MANUEL D'EXIL
Fraîchement restauré, le foyer de demandeurs d’asile à Rennes me fait penser à mon lycée. Une grande porte vitrée, d’interminables couloirs, sauf qu’ici au lieu des salles de classe on a des chambres pour les réfugiés. Dans le hall central il y a une carte du monde avec les petits drapeaux du pays des résidents. La misère du monde s’est donné rendez-vous à Rennes en cette fin d’été 1992.
Je suis accueilli par une dame aux énormes lunettes. Elle parle doucement en me regardant droit dans les yeux. Je saisis que je vais avoir une chambre simple, pour célibataire, que la salle de bains et la cuisine sont communes et que j’ai droit à un cours de français pour adultes analphabètes trois jours par semaine.
Je suis un peu vexé :
– I have BAC plus five, I am a writer, novelist…
– Aucune importance mon petit, répond la dame. Ici tu commences une nouvelle vie…
Après avoir déserté l’armée bosniaque, le narrateur se retrouve sans argent ni amis, ne parlant pas le français, dans un foyer pour réfugiés. Dans une langue poétique, pleine de fantaisie et d'humour, Velibor Čolić aborde un sujet d’une grande actualité et décrit sans apitoiement la condition des réfugiés, avec une ironie féroce et tendre.
VELIBOR ČOLIĆ
VELIBOR ČOLIĆ
Velibor Čolić est né en 1964 en Bosnie. Jeune chroniqueur radiophonique et écrivain il s’est trouvé enrôlé dans l’Armée bosniaque aux pires moments de la guerre, témoin des abominations commises dans les tranchées et les villages ethniquement purifiés. Il déserte l’armée croato-bosniaque en 1992, puis est fait prisonnier avant de réussir à s’enfuir.
Réfugié politique en France, il vit longtemps à Strasbourg, où il travaille dans une bibliothèque et collabore aux Dernières Nouvelles d’Alsace. Auteur de plusieurs ouvrages en serbo-croate (cinq en tout), traduits en français par Mireille Robin, il s’attache à combattre, par la littérature, le désarroi extrême de ceux qui ont vu abolir toute humanité en l’homme.
Sans papiers, sans visage, sans présent et sans avenir
Sans papiers, sans visage, sans présent et sans avenir
LA CROIX, Jean-Claude Raspiengeas >>> Adopter la langue du pays d’accueil va devenir la voie royale de son intégration, passant, non sans mal, du « Rubik’s cube de la langue slave » à la « souplesse féline et musicale du français ». Depuis 2006, ses livres n’ont plus besoin d’être traduits. « Je ne peux plus m’imaginer commencer un roman autrement qu’en français, devenu mon refuge et mon pays », lance-t-il.
OUEST-FRANCE >>> Un migrant, c'est un homme sans visage, une statistique , déplore Velibor Čolić. C'est mon devoir de dire que les migrants ne sont pas que des pauvres, tristes ou blessés, des voleurs, mais aussi des gens qui peuvent écrire des poèmes ou tomber amoureux.
D'UNE BERGE À L'AUTRE >>> Les confessions sincères, rédigées vingt-cinq ans après, avec le recul nécessaire pour dédramatiser sans gommer d’un trait de plume les difficultés rencontrées. Exercice périlleux réussi haut la main, entre humour, tendresse et féroce ironie. Tout ce que j'aime en somme.
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