Futurs incertains

devant le miroir Audrey - Les lendemains

Le communisme est la jeunesse du monde, il prépare des lendemains qui chantent, écrivait Gabriel Péri avant d’être fusillé par les nazis en 1941. Il est possible que ce soit à ces lendemains-là qu’ait songé Bénédicte Pagnot en nommant son premier long métrage.

Le bac en poche, Audrey se lance dans la vie, quitte le giron familial pour la ville, la fac, un vaste champ des possibles. Mais les lendemains ne tardent pas à déchanter. Rien n’est simple, le futur est incertain. En route pour les chemins de traverse.

La réalisatrice couve ses personnages d’un regard plein de tendresse, principalement son héroïne, incarnée par la touchante Pauline Parigot. Si le film apparaît d’abord comme un manifeste politique – portrait d’une jeunesse sans illusions ni perspectives, tentée par la radicalité – il questionne aussi le rapport aux autres, au-delà des modèles habituels de la famille et même de la vie universitaire. L’expérience du squat dans laquelle s’engage Audrey est le lieu d’une table rase et donc d’une possible réinvention des rapports. Dans ce contexte, entre utopie et chaos, Audrey semble trouver un sens à sa vie, au risque de l’affrontement avec les gardiens du système.

BANDE ANNONCE

LES LENDEMAINS

de Bénédicte Pagnot (2013 - 110')

Retrouvez ici la bande annonce de cette oeuvre (les droits de diffusion sur KuB sont arrivés à échéance).

En partant à la fac, Audrey s’éloigne de son cocon familial, de son amie d’enfance, de son copain. Avec sa nouvelle colocataire, elle découvre le militantisme politique. De désillusions en difficultés, Audrey croise le chemin des jeunes du GRAL, un groupe de squatters qui lui propose de vivre autrement et lui offre une nouvelle vision du monde. Audrey choisit de partager leur expérience, de plus en plus radicale…

>>> un film produit par Gilles Padovani, .Mille et Une. Films

Récompense :

Prix du public au festival Premier plan d'Angers - 2013

INTENTION

Le cri d'Audrey

par Bénédicte Pagnot

Tract - Les lendemains

Les Lendemains se déroule en France aujourd’hui. Aucun événement ne permet de dater précisément le temps du film. C’est un choix. L’envie ici est d’interroger le politique au sens large, dans le prolongement, par exemple, de Cavale, le magnifique film de Lucas Belvaux dont il disait : Le politique a abdiqué, le discours électoral est délégué à des publicitaires, l’abstention n’est jamais aussi forte que lorsqu’on a le sentiment que sa voix ne compte plus. Au bout de ça, il y a le cri, la violence. Les Lendemains, c’est l’histoire du cri d’Audrey. Le film retrace les quinze mois d'un parcours qui la fait glisser de jeune fille sans histoires à criminelle. C’est un film sur la perte de repères, individuels et collectifs. Rien ne prédestine Audrey à bifurquer vers la marge puis à franchir la ligne blanche. C’est ce qui m’intéresse avec ce personnage.


Audrey n’est ni la Rosetta des frères Dardenne, ni la Mona de Sans toit ni loi d’Agnès Varda. Rosetta cherchait un meilleur, Mona un ailleurs. Audrey, elle, ne rejette pas son entourage, ne cherche pas à changer de vie, ne court après rien. Son unique projet, c'est aller à la fac en partageant un appartement avec Nanou, sa meilleure amie. L’échec de Nanou au bac c’est l’événement inattendu qui fait que rien ne va se passer comme Audrey l’avait souhaité.

J’ai eu envie de faire exister avec vitalité et tendresse ce milieu populaire auquel Audrey appartient : sa famille, sa meilleure amie, son petit copain. Puis j’ai cherché à restituer ce trouble et cette excitation d’une nouvelle vie qui commence : le passage d’une petite commune à une grande ville, celui du système scolaire organisé à la jungle universitaire, le premier appartement, l’éloignement du carcan/cocon familial, les nouvelles rencontres (avec Julie et Thibault, Audrey découvre un univers dont elle ignore tout : celui du militantisme politique). Évoquer là ce moment particulier de l’existence où l’on rencontre pour le meilleur et pour le pire des gens différents de son milieu d’origine, où l’on se trouve confronté à autre chose que ce que l’on connaît.

Alors que les nouveaux repères d’Audrey sont encore flous (elle a du mal à suivre les cours à la fac ; Julie n’est pas encore vraiment une amie…), les anciens vacillent. Audrey est bousculée, déboussolée. Montrer, par petites touches, les raisons objectives et subjectives de sa fragilisation : le chômage de son père, les difficultés financières, la découverte du secret de Nanou, l’attirance non-réciproque pour Thibault… En filigrane, il s’agit de montrer aussi le leurre de l’égalité des chances à l’université, les clivages sociaux, les dégâts du chômage.

Ce parcours d’Audrey a l’ambition de s’inscrire dans une réflexion sociale et politique contemporaine. La perte des repères d’Audrey, c’est aussi celle d’une certaine jeunesse d’aujourd’hui. Si les vieux schémas (familiaux, sociaux et politiques) sont obsolètes, si la société ne propose rien pour laisser espérer un avenir lumineux, alors où trouver sa place ?

C’est au sein du GRAL qu’Audrey va trouver une place. Sept jeunes squatters y partagent un lieu et un mode de vie. Laboratoire où se posent les mêmes questions que tout mouvement politique de tout temps (qui est l’ennemi ? qui décide ? quoi privilégier, l’action ou la réflexion ?), le GRAL prétend vouloir changer le monde, mais pour ce faire il a besoin de se barricader. Quand le GRAL subit des attaques du monde extérieur, il n’y survit pas et c’est l’explosion. Quand le GRAL disparaît, Audrey et Elena décident d’aller plus loin.

Les Lendemains est incontestablement un film noir mais je ne le veux pas morbide. Je veux que souffle sur lui l’esprit politique, au sens d’Hannah Arendt. Je ne veux pas d’un fatalisme sordide dans la photographie. Pas d’horizon bouché. Pas de noirceur qui s’installe comme si le monde ressemblait à ce qu’Audrey en voit. Je veux travailler sur l’énergie des corps, la chaleur, la beauté ; retrouver l’ancrage réaliste et la puissance cinématographique de films comme Wild side de Sébastien Lifshitz ou Des anges de Julien Leloup, où la dureté côtoie la beauté.

BIOGRAPHIE

Bénédicte Pagnot

Bénédicte Pagnot

Bénédicte Pagnot naît en 1970 à Elbeuf (Haute-Normandie). Après une maîtrise d’études audiovisuelles à l’université Toulouse le Mirail, elle devient assistante de réalisation, régisseuse et chargée de casting sur des tournages en Bretagne où elle choisit de s’installer. C’est en 2001 qu’elle réalise La Petite Cérémonie (primé dans huit festival, dont le Prix du public au festival Premiers plans d’Angers) ; suivront deux autres fictions courtes La Pluie et le Beau Temps (2008) et Mauvaise Graine (2010), et trois documentaires Derrière les arbres (2004), Avril 50 (2006) et Mathilde ou ce qui nous lie (2010). En parallèle, elle mène des ateliers en milieu scolaire, universitaire et pénitentiaire. En 2017 sort Islam pour mémoire, un voyage avec Abdelwahab Meddeb, son deuxième long métrage après Les Lendemains.

BIOGRAPHIE

Pauline Parigot

devant le miroir Audrey - Les lendemains

La Rennaise Pauline Parigot étudie l’art dramatique à l’école régionale d’acteurs de Cannes et Marseille. Après une expérience sur le petit écran, elle joue le rôle d’Audrey dans Les Lendemains, son premier long métrage de cinéma. Par la suite, elle construit une carrière variée alternant séries (Les Revenants, Sentinelles...), théâtre (Le Dernier Métro...) et films de cinéma. Son jeu d’actrice a été remarqué dans le film de Bénédicte Pagnot, ainsi que dans Frères d’armes de Sylvain Labrosse en 2020.

REVUE DU WEB

Pauline Parigot, une révélation

LES INROCKUPTIBLES >>> Les Lendemains du titre ne sont bien sûr pas chantants ici, ni pour la jeunesse, ni pour les adultes, mais on ne s’inquiète guère pour ceux de son actrice principale, la débutante Pauline Parigot. En feu follet mutique, pleine d’énergie intériorisée, elle a tout pour brûler très longtemps à l’écran.
LE PARISIEN >>> Bénédicte Pagnot signe un très beau film, juste et naturel en tout, mais elle révèle en prime une comédienne éblouissante. Ces Lendemains apportent une nouvelle nuance de talent dans le cinéma français.
L’EXPRESS >>> Pauline Parigot crève l’écran par son naturel désarmant et sa capacité de passer de la jeune fille effacée à la jeune femme aussi engagée qu’enragée, sans que jamais le travail nécessaire pour y parvenir ne transparaisse.

COMMENTAIRES

    CRÉDITS

    réalisation Bénédicte Pagnot
    scénario Bénédicte Pagnot, Emmanuelle Mougne
    chef-opérateur Matthieu Chatellier

    son Corinne Gigon, Alexandre Hecker
    montage Marie-Hélène Mora
    mixage Christophe Vingtrinier
    musique originale Médéric Collignon

    production Gilles Padovani - .Mille et Une. Films
    coproduction AGM Factory

    distribution UFO distribution
    avec le soutien de TVR, Tébéo, TébéSud, de l'avance sur recettes du CNC, de la Procirep-Angoa, et de la Région Bretagne
    avec la participation du CNC

    Artistes cités sur cette page

    Bénédicte Pagnot

    Bénédicte Pagnot

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