L'insoumis

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Louis Guilloux (1899-1980) fut longtemps sous-estimé avant que la notoriété ne le rattrape, post-mortem. En 2019 paraît chez Gallimard L’Indésirable. D’abord considéré comme une esquisse du Sang noir, cette ébauche de jeunesse s’avère être une œuvre authentique pleine de fulgurances. De plus en plus de voix, après celle de Camus, s’élèvent pour dire que Louis Guilloux était un écrivain majeur du 20e siècle. Il était donc urgent que KuB en rende compte.

Grâce au précieux travail de collectage réalisé par Hervé Portanguen, nous découvrons Louis Guilloux sous le regard de quatre de nos contemporains : un archiviste, une historienne, un éditeur, un critique. Chacun nous restitue à sa manière des facettes de l’homme et de l’auteur, nous lisent des passages de son œuvre, nous permettant d’en découvrir la complexité tout en se révélant eux-mêmes, humbles serviteurs de l’art littéraire, passeurs de la sensibilité et de l’intelligence humaine.

Dans la maison de Louis Guilloux

Dans les années 1930, Louis Guilloux fait construire une maison située à l'extrémité du quartier Saint-Michel à Saint-Brieuc. Elle borde le cimetière où le romancier sera inhumé en 1980. Au dernier étage, son bureau, qui domine la ville d'un côté, et la baie de Saint-Brieuc de l'autre, est resté en l'état. Vous pouvez ici vous laisser gagner par l'atmosphère de ce lieu où l'écrivain a vécu, reçu ses amis et élaboré une bonne partie de son œuvre.
Depuis 1993, la maison est propriété de la Ville et reçoit du public dans le cadre d'expositions, d'ateliers d’écriture, de remises de prix littéraires et de cycles de rencontres littéraires mensuelles autour d'un thème.

GUILLOUX VU PAR

D’une guerre à l’autre

Olivier Macaux

Docteur ès lettres, Olivier Macaux donne des cours et des conférences consacrés à la littérature française du XVIIIe siècle à nos jours, de Jean-Jacques Rousseau à Georges Simenon, à la littérature étrangère (russe et américaine) et aux sciences humaines (de Freud à Guy Debord). Lorsqu'Olivier Macaux découvre Le Sang noir, il se dit : Mais quel roman ! Il compare Le Sang noir de Louis Guilloux à Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. Marqués par la boucherie qu'a été la Première Guerre mondiale, les deux auteurs décrivent une société en proie à la barbarie intérieure. Tous deux, sans pudeur, nous montrent la réalité de la guerre : elle fait partie de notre société. Dès lors, Macaux s'attachera à faire connaître Guilloux. Et ce n'est donc pas par hasard qu'il se retrouve avec un manuscrit inédit de l'écrivain entre les mains. Avec Arnaud Flici et le petit-fils de Louis Guilloux, il se lance en 2019 dans l'édition de L'Indésirable, un premier roman que Louis Guilloux n'avait jamais réussi à faire publier et qui connaît dès sa sortie un grand succès critique.

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Le romancier de la douleur

Grégoire Leménager

Prix Hennessy 2015 du journalisme littéraire, Grégoire Leménager est chef-adjoint du service Culture de l'Obs et chroniqueur dans La Dispute. Il a consacré son mémoire de fin d'études au roman Le Jeu de patience et nous lit un extrait du livre Le Sang noir. Dans la scène qu'il a choisi, Mme Marchandeau, la femme d'un proviseur, se rend chez le député Faurel, figure de pouvoir dans la ville de province où ils vivent tous deux. Elle cherche à sauver son fils qui va être fusillé pour avoir déserté. On y ressent la douleur de la mère qui va perdre son enfant, celle du député qui ne peut ou ne veut rien faire et la nôtre, nous qui voyons un enfant se faire tuer. Albert Camus disait de Louis Guillloux qu'il était le romancier de la douleur. Avec cet extrait, Grégoire Leménager nous montre sa capacité à donner de l'attention à chacun de ses personnages. Par leurs bizarreries, leurs défauts, leurs choix, il nous pousse à éprouver de l'empathie pour eux.

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Un observateur aiguisé

Arnaud Flici

Conservateur du fonds patrimonial de la bibliothèque municipale de Saint-Brieuc, Arnaud Flici a participé à plusieurs travaux de recherche sur Louis Guilloux. C'est dans les réserves qu'il nous reçoit, là où sont stockés les quelque 500 000 feuillets (notes et manuscrits) de l'écrivain. On y découvre qu'avant d'être romancier, Louis Guilloux fut un journaliste méthodique, à la curiosité insatiable, qui s'est construit une véritable documentation sur ses contemporains. Articles de journaux, conversations entendues dans le train, vieilles cartes postales... tout est consigné dans des carnets qui viendront ensuite nourrir son œuvre.
Cette vidéo montre aussi la manière de fonctionner des Archives, leur utilité tant sur le plan de la restauration, que sur celui de la conservation physique ou de l'indexation des documents, la façon dont ensuite les historiens peuvent travailler à partir du fonds constitué.

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Être engagé et dégagé

Sylvie Golvet

Sylvie Golvet a titré sa thèse de recherche Louis Guilloux, l'ambition du romancier (2008, Rennes 2), avant d'en tirer l'essai Louis Guilloux, devenir romancier, aux Presses universitaires de Rennes. Son édition critique et documentée de O.K., Joe ! en fait une fine connaisseuse de l'écrivain, l'ami de Camus, celui auquel le Prix Goncourt de 1935 a échappé de peu mais qui recevra le Grand Prix national des Lettres en 1967. Mais, pour Sylvie Golvet, Louis Guilloux est d'abord le porte-voix des gens du peuple, ceux qui travaillent beaucoup et gagnent peu, ceux qui, pendant les guerres, sont en première ligne. C'est un ressenti collectif contre l'injustice qu'il écrit. Sans jamais juger, accuser, théoriser. Il montre, témoigne et laisse à chacun la liberté de se faire sa propre opinion.

BIOGRAPHIE

Louis Guilloux

Guilloux portrait Louis écrivain Saint-Brieuc archives municipales
Tous droits réservés au Fonds d'archives littéraires Louis Guilloux, Bibliothèques de Saint-Brieuc

Écrivain français, Louis Guilloux est né en 1899 à Saint-Brieuc et mort en 1980 dans la même ville. Auteur du Sang noir, il appartient à cette génération de romanciers marquée par l’expérience de la guerre de 1914. Sensible au sort des plus démunis, il s'engage aussi contre le fascisme, se situant au cœur des questionnements littéraires, politiques et existentiels de son époque. Il a vécu entre Paris et Saint-Brieuc que l’on reconnaît dans la petite ville de province qui sert de cadre à de nombreux romans ; mais en se refusant à lui attribuer un nom, il lui confère une dimension universelle.
Louis Guilloux s’inscrit dans une veine réaliste issue du naturalisme, qui justifie son rapprochement avec la littérature prolétarienne. Néanmoins, son œuvre se développe en pleine crise du roman classique, ce qui le conduit à explorer les multiples ressources du genre. Ainsi, son récit peut se concentrer sur une seule journée (Le Sang noir) ou couvrir un demi-siècle (Le Jeu de patience), être proche du grand roman polyphonique ou de l’essai de voix (Coco Perdu).
La diversité de cette œuvre unifiée par son sens du tragique montre que son auteur ne peut être réduit ni à son engagement social, ni à son appartenance bretonne. Il a été l’ami intime d'André Malraux et d'Albert Camus.

L'INDÉSIRABLE

Le premier roman d'un jeune écrivain

Louis Guilloux L'indésirable Gallimard

L'Indésirable, aux éditions Gallimard

La guerre s’éternise dans la boue des tranchées. À Belzec, une ville de l’arrière, les autorités ont établi un camp de concentration où sont parqués les étrangers indésirables. Un professeur d’allemand, M. Lanzer, y sert d’interprète, s’attirant, par sa tolérance, la sympathie des prisonniers. Lui et sa famille ont d’ailleurs secouru une vieille Alsacienne, échouée là par hasard. En retour, elle leur lègue, peu avant sa mort, ses maigres économies et quelques bijoux en sa possession. Une rumeur, orchestrée par un collègue de Lanzer, accuse à tort le professeur d’avoir profité des largesses de la boche. Quand le fils du principal, revenu blessé du front, découvre la mise au ban de son ami, il prend sa défense, au risque de devenir le nouvel indésirable...

Écrit en 1923 et resté inédit à ce jour, ce roman de jeunesse de Louis Guilloux brosse le tableau saisissant d’une humanité en guerre perpétuelle. L’auteur du Sang noir y révèle déjà un talent remarquable pour dire l’impensé de l’époque : que la barbarie, loin d’être circonscrite aux champs de bataille, peut surgir en chaque individu.

Découvrez une lecture publique de L'Indésirable par Philippe Languille.

REVUE DU WEB

En toute (in)discrétion

INA >>> Louis Guilloux raconte son ami Albert Camus. Si Louis Guilloux reste une figure discrète de la littérature française, il a toujours été reconnu par ses pairs. André Malraux, Max Jacob... découvrez aussi l'écrivain à travers les mots de ceux qui l'ont connu ici.

CINÉMATHÈQUE DE BRETAGNE >>> L'Insoumis, un documentaire de Rolland Savidan et Florence Mahé : Ce document donne à voir et à entendre des moments majeurs de la vie de l’écrivain. Louis Guilloux lui-même nous fait part de ses réflexions et de ses engagements tout au long du siècle qu’il a traversé.

BIBLIOBS >>> Grégoire Leménager exhume pour l'Obs le premier roman du plus méconnu de nos grands écrivains : L'indésirable. Une charge contre la haine ordinaire, d'une troublante actualité, qui nous plonge dans le laboratoire du Sang noir.

FRANCE CULTURE >>> L'écrivain Éric Vuillard et le journaliste Grégoire Leménager reviennent sur la carrière de Louis Guilloux, et sa postérité.

COMMENTAIRES

  • 13 novembre 2023 22:06 - Catherine Veillon-Guilloux

    Merci et bravo les Kubiens, vous n'imaginez pas comme c'est émouvant pour l'une de ses petites-fillles ( qui, par ailleurs, ne comprends pourquoi le lieu qu'il habitait à Paris, rue du Dragon, est totalement passé sous silence )

  • 7 juin 2023 07:01 - Veillon-Guilloux

    Il serait dommage d’oublier de citer le remarquable film «  Voyage en Bretagne avec Louis Guilloux » réalisé par son ami Jean Marie DROT

  • 18 mai 2020 17:24 - GÉRARD ROBIN

    excellent document sur Louis Guilloux

  • 13 mai 2020 10:32 - Auboux

    Merci!

  • 12 mai 2020 15:12 - Mandart Armel

    Excellents documents sur un auteur trop méconnu. La passion de l'archiviste et celle de la chercheuse sont absolument communicatives. Bravo, le KuB pour l'ensemble de ce travail !

CRÉDITS

image, entretiens Hervé Portanguen
son Kilian Jarno et Nese Guvenc
montage
Serge Steyer et Hervé Portanguen
moyens techniques KuB

photos d'archives

tous droits réservés au Fonds d'archives littéraires Louis Guilloux, Bibliothèques de Saint-Brieuc

remerciements

Mairie de Saint-Brieuc

Yolaine Coutentin, archives municipales

Hélène Dontenville, bibliothèques municipales

avec

Arnaud Flici
Sylvie Golvet
Grégoire Leménager
Olivier Macaux

Artistes cités sur cette page

Guilloux portrait Louis écrivain Saint-Brieuc archives municipales

Louis Guilloux

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