8000 miles from home
Faut-il tuer la personne qu’on est pour devenir ce qu’on veut être ?
Réalisé avec une efficacité démoniaque par François Le Gouic, le clip des Madcaps 8000 Miles from Home vient, l’air de rien, à sa façon et peut-être sans le vouloir, répondre à une question qui n’est pas seulement musicale mais aussi métaphysique : qu’est-ce qu’un groupe (de rock) ?
Un groupe, c’est d’abord un composé d’uns et de plusieurs, de monades et de complexes. Une entité qui dépasse la somme de ses membres, tout en faisant de chacun d’eux une pièce indispensable, inamovible. Un groupe, c’est aussi, pour chacun de ses membres, le dépassement de sa propre identité.
Sous la forme d’un récit de vengeance « tarantinien » et rétro, c’est l’autre idée que déploie ce clip, en relatant la tentative d’assassinat raté, par chaque membre du groupe, de celui qu’il est dans la « vraie vie ». Faut-il rappeler, faut-il se souvenir, que Joe Cocker était initialement plombier à Sheffield, Elvis Presley chauffeur-livreur, ou que Johnny Cash a passé trois ans dans l’US Air Force avant d’entamer sa carrière de musicien ? Bref, faut-il tuer la personne qu’on est pour devenir ce qu’on veut être ? Les Madcaps, eux, n’ont pas l’air d’être particulièrement tracassés par ces questions existentielles, et ils mettent dans leur projet de destruction de leurs alter ego ordinaires une belle application.
Sauf que dans la vie, rien ne se passe jamais comme prévu, et ce sont le prof, le cuisinier, le toubib et l’homme des bois qui prendront le dessus, en ajoutant dans leurs meurtres la jubilation à l’application. Ainsi, en à peine plus de trois minutes et un clip qui est un condensé de simplicité et d’efficacité, 8000 Miles from Home déroule devant nos yeux les vertiges de l’identité musicale, les tourments de la fidélité à soi-même, l’éthique complexe que nécessite l’articulation de l’existence publique et de la sphère privée. Je propose donc que The Madcaps soient immédiatement promus à une chaire de philosophie contemporaine au Collège de France, et qu’on érige leur statue devant chaque hôtel de ville. Si ma requête n’est pas entendue par les pouvoirs publics dans les plus brefs délais, ma prochaine chronique sera également la dernière.
Eric Thouvenel
8000 MILES FROM HOME de The Madcaps
8000 MILES FROM HOME de The Madcaps
réalisé par François Le Gouic (2015 – 3’13)
The Madcaps, selfie
The Madcaps sont maboules, sauvages, complètement zinzins ; ils jouent des chansons punk adolescentes à toute berzingue à grand renfort de guitare fuzz et de rythmes trépidants. Mais ils savent aussi être smarts, suaves et rusés, et en groovontologues avisés, balancer de bons vieux mid-tempos aux lignes de basses rondes et chaloupées dans le but unique de provoquer un mouvement longitudinal de votre bassin. Comme ils ont de surcroît des âmes de midinettes, et que les dimanches pluvieux au bord de la mer les émeuvent tel un film de Michael Bay, ils ont appris à réaliser quelques accords mineurs pour draguer les filles avec des ballades pleines de trémolos et de chœurs lancinants à faire chialer un bulldozer allemand.
Ils avaient réjoui l’hexagone et ses contrées limitrophes avec leur premier album en avril 2015, les revoici quelques mois plus tard avec un deuxième disque qui sortira en janvier 2016 et dévoilera encore un peu plus leur penchant certain pour le garage américain, et le beat anglais des années 60.
Fans des Allah Las, des Black Lips, de Holy Golightly, des Kinks, de Shannon & The Clams ou des Electric Prunes, de King Tuff ou des Remains, vous auriez bien tort de vous abstenir. Les Madcaps vont vous prouver une nouvelle fois que Rennes est plus que jamais le bastion du garage rock tricolore.
FRANÇOIS LE GOUIC
FRANÇOIS LE GOUIC
François Le Gouic est réalisateur, monteur et producteur de courts métrages. Attaché à l’univers musical, il participe notamment à la fabrication de clips et de programmes TV, reportages musicaux et vidéos promotionnelles d’artistes. Il réalise notamment des clips pour des artistes de la scène rennaise (The Wankin’Noodles, The Madcaps, Empire Dust…) et des événements culturels (les TransMusicales, I’m From Rennes, Le Grand Soufflet…). Il prépare actuellement avec Paris-Brest Productions un court métrage soutenu par France 2, le CNC et la Région Bretagne.
Le clip 8000 miles from home a obtenu le PRIX RADi au Festival du film de l’Ouest 2016.
Les Madcaps connaissent leurs classiques sur le bout des boots
Les Madcaps connaissent leurs classiques sur le bout des boots
Les Inrocks >>> Les Madcaps incarnent cette frange du rock moderne lorgnant avec malice et érudition sur les glorieuses années 60.
Frantz Hoëz, Le nouvel Obs >>> Du pur millésime ’65, pour une musique hors du temps, décomplexée et rafraîchissante.
Ces rennais connaissent leurs classiques sur le bout des boots ; mélodies entêtantes, mid tempos classieux et refrains imparables ; quand c’est bon, on en reprend.
Frédéric Péguillan, TELERAMA SORTIR >>> Le premier album de ce quartet rennais est l’une des bonnes nouvelles de ce printemps.
GONZAI >>> Ces Madcaps sont promis à un grand avenir.
LONGUEUR D’ONDES >>> S’il fallait comparer The Madcaps à des groupes actuels, on penserait aux meilleurs, du genre Allah-Las ou Mystic Braves.
Eleonore Quesnel, NEW NOISE >>> Des mélodies infiniment chaleureuses et enthousiastes, qui charment immédiatement.
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