour tourner mon clip. Je me suis aussi imprégné des photographies de William Eggleston, notamment sa série Chrome où les couleurs sont justes magnifiques.
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