Couple sur le grill
Old Love Desert est un film sur le couple, un couple hétéro-classique sur un canapé de caillasse et sous une lumière crue. Un homme, une femme, tous deux vêtus de blanc et de bleu, naguère un couple, se retrouvent côte à côte perdus dans des collines rouges, à vif, sous un ciel azur. Jonathan Millet les filme sur une pellicule argentique qui flamboie sous ce déluge de photons.
Le temps semble venu pour ces protagonistes d’exprimer leurs dernières pensées, volontés, liste de choses dont ils se souviendront avec bonheur, liste de celles qu’ils n'ont pas faites pensant avoir encore tout leur temps devant eux. Dans cet état des choses, des émotions refont surface : l’affection, le désir, la tendresse… Ce qui semblait évaporé se re-condense. Les petites choses repérées chez l’autre, qui ont attendri avant d’insupporter.
OLD LOVE DESERT
OLD LOVE DESERT
de Jonathan Millet (2012 - 21’)
Le désert à perte de vue. Un couple. Ils ne pensent pas s’en sortir, alors ils parlent. Ils se racontent ce qu’ils n’ont jamais osé se dire. Les répliques jaillissent, se chevauchent, caracolent. Et puis de longues pauses.
>>> un film produit par 5J Production et Pan Production
La parole ultime
La parole ultime
par Jonathan Millet
Il y a d’abord eu une envie de désert. Une envie visuelle. De couleurs. D’espace étiré, brut. De profondeur de champ. Du désert‐cinéma en somme. Une atmosphère puissante. Qui confère aux dialogues, aux visages et aux corps une certaine fatalité. Le désert comme lieu tragique, qui symbolise la fin. Les gens sont plus intéressants dans le désert. Leurs discussions aussi. On qualifie les films de désert de bruts et de primitifs. Ici, nous voulions que le brut et le primitif, ce soit la parole. Pas forcément la parole significative et pompeuse, mais celle rythmée et spontanée qui suggère les idées. Ils sont dans le désert et leur discussion ira jusqu’au bout, sans les contraintes habituelles du monde extérieur pour les interrompre. Ils avaient au moins besoin de cela pour se parler.
Car ce désert n’a pas d’échappatoire. C’est un lieu clos. Une parenthèse. Fantasmée ou non. En tout cas, ce qui est dit n’en ressort pas. Alors ils peuvent vraiment tout se dire. La discussion est longue et minutieuse, ponctuée de pauses naturelles et d’instants de sincérité naïfs et confondants. La discussion vibre parfois de méchanceté et de mesquinerie, ces deux formes de l’assaut domestique, du rapetissement convenu, mais également de réminiscences inattendues d’un amour passé. Il y a cette idée de mort qui amène une parole différente, loin des conventions sociales et de l’image à préserver. Il y a cette idée de la parole ultime. Ces deux personnages ne sortent en rien de l’ordinaire. Ils sont aussi universels que leurs Converses. On n’en tombe pas amoureux. Plutôt dans le déni de leur mort certaine, ils oscillent entre la légèreté, sur certaines répliques particulièrement décalées, et un ton empreint d’une certaine mélancolie pour d’autres.
Pour la réalisation de ce film, j’ai été influencé par plusieurs œuvres. D’abord Before Sunset, de Richard Linklater, avec ce couple qui se balade dans Paris et qui discute sans discontinuer, mais aussi par Zabriskie Point, El cant Dels Ocells, Rachel getting married, Twentynine Palms ou encore Scenes from a Mall… car ils abordent le couple, le tragique, les disputes, et, parfois, le désert et sa beauté.
Jonathan Millet
Jonathan Millet
Jonathan Millet naît à Paris. Il étudie la philosophie puis part plusieurs années filmer des pays lointains : Soudan, Pakistan, Colombie, Iran… Il réalise ensuite des courts métrages de fiction, notamment Old Love Desert, Et toujours nous marcherons, et La Veillée, sélectionnés dans de nombreux festivals. Il réalise également un premier long métrage documentaire, Ceuta, douce prison, sorti au cinéma en 2014, puis Dernières nouvelles des étoiles en 2018.
En 2020, il réalise trois nouveaux courts métrages, Les Dominos, La Disparition et Grand Huit. Actuellement, il est en cours de développement de son premier long métrage de fiction, Les Fantômes, et d’un documentaire au cœur d’un centre de soins post-traumatiques, Les Corps d’Osiris.
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