Mortelle manif
Le 17 octobre 1961, alors que la guerre d’Algérie entre dans une phase critique, vingt mille Algériens manifestent à Paris contre l'instauration du couvre-feu décrété par le préfet de police Maurice Papon. La manifestation est violemment réprimée par les forces de l’ordre et le nombre de victimes, qui se compte par dizaines, n’a jamais été formellement établi.
De ce fait honteux de notre histoire, un groupe d’étudiants de Roubaix a fait une représentation en stop motion, une perle d’animation à ne pas manquer. Jouant tantôt sur le registre du cinéma vérité, tantôt sur l’uchronie, Les Larmes de la Seine nous plonge dans le fait historique sans chercher à exciter un sentiment de culpabilité ou d’indignation. Les étudiants du Pôle 3D ont su, avec une maestria sidérante, offrir aux victimes un tombeau cinématographique digne, où elles ne sont pas réduites au statut de chair à matraque. Une totale réussite donc, tant sur le plan esthétique qu’éthique.
Une page KuB en partenariat avec l'AFCA
LES LARMES DE LA SEINE
LES LARMES DE LA SEINE
par les étudiants du Pôle 3D (2021 - 8’44)
Le 17 octobre 1961, les travailleurs algériens de France décident de manifester pacifiquement dans les rues de Paris contre le couvre-feu qui leur a été imposé par la préfecture de police.
>>> un film produit par le Pôle 3D
Récompenses
240 sélections en festival et 96 prix :
Lauréat du Prix du jury jeune lors de la 20e édition des Rencontres du cinéma européen à Vannes
Prix du meilleur film étudiant, de la meilleure réalisation, et prix 3D au festival d'animation de Dingle, Irlande
BAFTA du meilleur film d'animation étudiant, Los Angeles, États-Unis
Prix SACD du film étudiant, Festival national du Film d'Animation, Rennes
Prix des effets spéciaux au festival international du film court de Clermont-Ferrand
Faire découvrir cette histoire méconnue
Faire découvrir cette histoire méconnue
3DVF : Dans la nuit du 17 octobre 1961, la police française réprime très violemment la manifestation de travailleurs algériens, avec des estimations du nombre de victimes allant de 38 à plus de 200 morts selon les sources. Des faits qualifiés de sanglante répression par François Hollande en 2012. Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Yanis Belaid : Je suis issu de l’immigration algérienne et polonaise en France, cet événement fait partie de moi puisque ma famille, notamment mon grand-père Mohammed Belaid, me parlait souvent de la guerre d’Algérie. Lorsque j’ai proposé l’idée du film, ce qui fut le plus surprenant était que la plupart des personnes du groupe n’étaient pas au courant de cet événement alors qu’il n'avait qu'une soixantaine d'années.
Le court nous présente le point de vue de Kamel, dont la caméra permet de suivre le déroulé de la soirée. Pourquoi avoir fait ce choix ?
La première partie du film se veut démonstrative, et la caméra embarquée s’y prêtait très bien car elle nous immerge dans la manifestation et retrace en globalité le parcours des travailleurs algériens.
Cela a permis également de faire un gros travail sur le son, qui immerge le spectateur dans notre récit afin qu’il vive et ressente l’intensité de ce qu’il s’est passé. Le déroulé du film retrace le parcours qui a réellement été réalisé le soir de la manifestation, en montrant des points clés de la ville de Paris. Nous avons voulu être le plus fidèle possible sur le déroulement des événements, la similitude avec l’environnement, et les actions qui se sont produites ce soir-là.
À la troisième minute, Les Larmes de la Seine bascule totalement, lorsque le protagoniste, frappé par un coup de matraque, est jeté dans la Seine. La narration et la réalisation évoluent, mêlant le réel (l’usage de bus, les milliers de manifestants envoyés au Palais des sports pour identification, où certains subiront des brutalités policières) et la fiction (un esprit festif, un concert dans lequel policiers et manifestants font la fête ensemble). Pouvez-vous revenir sur cette décision artistique ?
Pour la deuxième partie du film, nous voulions continuer de raconter les événements du 17 octobre 1961 mais en amenant l’idée, et notre vision, de communion. Il est très important de se souvenir de l’histoire de notre pays, d’accepter les zones sombres, pour bâtir le futur. Et cette fête, cette communion, est le symbole de cela.
Nous ne voulions pas être accusateurs. Nous voulions montrer les faits, faire connaître cet événement et donner envie aux gens de se renseigner sur cette nuit. Montrer de la violence pour montrer de la violence n’était pas notre but… Mettre de l’huile sur le feu sur un sujet aussi délicat et important ne colle pas à notre objectif et au fond du film que l’on voulait mettre en scène. Du coup, il a fallu doser et être habile avec ce que l’on montrait.
L’intégralité de l’entretien est à retrouver sur le site 3DVF.
Les étudiants du Pôle 3D
Les étudiants du Pôle 3D
Yanis Belaid, Eliott Benard, Nicolas Mayeur, Étienne Moulin, Hadrien Pinot, Lisa Vicente, Philippine Singer et Alice Letailleur sont diplômés en 2021 de l’école Pôle 3D de Roubaix, spécialisée dans la formation en animation 2D, 3D, jeux vidéo et illustration. Ils ont réalisé le film Les Larmes de la Seine, dans le cadre de leur projet de cinquième année. Le film a reçu plus de 90 récompenses à travers le monde et a été sélectionné dans 240 festivals.
Ici, on noie les Algériens
Ici, on noie les Algériens
INA >>> Retour en images sur les commémorations du massacre du 17 octobre 1961, le procès de Maurice Papon et les témoignages de témoins et victimes.
LIBÉRATION >>> Pourquoi le nombre de morts, cette nuit du 17 octobre 1961, diffère-t-il tant entre les médias ? Entre controverse historique et erreurs journalistiques, la vérité a du mal à s’imposer.
FRANCE CULTURE >>> Retour sur l’histoire du massacre du 17 octobre 1961, et sur les œuvres qui ont tenté, et tentent toujours, de mettre en lumière la responsabilité de l’État français dans cette sanglante répression.
BINGE AUDIO >>> Le podcast Programme B revient sur les événements du 17 octobre 1961, et diffuse les archives sonores et les témoignages des victimes recueillis par l’historien et militant Jean-Luc Einaudi.
PÔLE 3D >>> making-off, Les Larmes de la Seine
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