En distorsion
28/07/2026
Il y a quelque chose du Van Gogh tardif dans les images de Mémorable, une plastique tourmentée qui dit le désordre mental. Francis Bacon est convoqué lui-aussi et Giacometti, des artistes qui ont représenté la psyché humaine.
Dans son film, Bruno Collet nous place dans l’intimité de Louis, un peintre dont la mémoire part en capilotade et à qui André Wilms a confié sa voix. Louis tâche de sauver la face, conscient de son problème.
Alzheimer. Un million de personnes touchées en France. Une terrible maladie pour ceux qui la contractent et pour ceux qui vivent à leur côté. Un phénomène de société que Bruno Collet transfigure en œuvre plastique vertigineuse, poignante. Louis a une perception distordue de la réalité et ce changement prend forme dans son corps de marionnette et dans la perception qu’il a de son entourage. Magnifique idée que cette représentation d’une réalité vrillée, métaphore, au-delà de la pathologie, de ce qu’est la subjectivité.
MÉMORABLE
MÉMORABLE
de Bruno Collet (12' - 2019)
Louis, artiste peintre, vit d’étranges événements. L’univers qui l'entoure semble en mutation. Lentement, les meubles, les objets, les personnes perdent de leur réalisme. Ils se déstructurent, parfois se délitent...
>>> un film produit par Jean-François Le Corre et Mathieu Courtois, Vivement Lundi !
Prix en festivals
Nomination aux Oscars du Meilleur court métrage d’animation -2020
Pré-sélection César Meilleur court métrage d'animation - 2020
Sélection Prix Émile-Reynaud - 2019
Cristal du court métrage au Festival international du film d’animation Annecy - 2019
Prix du public au Festival international du film d’animation Annecy - 2019
Prix du jury junior pour un court métrage au Festival international du film d’animation Annecy - 2019
Audience award au Festival de Concorto - 2019
Best art direction film au festival international d'animation brésilien Anima Mundi - 2019
Best short film Anima Mundi Rio de Janeiro - 2019
Best short film Anima Mundi São Paulo - 2019
Prix du jury junior, FMK Pordenone - 2019
Prix du jury pour le meilleur court métrage international au festival Linoleum à Kiev - 2019
Prix du public, FICBUEU - 2019
Prix du public au Festival de stop-motion de Montréal - 2019
Meilleur court métrage d’animation au COLCOA Los Angeles - 2019
Grand prix, IAFF Krok - 2019
Audience award for narrative short à Calgary - 2019
Prix du public, 3D Wire Segovia - 2019
Mention du jury, Stoptrik IFF Maribor - 2019
Grand prix, Castelli animati, Rome - 2019
Prix du public Belle idée, Animatou Genève - 2019
Prix du public, Animest Bucarest - 2019
Audience prize and AniB's choice prize au festival International BIAF, Corée du sud - 2019
Meilleur directeur artistique au festival Animage, Brésil - 2019
Prix du public au Eberswalde Film Festival – Provinziale 2019
Audience Award for best of international animation au Wiesbaden Animation Festival - 2019
Special mention for best animated short film au ReAnimania international animation and comics art festival de Yerevan - 2019
Une mémorable genèse
Une mémorable genèse
Bruno Collet et le producteur Mathieu Courtois reviennent sur l'écriture et la fabrication de Mémorable. La réalisation de ce film a été pour le studio l'occasion d'explorer de nouveaux possibles, notamment la construction de marionnettes dont le visage s'anime par une ossature interne et l'intégration d'images 3D faites maison dans une scène complexe tournée en stop-motion.
L'atelier de création
L'atelier de création
Tourné par Mathieu Tillaut pendant la fabrication du film, ce clip montre le travail de fabrication des marionnettes animées et des décors de Mémorable, petit bijou de stop motion.
Dans le regard d’un être cher
Dans le regard d’un être cher
par Bruno Collet
Depuis ses origines, le cinéma nous invite à explorer des contrées inconnues, à découvrir des univers lointains ou inaccessibles que seule l’imagination débridée de certains artistes nous permet d’entrevoir. Un de ces mondes mystérieux m’intrigue. Cette terra incognita a beau être foulée chaque jour par des prétendants de plus en plus nombreux, aucun d’eux n’en est revenu pour nous conter son expérience. Alors, la question reste en suspens. Que se passe-t-il dans l’esprit d’un malade d’Alzheimer ?
Véritable drame pour la famille et pour les proches, cette dégénérescence neuronale est source d’un grand désappointement et de souffrance. Quoi de plus douloureux que de chercher désespérément dans le regard d’un être cher les dernières traces d’un souvenir commun. Et que se passe-t-il réellement pour le malade ? Si l’on connaît les symptômes qui touchent le patient durant les premières années de sa maladie, cela devient beaucoup plus flou quand la communication devient difficile, voire inexistante.
Plusieurs films d’animation ont déjà traité de la maladie d’Alzheimer. Je pense au long métrage espagnol La tête en l’air d’Ignacio Ferreras, dans lequel on découvre la vie pleine d’imprévus de locataires d’une maison de retraite ; ou au court métrage anglais Lost property qui nous dévoile avec sensibilité les efforts d’une vieille dame pour aider son mari à retrouver la mémoire. Dans ces deux films, nous observons la maladie à travers les yeux de l’entourage du patient. Avec Mémorable, je propose aux spectateurs un autre point de vue : se glisser dans la peau du malade et découvrir sa vision du monde.
Pour ce faire, je me suis inspiré du travail réalisé par l’artiste William Utermohlen, un peintre américain diagnostiqué Alzheimer en 1995. Dans les années qui suivent, il n’aura de cesse de réaliser une incroyable série d’autoportraits qui nous dévoilent le regard qu’il porte sur lui-même, un témoignage pictural bouleversant.
Alors que Utermohlen possédait, selon son épouse, une très bonne technique que l’on pourrait qualifier de réaliste, son style évolue. Peu à peu, sa peinture perd en détail, devient plus abstraite. Puis, les aplats de couleurs se font plus crus avant de complètement disparaître pour laisser place à un graphisme épuré. Étrangement, si l’on observe ses nombreuses toiles, on a l’impression que le peintre a volontairement revisité les principaux mouvements picturaux du 20e siècle. Expressionnisme, cubisme, surréalisme ou abstraction, le style de l’artiste est en perpétuelle mutation. William Utermohlen a-t-il volontairement choisi ce qu’il veut nous montrer ou nous montre-t-il simplement ce qu’il peut encore percevoir ? Nul ne le sait, mais c’est en s’appuyant sur la deuxième hypothèse que j’ai débuté l’écriture de mon scénario.
Tout comme William Utermohlen, Louis, le personnage principal du film, est un peintre souffrant d’Alzheimer. Si son humour corrosif l’aide à supporter cette terrible dégénérescence neuronale, la maladie altère profondément sa vision du monde. Autour de lui, lentement, des objets, des visages s’effacent. L’ordre dans lequel ces derniers disparaissent n’a rien d’aléatoire. Il est profondément lié à l’intérêt ou à l’indifférence que Louis leur porte. Un cousin éloigné, un sèche-cheveux peu usité, n’ont que peu de chance de demeurer dans sa mémoire.
Face à cet univers qui s’effiloche, le cerveau de Louis réagit. En puisant dans les souvenirs encore présents, le subconscient de l’artiste tente de colmater les brèches ouvertes par la maladie, de recréer ce qui tend à s’évanouir. Mais que reste-t-il dans la tête de Louis ? Plus grand chose, si ce n’est certaines images liées à son unique passion : la peinture.
Construit à partir de références artistiques qu’il a acquises durant sa jeunesse, un nouveau monde se dessine autour de Louis. Différents styles picturaux cohabitent pour créer un univers insolite censé le préserver du néant. Nul ne peut contrecarrer l’inéluctable. Pourtant, face à la maladie, le couple résiste. Cette lutte, Louis et Michelle vont la mener jusqu’au bout, avec comme seules armes l’amour et surtout l’humour.
Face aux questions auxquelles il ne peut apporter de réponse, le peintre, d’un naturel moqueur, a très vite compris l’intérêt qu’un jeu de mots ou une plaisanterie peuvent avoir. Pour lui, pratiquer l’ironie n’a même que des avantages.
Par son humour grinçant Louis déstabilise son interlocuteur, qui en oublie sa propre question. Cette ironie lui permet aussi de conserver, par ce qui s’apparente à une vivacité d’esprit, sa capacité à briller en société. Son ton sarcastique pourra être interprété par son entourage comme la preuve d’une incroyable lucidité et d’un véritable courage dans le combat qu’il mène face à cette terrible maladie. Ultime avantage pour le peintre, qui lui permet sans doute de participer à construire sa postérité…
Bruno Collet
Bruno Collet
Né en Bretagne en 1965, Bruno Collet obtient en 1990 le Diplôme national supérieur d'arts plastiques aux beaux-arts de Rennes. Il commence alors à travailler comme assistant photographe, puis comme décorateur sur de nombreux films, séries et vidéos musique en volume animé. En 2001, son premier court métrage, Le dos au mur, est sélectionné puis primé à la Semaine de la critique au Festival de Cannes. Cette date marque pour lui le début de sa carrière de réalisateur. Les tournages de séries et de films en stop motion vont alors s’enchaîner. Calypso is like so, en hommage à l’acteur Robert Mitchum, séduit la chaîne américaine Turner Classic Movie qui lui commande Rest in peace, une mini-série humoristique mettant en scène les déboires d’un psycho-killer cinéphile. En 2007, Bruno Collet change de registre et nous propose avec Le jour de gloire… une vision onirique de l’horreur des tranchées durant la grande guerre. Le petit dragon renoue avec l’humour en nous offrant, trente-huit ans après sa disparition, de sympathiques retrouvailles avec Bruce Lee.
Bruno Collet travaille actuellement à l’écriture de son premier long métrage d’animation.
Un palmarès démentiel
Un palmarès démentiel
LE GRAND BAZH.ART >>> Vidéo
LE TÉLÉGRAMME >>> Pour nous, on a déjà gagné… Être nominé aux Oscars aux côtés des plus grands studios hollywoodiens, c’est déjà une immense victoire pour un petit studio de Bretagne !
TÉLÉRAMA >>> Rien n’est plus réjouissant qu’une belle édition de festival qui se clôt par un beau palmarès ! À l’image de cet Annecy 2019 de très haute tenue, qui a encore dépassé son record de fréquentation, et dont les deux grands gagnants sont français.
LA CROIX >>> Entretien avec Bruno Collet : spécialiste de l’animation en volume, le réalisateur met en scène la progression inexorable de la maladie avec beaucoup de délicatesse et de maîtrise formelle. Mêlant références picturales et sculpturales, le film donne à voir la puissance de l’amour et de l’art dans la lutte contre l’isolement et l’effacement de soi.
GÉRONTOLOGIE ET SOCIÉTÉ >>> Créations picturales ou graphiques dans la maladie d'Alzheimer et dans la schizophrénie : Dans la démence, on remarquera le retour primaire aux sens face au délitement du sens – retour primaire au perceptivo-sensoriel précisément. Par exemple, subsiste encore chez William Utermohlen dans ses dernières œuvres l’investissement sensoriel : l’odorat, l’ouïe et le goût étant matérialisés par le dessin encore possible du nez, de la bouche et de l’oreille
3 mai 2024 18:40 - Janon
Très émouvant,plastiquement magnifique,le portrait de sa femme par touches des doigts est remarquable.
A.Janon
29 juin 2021 00:56 - Laurence KLING
Ce film est magnifiquement triste. Très émouvant!
C'est une merveille.
29 mars 2021 23:14 - Riout Estelle
Bravo pour ce très beau et très riche film que nous venons des découvrir lors de la fête du court métrage; il a été choisi par mes élèves qui vont en faire une chronique.
Estelle Riout,professeur de Cinéma, Lycée Millet, Cherbourg
4 février 2020 09:25 - KuB tv
Bonjour Aurélie,
Mémorable sera diffusé sur France 2 dans l'émission Histoires Courtes France 2 le dimanche 9 février à 01h40
Et dès le lendemain sur le replay France TV, pendant 7 jours.
source: Vivement Lundi !
L'équipe KuB
29 janvier 2020 11:10 - aurelie
bonjour, comment peut-on voir le film en entier ? quel est son circuit de diffusion ?