Une vie obstinée
Nicole et Félix Le Garrec sont connus pour être les réalisateurs du film Plogoff, des pierres contre des fusils, tourné à la fin des années 70 à la pointe Finistère, quand la population s’y est dressée contre la construction d’une centrale nucléaire. Reconnus même, depuis qu’en mai 2019 ils ont gravi les marches du Festival de Cannes pour la présentation d’une copie restaurée de leur film qui, trente ans plus tard, reprend le chemin des salles de cinéma pour y rencontrer une nouvelle génération de spectateurs.
Le film de Philippe Guilloux part de cette aventure, pour s’intéresser à ses deux protagonistes, Nicole la réalisatrice et Félix le filmeur. Elle aurait pu être institutrice, lui ouvrier, mais leur rencontre en a décidé autrement. La passion de la photographie, un réel intérêt pour les gens ordinaires, les ont fait sortir de l’orbite du prévisible. À l’échelle d’une vie, ils ont filmé et photographié des histoires individuelles et collectives, constituant un fonds d’images et de sons qui raconte une Bretagne engagée dans des luttes pour sauver sa langue, son littoral infesté de pétrole… et fière de sa culture populaire.
NICOLE ET FÉLIX
NICOLE ET FÉLIX
de Philippe Guilloux (2014 - 55’)
Nicole et Félix Le Garrec ont photographié et filmé les luttes citoyennes qui ont marqué la Bretagne des années 70. Leur film relatant la lutte contre l'implantation d'une centrale nucléaire à Plogoff, les centaines de photos de gens ordinaires et de scènes de la vie quotidienne ainsi que les collectages audio qu'ils ont engrangés pendant plus de cinquante ans constituent le cœur d'une œuvre humaniste méconnue. Le film raconte cet attachement profond de Nicole et Félix à une région et à ses habitants et retrace le parcours singulier qui va les mener de leur magasin de photos de Plonéour-Lanvern (29) à la réalisation d'un film devenu le symbole de la résistance citoyenne.
>>> un film produit par Philippe Guilloux, Carrément à l'Ouest.
Cinéma militant
Cinéma militant
par Philippe Guilloux
Les années 70 en Bretagne sont marquées par le renouveau de la culture bretonne, les luttes ouvrières, les contestations paysannes, les mobilisations citoyennes contre des projets que l’État veut imposer. Vivre et travailler au pays devient alors le slogan d'une génération qui refuse le fatalisme d'un déclin présenté comme inéluctable.
Nicole et Félix se sont fait l'écho de ce bouillonnement à une époque où le conducteur du journal télévisé se fait au Ministère de l'Intérieur. Ils ne se sont pas contentés de rendre compte. En nous montrant la vie quotidienne, l'attachement des gens à leur territoire, les Le Garrec ont restitué les motivations profondes des citoyens qui entrent en résistance, des élus qui refusent de se soumettre aux lois de la République. Au lieu de simplifier le réel, ils le saisissent dans sa complexité et nous donnent à réfléchir.
J’ai ressenti l'envie de faire un film sur eux, avec eux, pour les rencontrer vraiment, car finalement je ne les ai que croisés pendant toutes ces années. J'ai eu envie de partager avec le spectateur ce que nous avons de commun : cet engagement pour un territoire et les gens qui y vivent. J’ai cherché à comprendre pourquoi Nicole et Félix, propriétaires d'un magasin de photos qui leur assure des revenus confortables, vendent leur commerce pour s'engager dans la voie aventureuse d'un cinéma militant. Pourquoi, quelques années plus tard, ils prennent le risque de se ruiner pour raconter le combat des gens de Plogoff.
Nicole et Félix n’est pas une stèle et encore moins un testament, car l'insoumission de Nicole et de Félix résonne encore aujourd'hui. Chaque année, ils reçoivent en effet plus d'une centaine de demande de projections de Plogoff, des pierres contre des fusils. Et si chaque accident nucléaire renvoie le film à sa matrice originelle, il est aussi le support à des débats contre l'implantation d'un aéroport, d'un centre d'enfouissement ou la fermeture d'une maternité.
À l'heure où la Bretagne est à nouveau en effervescence, où le slogan Vivre et travailler au pays ! refleurit sur les banderoles, revenir sur le parcours des Le Garrec me pousse à m'interroger sur le rôle des cinéastes. Certes les chaînes d'information diffusent les images des manifestations et des affrontements, mais notre travail n'est-il pas justement de mettre en perspective ces événements, en expliquer le sens profond, en comprendre les origines ?
Nicole et Félix Le Garrec
Nicole et Félix Le Garrec
Nés respectivement en 1942 et 1930, Nicole et Félix Le Garrec sont tout deux originaires du Finistère. Félix découvre la photographie dans les Alpes où il est envoyé adolescent pour soigner une tuberculose. À son retour, il aménage un labo photo dans le grenier de la maison familiale. Il est embauché dans un labo à Paris, et en 1958, il achète un magasin à Plonéour-Lanvern, son village natal, et s’y installe comme photographe. Après l’obtention de son baccalauréat, Nicole s’inscrit à l’université pour devenir institutrice. Elle épouse Félix en 1961, et commence à s’occuper du magasin. Félix développe son activité de photographe pour Le Télégramme, ainsi que pour des pochettes de disques et des revues spécialisées.
En 1969, ils vendent le magasin. Ils rencontrent René Vautier et s’associent à lui au sein de l’Union de Production Cinématographique Bretagne. Nicole devient scripte, régisseuse puis assistante de réalisation. Avec Félix, ils réalisent de nombreux diaporamas sur des thèmes politiques, diffusés dans de nombreuses salles de Bretagne. À la fin des années soixante-dix, ils créent la société de production Bretagne Films. En 1980, ils débutent le tournage de Plogoff, des pierres contre des fusils, qui sort en salle la même année et enregistre 250 000 entrées. En 1983, Félix est nommé directeur de l’Atelier régional cinématographique Bretagne à Quimper, l’un des cinq ARC initiés par Jacques Lang. Parallèlement Félix et Nicole mettent en place des stages de formation au son, montage, direction d’acteurs, à l'assistanat de réalisation.
Philippe Guilloux
Philippe Guilloux
Né en 1960 à Aulnay-sous-Bois, Philippe Guilloux débute son parcours comme animateur-programmateur de salles de cinéma Art et Essai. Ce poste qu’il occupe pendant 20 ans lui permet d’acquérir une solide culture cinématographique et lui donne envie de passer de l’autre côté du projecteur. Le hasard des rencontres lui a permis de démarrer une carrière de monteur. Il est le fondateur de la société Carrément à l’Ouest, basée à Carhaix, en Centre Bretagne.
L'histoire d'un couple militant
L'histoire d'un couple militant
FRANCE CULTURE >>> Le parcours atypique de ce couple militant Nicole et Félix Le Garrec , figure de l'audiovisuel breton, racontée dans l'émission Le Journal de l'histoire
OUEST FRANCE >>> Le réalisateur Philippe Guilloux revient sur son documentaire sur les Le Garrec, en interwiew.
L'OUEST EN MÉMOIRE INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL* >>> Plougoñ, dek vloaz goude [Plogoff, dix ans après] quand le journal télévisé revient sur les émeutes de Plogoff 10 ans après et en breton !
15 février 2022 09:23 - SIRARD SKOL UHEL AR VRO
Félix et Nicole LE GARREC ont reçu le Collier de l'HERMINE en 2014 à NANTES;
http://www.skoluhelarvro.bzh/institut-culturel-de-bretagne/les-hermines/4585-2/